Facebook est plus riche que jamais malgré le scandale Cambridge Analytica

Les résultats trimestriels du géant américain, publiés mercredi 25 avril au soir, montrent que le réseau social de Mark Zuckerberg ne pâtit pas (encore) du scandale Cambridge Analytica. Les annonceurs sont pour l'instant toujours aussi fidèles.
Sylvain Rolland
Le scandale Cambridge Analytica ayant éclaté à la mi-mars, ses conséquences de long terme n'ont pas encore eu le temps d'impacter Facebook. De nombreux analystes anticipent des impacts financiers plus marqués dans les six prochains mois.
Le scandale Cambridge Analytica ayant éclaté à la mi-mars, ses conséquences de long terme n'ont pas encore eu le temps d'impacter Facebook. De nombreux analystes anticipent des impacts financiers plus marqués dans les six prochains mois. (Crédits : © Stephen Lam / Reuters)

L'épée de Damoclès ne s'est pas encore abattue sur la tête de Facebook. Depuis le scandale Cambridge Analytica, qui a éclaté mi-mars, puis du mouvement #DeleteFacebook et des auditions houleuses devant le Congrès américain qui ont suivi, et en attendant l'arrivée du RGPD le 25 mai prochain qui devrait faire perdre des utilisateurs à Facebook sur le continent européen, on s'attend à voir l'empire de Mark Zuckerberg, riche de 2,2 milliards d'amis dans le monde, vaciller.

Financièrement, il n'est en rien, du moins pour l'instant. Les résultats du premier trimestre 2018, publiés mercredi 25 avril au soir, montrent que Facebook affiche une santé éclatante. Avec un chiffre d'affaires ahurissant de 12 milliards de dollars (+49% sur un an) et un bénéfice net de 5 milliards de dollars (+63% sur un an), le réseau social ne s'est même jamais aussi bien porté et s'est aussi payé le luxe de faire mieux que les prévisions les plus optimistes des analystes. Les polémiques et les appels au boycott n'enrayent même pas sa croissance : le nombre d'utilisateurs mensuels actifs a augmenté de 13% sur un an, à 2,2 milliards dans le monde.

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Logiquement, ces résultats ont fait bondir la valeur de son action de 7% en Bourse, à 159 dollars l'action. Pas suffisant pour retrouver les niveaux d'avant le scandale Cambridge Analytica (185 dollars), mais cela représente tout de même une petite bouffée d'air frais.

Lire aussi : Données personnelles : après Facebook, Google bientôt dans la tourmente ?

Pour les annonceurs, Facebook est toujours "the place to be"

Ce succès viendrait presque narguer ceux qui estiment que le modèle économique de Facebook et Google - des services gratuits basés sur l'exploitation des données personnelles des utilisateurs à des fins publicitaires - est condamné à cause du réveil des régulateurs et des usages en ligne.

"Malgré les défis importants auxquels nous sommes confrontés, notre communauté et nos activités démarrent fort en 2018. Nous voyons nos responsabilités de façon plus large et investissons pour nous assurer que nos services sont utilisés de la bonne façon", a déclaré le patron-fondateur Mark Zuckerberg, lors d'une conférence téléphonique avec des analystes.

Lors de cette conférence, Sheryl Sandberg, la numéro 2 de Facebook, s'est dite "fière" de ce modèle économique, et a réaffirmé - sans vraiment convaincre - sa foi dans la capacité de l'entreprise à concilier la performance publicitaire avec le respect de la confidentialité des données. La publicité représente au premier trimestre 2018 98,5% de son chiffre d'affaires.

Pour Yuval Ben-Itzhak, le Pdg de SocialBakers, spécialisé dans l'analyse des médias sociaux, Facebook reste "the place du be" pour les annonceurs :

"Nous n'observons aucune tendance à la baisse en termes d'investissements publicitaires sur la plateforme. Les données révèlent un petit sursaut après les révélations du scandale Cambridge Analytica, mais un retour à la normale quelques jours plus tard. Dans l'ensemble, nous pouvons dire qu'il y a un grand décalage entre la couverture médiatique du mouvement #DeleteFacebook et la réalité des marques, qui semblent toujours aussi actives sur Facebook", décrypte-t-il.

Facebook dispose en outre d'un atout de plus en plus important dans sa manche : Instagram. Le réseau social de partage de photos est de plus en plus populaire et représente un relais de croissance pour Facebook, notamment pour toucher la cible des Millennials qui tendent à déserter le réseau social.

"Les données montrent qu'Instagram est la plateforme la plus puissante en termes d'engagement pour les marques. Sa montée en puissance ne doit par être sous-estimée", ajoute Yuval Ben-Itzhak.

Cambridge Analytica + RGPD + régulation : six mois plus compliqués attendent Facebook

Attention toutefois à ne pas crier victoire trop vite. Le scandale Cambridge Analytica ayant éclaté à la mi-mars, ses conséquences de long terme n'ont pas encore eu le temps d'impacter Facebook. De nombreux analystes anticipent des impacts financiers plus marqués dans les six prochains mois.

Surtout avec l'entrée en vigueur, le 25 mai, du RGPD, le Règlement européen sur la protection des données personnelles. Ce texte très strict impose à Facebook d'expliciter son utilisation des données personnelles et de recueillir le consentement des utilisateurs tout en leur offrant la possibilité de quitter facilement le réseau social en cas de refus. Le RGPD pourrait entraîner une "stagnation voire une baisse" du nombre d'utilisateurs en Europe au deuxième trimestre, a prévenu David Wehner, directeur financier du groupe.

Facebook, comme les analystes, s'attendent également à un léger impact du RGPD sur les recettes publicitaires. Recettes qui devraient croître de toute façon moins vite, car le groupe manque d'espaces publicitaires à vendre et a prévenu les marchés, comme il le fait depuis deux ans, qu'il fallait s'attendre à un ralentissement de la croissance.

L'environnement réglementaire a aussi de quoi inquiéter Facebook. En plus du RGPD, l'Union européenne prépare une législation pour contenir les "fake news" qui pullulent sur le réseau social, et se montre de plus en plus critique et agressive vis-à-vis des pratiques - fiscales, concurrentielles - des géants du Net américains.

Encore pire pour Facebook, l'idée d'une régulation des réseaux sociaux fait aussi son chemin aux États-Unis, poussant Mark Zuckerberg à engager encore plus de dépenses en lobbying. Ainsi, Facebook a consacré 3,3 millions de dollars au premier trimestre - un record pour lui - pour "discuter" avec les législateurs sur la publicité en ligne, la vie privée sur Internet, "l'intégrité de la plateforme" ou encore les fuites de données.

Lire aussi : Critiqués, les GAFA musclent leur lobby

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(*) Un graphique de notre partenaire Statista.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 26/04/2018 à 13:02
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Parce que ce n'était pas un scandale pour les citoyens du monde, seulement pour l'oligarchie canal historique qui possède 95% des médias, et ceux-ci, en ont fait un scandale. Nous autres ça fait belle lurette que l'on sait très bien que tout ce q...

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