Inclusion numérique : pourquoi le gouvernement a opté pour une stratégie low-cost

Par Sylvain Rolland  |   |  1074  mots
Mounir Mahjoubi a dévoilé à Nantes le Plan national pour un numérique inclusif. (Crédits : BENOIT TESSIER)
Mounir Mahjoubi a présenté à Nantes le Plan national pour un numérique inclusif, afin d'aider les 13 millions de Français en état d'illectronisme. Un plan économe et avare en nouvelles initiatives, qui mise plutôt sur la fédération des projets existants et une meilleure organisation des acteurs de l'aide sociale sur tout le territoire.

Critiqué par sa gauche et décrit comme "le président des riches", Emmanuel Macron enclenche la phase "sociale" de son mandat. En parallèle du "plan pauvreté", présenté également le 13 septembre, le secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, a dévoilé à Nantes la stratégie de l'Etat pour un numérique inclusif.

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Au menu : quelques nouveautés (les Pass numérique, un "kit d'inclusion numérique" pour les aidants...), mais surtout, la fédération des projets et des acteurs existants sur le tout le territoire. Une méthode économe, à rebours des traditionnelles annonces spectaculaires, pour faire en sorte que la réduction de la fracture numérique soit au cœur de l'action de l'aide sociale.

L'inclusion, un levier de croissance ?

L'enjeu est important pour Emmanuel Macron. Le président s'est engagé à effectuer la transformation numérique de l'Etat et à réduire drastiquement la fracture numérique, qui touche près de 20 % de la population. Ainsi, 13 millions de Français utilisent pas ou peu Internet et se sentent en difficulté avec les usages, d'après le Baromètre du Numérique 2018.

Parmi eux, 6,7 millions ne se connectent jamais à Internet et plus de 7 millions disposent d'un faible niveau de compétences numériques. L'appétence pour la technologie est aussi différente en fonction des classes sociales : si 76 % des Français se disent prêts à adopter de nouvelles technologies, la proportion tombe à 57 % pour les non-diplômés.

"Le déploiement d'infrastructures pour l'accès à un réseau de bonne qualité pour tous, et l'accompagnement de chacun dans les usages, sont les deux piliers pour lutter contre la fracture numérique et les inégalités qu'elle peut engendrer", a expliqué Mounir Mahjoubi mercredi 13 septembre.

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Pour les réseaux, le gouvernement s'est engagé à fournir le très haut débit pour tous d'ici à 2022. Pour les usages, la Stratégie nationale pour un numérique inclusif vise à réduire drastiquement l'illectronisme. Une nécessité pour qu'Emmanuel Macron puisse tenir sa promesse d'un "Etat 100% numérique" en 2022. Et aussi une opportunité économique, puisqu'une étude de France Stratégie de juillet 2018 indique qu'un plan d'inclusion numérique qui toucherait un tiers de la population cible sur dix ans, soit environ 4,5 millions de personnes éloignées du numérique, pourrait représenter un gain de 1,6 milliard d'euros par en moyenne sur la période.

Pass Numérique, Pix, Hubs France Connectée...

Dans le détail, la stratégie présentée par Mounir Mahjoubi s'articule autour de quelques actions phares, avec un investissement minimal de l'Etat.

  • Des "Pass Numérique" pour lutter contre l'illectronisme

Mounir Mahjoubi a donné plus de précisions sur ce vaste plan de formation au numérique destiné aux personnes en difficulté par rapport à son annonce du début de semaine. Il s'agit de crédits de formation, de 10 heures ou 20 heures.

Alors qu'il avait laissé entendre que l'Etat mobiliserait "entre 75 et 100 millions d'euros", il a précisé qu'il s'agissait en fait d'un co-financement entre l'Etat, les collectivités territoriales, les opérateurs sociaux et les entreprises. La part de l'Etat ne sera que de 10 millions d'euros. Il se chargera en revanche de recenser les acteurs "qui démontreront leur capacité à opérer un dispositif de Pass numérique" en accord avec la stratégie nationale, à l'image du pass APTIC, plus connu sous l'appellation "chèque culture numérique".

  • Des "Hubs France Connectée"

Il s'agit de structures "têtes de réseaux"  dans les territoires, dont la mission est de fédérer les acteurs du secteur de la médiation numérique et professionnaliser la filière. L'Etat mobilisera 5 millions d'euros en 2019-2020 pour faire émerger une dizaine de Hubs qui devront "recenser, conseiller et outiller les acteurs de terrains" pour accueillir et dispenser des ateliers numériques partout sur les territoires. L'appel à projets est d'ores et déjà lancé.

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  • Vaste dispositif de formation destinée aux aidants

Pour assurer la qualité et l'efficacité des formations, le gouvernement veut mettre en place un vaste dispositif qui commence par la formation des travailleurs sociaux. L'Etat soutient ainsi la coproduction d'un MOOC, qui sera disponible fin 2018, destiné aux agents des collectivités territoriales, sur les enjeux et bonnes pratiques de la médiation numérique.

Une offre de formation sera aussi mis en place pour les volontaires en services civiques, qui ont été identifiés comme des acteurs œuvrant pour l'inclusion numérique. Enfin, une Charte devra être signée par les opérateurs de service public, comme la branche Famille de la Sécurité sociale, La Poste qui va diffuser le Pass numérique, ou encore Pôle Emploi qui propose déjà des ateliers de formation aux outils numériques.

L'Etat va également créer un outil « France Connect Aidants ». Il permettra à un tiers de réaliser une démarche administrative en ligne à la place d'une personne ne parvenant pas à les faire seule, en bénéficiant d'une connexion sécurisée.

  • Un "Kit inclusion numérique"

Les aidants seront aussi aidés par la mise à disposition d'outils clé-en-main. Ce kit inclusion numérique comprend par exemple des outils de diagnostic des compétences numériques ainsi que des outils papier proposés par certaines CAF et des outils en ligne tels que Les Bons Clics.

  • Déploiement de la startup d'État Pix

Il s'agit d'un service public en ligne qui mesure l'acquisition de compétences numériques. Un parcours pour évaluer les compétences numériques de base va être créé pour permettre aux personnels (intervenants sociaux, médiateurs numériques) de mieux connaître et accompagner les personnes en difficulté.

  • Un événement national annuel : Numérique en commun[s]

Pensé comme un "espace de rencontre et de construction d'outils communs" et un "temps d'inspiration et de formation à destination des décideurs publics", ce rassemblement annuel, qui se tient cette année le 13 et 14 septembre à Nantes, est porté par la Mission Société Numérique de l'Etat et la coopérative nationale des acteurs de la médiation numérique La MedNum. Il vise à contribuer à donner une visibilité médiatique et un portage politique à la stratégie nationale d'inclusion numérique.