"Sacrifier la sécurité pour des clics" : un cofondateur de Facebook appelle à son démantèlement

Par Anaïs Cherif  |   |  603  mots
(Crédits : Dado Ruvic)
"Casser le monopole de Facebook et réguler", c'est l'injonction lancée ce jeudi 9 mai au gouvernement américain par Chris Hughes, co-fondateur de Facebook aux côtés de Mark Zuckerberg.

L'enfant terrible de la Silicon Valley est lâché par les siens. Le co-fondateur de Facebook, Chris Hughes, appelle à démanteler le réseau social dans une tribune publiée ce jeudi 9 mai dans le New York Times. "Cela fait 15 ans que j'ai co-fondé Facebook à Harvard, et je ne travaille plus pour l'entreprise depuis une décennie. Mais je me sens en colère et responsable", affirme-t-il en guise de préambule. Chris Hughes précise avoir revendu l'intégralité de ses parts de Facebook en 2012 et dit ne pas être actionnaire d'une plateforme concurrente. Il revient sur le pouvoir d'influence de Mark Zuckerberg, co-fondateur et actuel Pdg de Facebook.

"L'influence de Mark [Zuckerberg] est stupéfiante, bien au-delà de toute autre personne du secteur privé ou du gouvernement. Il contrôle trois plateformes de communication essentielles - Facebook, Instagram et WhatsApp - utilisées par des milliards de personnes chaque jour. Le conseil d'administration de Facebook fonctionne davantage comme un comité consultatif que comme un superviseur, car Mark contrôle environ 60% des actions avec droit de vote", affirme-t-il.

Et de poursuivre : "Il peut à lui seul décider comment configurer les algorithmes de Facebook pour déterminer ce que les internautes consultent sur le fil d'actualités, quels paramètres de confidentialité ils peuvent utiliser et même quels messages sont livrés."

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Facebook ou le monopole des réseaux sociaux

Il se dit "fâché" que l'obsession de la croissance de Facebook ait "sacrifié la sécurité et la civilité pour des clics".

"Parce que Facebook domine tellement les réseaux sociaux, il n'est confronté à aucune obligation de rendre compte au marché. Cela signifie qu'à chaque fois que Facebook se trompe, nous répétons ce schéma épuisant : tout d'abord un scandale, puis une déception et enfin, une résignation" des internautes, qui ne savent pas vers quelles plateformes alternatives se tourner.

Pour se construire un monopole, la plateforme aux plus de 2 milliards d'utilisateurs dans le monde possède une mécanique bien huilée : racheter les concurrents, ou les copier. Ainsi, la firme de Menlo Park a mis la main sur Instagram en 2012 pour assurer sa domination dans le partage de photos, puis WhatsApp en 2014 pour s'imposer dans les conversations instantanées sur mobile. Pour rester dans le coup, Facebook ne se prive pas de copier les produits phares de la concurrence, comme le format 'Story' de Snapchat qui consiste à publier des photos ou vidéos éphémères.

Un pouvoir de censure sans précédent

Au-delà du monopole créé par Facebook, Chris Hughes regrette le pouvoir du réseau social sur la liberté d'expression.

"L'aspect le plus inquiétant du pouvoir de Facebook est le contrôle unilatéral de Mark sur la parole. Il n'existe aucun précédent pour sa capacité à surveiller, organiser et même censurer les conversations de deux milliards de personnes", écrit-il.

Mark Zuckerberg a annoncé en mars dernier vouloir pivoter la stratégie de Facebook "dans les années à venir" vers la protection des données personnelles. Le jeune milliardaire a également appelé les gouvernements à davantage de régulation dans une tribune publiée le 30 mars.

"Je ne pense pas que ces propositions ont été faites de mauvaise foi. Mais je pense qu'il s'agit d'une tentative d'écarter l'argument selon lequel les régulateurs doivent aller plus loin et démanteler la société", avance Chris Hughes, avant de conclure. "Le gouvernement américain doit faire deux choses : casse le monopole de Facebook et réguler l'entreprise pour qu'elle devienne plus responsable."