La plainte du "10 Sport" contre L'Equipe relancée

La Cour de cassation valide le raid mené chez Amaury.
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L'enquête de l'Autorité de la concurrence sur les pratiques commerciales de L'Equipe aura bien lieu. Cette enquête, lancée fin 2008 par une plainte de l'éphémère quotidien sportif "Le 10 Sport", se basait essentiellement sur des preuves saisies lors d'un raid mené le 19 mai 2009 dans les locaux du quotidien sportif d'Amaury. Mais, un an après, ce raid avait été annulé par la Cour d'appel de Paris, qui avait ordonné la restitution des documents saisis. Dès lors, le dossier redevenait quasiment vide...

Mais l'affaire a été relancée mercredi. La Cour de cassation a annulé la décision de la Cour d'appel, ce qui va permettre à l'enquête de repartir.

Un journal est-il une entreprise comme une autre ?

Sur le fond, la haute juridiction estime qu'un journal est une entreprise comme une autre du point de vue du droit de la concurrence. Elle désavoue ainsi la cour d'appel, pour qui un journal ne pouvait pas être perquisitionné comme n'importe quelle société. La Cour d'appel justifiait ce régime dérogatoire par la liberté de la presse et la protection du secret des sources. Un raisonnement infondé pour le gendarme de la concurrence, dont le raid ne s'intéressait qu'aux pratiques commerciales et pas du tout aux sources des journalistes.

Mais la Cour d'appel avait conclu que, pour perquisitionner dans un journal, il fallait "des présomptions plus précises, graves et concordantes" que dans une entreprise ordinaire. Mercredi, la Cour de cassation a tranché en estimant que la Cour d'appel "a ajouté à la loi des conditions" qui n'y figurent pas. Rappelons que, pour contrer "Le 10 Sport", Amaury avait lancé son propre quotidien, "Aujourd'hui Sport". Mais "Le 10 Sport" avait dénoncé devant l'Autorité de la concurrence "les nombreux points communs" entre "Le 10 Sport" et "Aujourd'hui Sport". Autres accusations : les couplages publicitaires pratiquées entre "Aujourd'hui Sport" et L'Equipe, mais aussi des pressions exercées par Amaury sur les kiosquiers.

Fin mars 2009, "Le 10 Sport" jetait l'éponge et devenait hebdomadaire. Et trois mois après, "Aujourd'hui Sport" disparaissait...

 

La décision de la Cour de cassation :

11 JANVIER 2012
CASSATION
M. LOUVEL président,
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son
audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt
suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- Le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence,
- La société 10 Médias,
contre l'ordonnance no 243 du premier président de la cour d'appel de
PARIS, en date du 17 juin 2010, qui a infirmé l'ordonnance du juge des
libertés et de la détention autorisant les opérations de visite et saisie de
documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du
14 décembre 2011 où étaient présents, dans la formation prévue à l'article
567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président,
Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin, Mme Desgrange,
M. Rognon, Mme Nocquet, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit, M. Bloch
conseillers de la chambre, Mmes Labrousse, Moreau conseillers
référendaires ;
Avocat général : Mme Zientara-Logeay ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les
observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, de
la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats
en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général
référendaire ZIENTARA-LOGEAY, l'avocat des demandeurs ayant eu la
parole en dernier ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi de la société 10 Medias :
Attendu que, n'ayant pas été partie à l'instance d'appel, la
demanderesse n'a pas qualité pour se pourvoir en cassation contre
l'ordonnance du premier président ;
Que, dès lors, le pourvoi n'est pas recevable ;
II - Sur le pourvoi du rapporteur général de l'Autorité de la
concurrence :
Vu les mémoires en demande, en défense, en réplique et les
observations complémentaires produits ;
Sur la recevabilité du pourvoi contestée en défense :
Attendu que bien que la déclaration de pourvoi contestée
mentionne que celui-ci a été formé par le président de l'Autorité de la
concurrence, représentée par M. Touzi-Luond, chef de service adjoint,
dûment mandaté, il résulte du pouvoir annexé à cette déclaration que celui-ci
émanait du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence ;
D'où il suit que le pourvoi du rapporteur général est recevable ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des
articles L. 450-4 et L. 420-2 du code de commerce, 10 de la Convention
européenne des droits de l'homme, 56, 591 et 593 du code de procédure
pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance infirmative attaquée a rejeté la
requête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence aux fins
de visites domiciliaires et saisies dans les locaux des sociétés
Aujourd'hui sport, Le Parisien Libéré, Editions P. Amaury, Amaury
Medias et L'Equipe, et a dit que la commission rogatoire donnée au juge
des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de
Nanterre était nulle et que toutes les pièces saisies devaient être
restituées ;
"aux motifs que le juge qui autorise des opérations de
visite et saisie sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de
commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation qui lui est
soumise est fondée ; que cette demande doit comporter tous les
éléments d'information en possession du demandeur de nature à
justifier la visite ; que par suite, le juge doit s'assurer que les éléments
produits par l'administration sont suffisants pour justifier que la mesure
intrusive de visite et saisie soit autorisée ; qu'à cette fin, le juge des
libertés et de la détention doit vérifier, en se référant aux éléments
d'information fournis par l'Administration ou par l'Autorité, qu'il existait
des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant que soit
recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisie de
documents s'y rapportant ; que les présomptions sont appréciées par
le juge en proportion de l'atteinte aux libertés individuelles que sont
susceptibles de comporter la visite et les saisies envisagées ; qu'il s'en
évince que les présomptions dont le juge des libertés du tribunal de
grande instance de Bobigny aurait dû exiger la présentation devaient
être d'autant plus précises, graves et concordantes qu'il s'agissait
d'autoriser des opérations de visite et saisie dans les locaux
d'entreprises de presse ; qu'en pareil cas, en effet, un Etat de droit
s'honore, pour reprendre une expression avancée par la Cour
européenne des droits de l'homme (CEDH, 27 mars 1996, Goodwin c/
Royaume-Uni, point 45) à faire pencher la balance des intérêts en
présence en faveur de celui de la défense de la liberté de la presse dans
une société démocratique ; que le droit reconnu à un journaliste de ne
pas révéler l'origine de ses informations, corollaire de la liberté de la
presse issu de l'article 10 de la Convention européenne des droits de
l'homme, impose la plus grande circonspection de la part du juge
amené à autoriser des opérations de visite et saisie dans une entreprise
de presse ; que le législateur national impose aussi depuis de
nombreuses années, dans l'article 56-2 du code de procédure pénale,
qu'une visite ou perquisition ne puisse porter atteinte au libre exercice
de la profession de journaliste ; que sans conférer une valeur
expressément interprétative de la Convention européenne des droits de
l'homme et de la jurisprudence européenne ou nationale y afférente, au
nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,
introduit par la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection des sources
des journalistes, il n'est pas inutile de relever que ce texte énonce : "II
ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des
sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et
si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et
proportionnées au but légitime poursuivi" ; qu'il faut ajouter autant que
de besoin, et comme le rappellent les requérantes sans pouvoir être
contredites, que la Cour de cassation a jugé que des perquisitions dans
les entreprises de presse sont des actes d'une extrême gravité ; que de
telles mesures ne sauraient être justifiées que si la juridiction les
autorisant s'est expliquée sans insuffisance ni contradiction sur le
caractère nécessaire et proportionné aux buts poursuivis des
perquisitions ainsi effectuées et si de telles ingérences respectent les
principes de subsidiarité et de proportionnalité ; qu'enfin, le principe de
proportionnalité devait encore être mis en rapport par le juge des
libertés avec les missions dont l'Administration ou l'Autorité qui
sollicite le droit de visite et de saisie a la charge légale ; que si la
poursuite d'infractions pénales, qui constituent les bornes dont la
société ne permet en aucune circonstance le dépassement, est par
essence un impératif prépondérant d'intérêt public et peut conduire le
juge des libertés à apprécier en conséquence les présomptions qui lui
sont soumises, en revanche la recherche de preuves de pratiques
anticoncurrentielles indépendamment d'une qualification pénale ne
peut justifier des visites et saisies, notamment dans des locaux de
presse, qu'en présence d'indices particulièrement troublants de ces
pratiques ; qu'en vérifiant le bien-fondé de la requête qui lui était
soumise, en application de l'article L. 450-4 du code de commerce, le
juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de
Bobigny ne s'est nulle part attaché à vérifier si, dans la circonstance et
en fonction de l'avancement de l'enquête de concurrence, les
opérations de visite et saisie étaient nécessaires ni si elles étaient
justifiées par un impératif prépondérant d'intérêt public et
proportionnées entre cet impératif et l'atteinte envisagée aux libertés ;
- que sur la nécessité de la mesure autorisée, l'ordonnance déférée se
contente d'affirmer que l'utilisation des pouvoirs définis à l'article
L. 450-3 du code de commerce "ne paraît pas suffisante pour permettre
à l'Autorité de la concurrence de corroborer ses soupçons" et que le
recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du code de commerce
constitue le seul moyen d'atteindre les objectifs recherchés ; qu'une
telle formulation, une fois négative et une fois positive, faite sans
aucune motivation spéciale ni référence aux éléments dont l'Autorité
disposait alors et aux éléments qu'elle espérait découvrir, ne constitue
pas une démonstration de la nécessité de visiter des locaux de presse ;
- que, sur la proportionnalité de la mesure autorisée et sa justification,
l'ordonnance recourt d'abord à des motifs hypothétiques en évoquant
des agissements dont l'énumération n'est probablement pas
exhaustive, laissant ainsi entendre que sa motivation n'est pas
complètement relatée dans la décision, ou que les présomptions qu'il
a retenues ne sont pas suffisantes en elles-mêmes, alors que le juge de
l'apparence qu'est le juge des libertés et de la détention peut se
satisfaire de présomptions mais pas de probabilité de présomptions et
doit faire état de tout ce qui l'a amené à autoriser l'atteinte aux libertés
qu'est une perquisition ; que pour le surplus, ladite ordonnance retient
des présomptions qui ne sont suffisantes ni isolément ni en faisceau ;
que, d'abord élément par élément, les principales pièces annexées à la
requête au juge des libertés étaient les suivantes :
* la note et la demande d'enquête de la rapporteure générale (pièce
no 1) ;
* la lettre des conseils du plaignant en date du 10 décembre 2008 (pièce
no 2) ;
* les annexes de cette lettre, non inventoriées dans l'ordonnance mais
qui sont retenues essentiellement pour relater la mauvaise situation
financière du 10-Sport à l'époque de la création d'Aujourd'hui sport, et
la pratique de couplages publicitaires ;
* le procès-verbal de déclaration du plaignant du 13 février 2009 (pièce
no 3) ;
* une dizaine d'articles de presse concernant les lancements de
10.Sport.com et Aujourd'hui sport (pièce no 4) ;
* deux constats d'huissiers établis les 20 novembre 2008 et
13 janvier 2009 faisant état du fait que le 10.Sport.com n'était pas
exposé sur les présentoirs de certains kiosquiers (pièces no5 et 6) ;
* des pièces formelles (no 7 à 9) ;
* la pièce no 10, dite "documents concernant le groupe Amaury", dont
la dénomination générique ne permet pas au premier président
d'exercer son contrôle ; que, sur la lettre des conseils du plaignant
Moulin, les déclarations de sa salariée et de son avocat placées en
annexes et le procès-verbal de déclaration du même plaignant, ces
pièces émanaient de M. Moulin lui-même ou de ses obligés ; que la
saisine de l'Autorité par la société Le Journal du sport et les
déclarations de son dirigeant auraient dû être examinées avec la plus
grande prudence par le juge, qui aurait dû s'assurer que les allégations
qu'elles contenaient étaient corroborées par les éléments émanant de
tiers avant d'autoriser l'atteinte considérable au domicile et à la liberté
de la presse qu'il a permise dans l'ordonnance critiquée ; que, sur
l'annexe relative à la description de la situation financière du 10-Sport,
de novembre 2008 à janvier 2009 qui montre une baisse significative du
chiffre d'affaires du titre au cours de ce trimestre, (annexe 2 à l'audition
de M. Moulin, plaignant), aucun lien n'a été établi dans l'ordonnance
entre la situation financière du 10-Sport et les prétendues pratiques
commerciales du groupe Amaury ; que d'autres explications
parfaitement plausibles auraient pu, sinon retenir l'Autorité, en tout cas
l'inciter à la prudence, et le juge des libertés à sa suite, notamment les
difficultés générales de la presse écrite, spécialement de la presse
sportive, dont a souffert Aujourd'hui sport autant que Le 10-Sport ou
l'impréparation du lancement du 10-Sport ; que, sur l'annexe relative
aux couplages publicitaires, un courriel d'un tiers, M. Christophe
Brossard, à Mme Michèle Denoux, salariée du groupe Moulins
participations, en date du 28 novembre 2008 (annexe 1 à l'audition de
M. Moulin, plaignant) indique que Médias, régie publicitaire du groupe
Amaury) du fait de ses tarifs publicitaires attractifs et d'une prétendue
offre couplée pour une annonce dans Aujourd'hui sport et L'Équipe ;
que comme le font observer les sociétés du groupe Amaury, l'Autorité
n'a pas vérifié la teneur exacte des conditions proposées Manchette
publicité et le caractère généralisé ou isolé des pratiques auxquelles il
est fait référence ; qu'il semble qu'en réalité, l'offre tarifaire faite à
Fedex pour des annonces dans Aujourd'hui sport et dans L'Équipe était
légèrement supérieure à celles accordées aux annonceurs s'adressant
à l'une de ces publications de manière exclusive ; que l'Autorité aurait
pu en déduire que l'offre faite à Fedex n'était pas particulièrement
incitative, ne relevait pas d'une pratique de couplage anticoncurrentielle
et que, dès lors, les affirmations contenues dans cette pièce ne
pouvaient justifier une perquisition dans des locaux de presse ; que,
sur les constats d'huissier relatifs à l'attitude des kiosquiers, que les 20
novembre 2008 et 13 janvier 2009, le 10-Sport n'a pas été exposé sur les
présentoirs à journaux ; que le marchand cherche sous son comptoir
ce dernier et le remet contre paiement ; que ces énonciations ne
précisent pas si le journal Aujourd'hui sport était, quant à lui, exposé
dans les points de vente visités ; que comme le font observer les
requérantes, aussi bien le 10-Sport que Aujourd'hui sport avaient une
diffusion très limitée (20 à 30 000 exemplaires) et ayant choisi une
distribution via les NMPP, celles-ci ont distribué ces publications sur
la totalité de son réseau de points de vente, à savoir environ 30 000
kiosques en France ; que compte tenu de la place limitée dont
disposent ces points de vente, il n'était pas rationnel pour eux
d'exposer ces titres, au détriment de journaux à plus fort tirage ; qu'en
somme, le soupçon de pressions exercées par le groupe Amaury sur
les kiosquiers était singulièrement fragile ; qu'en l'état de ces
explications diverses sur les raisons d'un phénomène décrit de manière
très sommaire par les huissiers de justice, l'Autorité de la concurrence
ne pouvait s'en contenter pour requérir le droit de visiter des locaux de
presse ;
- que sur le faisceau de présomptions présentées au juge des libertés,
l'enquête de concurrence visait un abus de position dominante ; que
l'ensemble des indices d'un tel abus devait être clairement distingué
des comportements commerciaux qui n'auraient pas relevé de l'article
L. 420-2 du code de commerce ni de la compétence de l'Autorité
requérante, mais de celle des juridictions de droit commun ; que de ce
point de vue, l'ordonnance critiquée présente d'abord les conditions de
naissance d'un journal baptisé "Aujourd'hui sport", concurrent du
journal "10-Sport" fondé par le plaignant ; que le juge y relève, à titre de
présomption de comportement illicite, que les deux journaux
concurrents se présentent similairement, alors qu'un tel élément de fait
ne saurait relever du droit de la concurrence ; qu'ensuite, toujours
selon le juge, la création du journal "Aujourd'hui sport" a été présentée
par le milieu comme une riposte à la création de "10-Sport", alors
qu'une telle opération pourrait constituer en soi un événement
proconcurrentiel ; que "Aujourd'hui sport" bénéficie, encore selon
l'ordonnance critiquée, des moyens matériels et humains du groupe
Amaury, et semble (sic) pouvoir bénéficier de ses moyens commerciaux
et techniques, alors que de telles affirmations ne relatent pas en
elles-mêmes un fait anticoncurrentiel ; qu'une entreprise disposant
d'une position dominante est en droit de défendre ou de développer sa
part de marché lorsqu'elle est confrontée à l'arrivée d'un concurrent ;
qu'elle doit seulement le faire dans les limites d'un comportement loyal
et légitime (Com. 14 février 1995, pourvoi no 93-18.178), autrement dit
s'abstenir de limiter l'accès du marché à son concurrent en recourant
à des moyens autres que ceux qui relèvent d'une concurrence par les
mérites ; qu'en l'espèce, le juge des libertés ne disposait pas d'indices
d'un tel comportement déloyal ou illicite, puisque comme il a été dit
(supra, les pressions sur les kiosquiers n'étaient nullement avérées et
les autres éléments du dossier présenté à ce juge manquaient de
pertinence ; que suivent les déclarations du plaignant, que le juge
adopte sans explication particulière ni mention d'indices objectifs et
concrets, en sorte qu'elles ne peuvent constituer un élément crédible
d'un faisceau de présomptions ; qu'enfin, le juge résume sous forme
d'indices les éléments susdits, qu'il baptise finalement "nos (sic)
présomptions", mais sans rien y ajouter ; que certes, les écritures de
l'Autorité de la concurrence devant le premier président explicitent
d'autres éléments réunis tout au long, de l'enquête ; que cependant,
elles ne peuvent pas éclairer le premier président, qui statué au jour où
le juge des libertés lui-même a statué ; que du tout, il résulte que
l'Autorité de la concurrence ne disposait pas d'un faisceau de
présomptions suffisant pour solliciter une visite dans des locaux de
presse aux fins d'établir la preuve d'un comportement anticoncurrentiel
relevant de sa compétence et constituant un impératif prépondérant
d'intérêt public ; que fondée en première part sur ce faisceau prétendu,
la mesure autorisée par le juge n'apparaît pas proportionnée à l'atteinte
envisagée aux libertés ; que le recours des sociétés Amaury et autres
apparaît recevable et bien fondé ; que l'ordonnance critiquée doit être
non point annulée mais infirmée, conformément aux règles du code de
procédure pénale applicables au présent appel ;
1o) "alors que l'article L. 450-4 du code de commerce
permet au juge des libertés et de la détention d'autoriser les visites et
saisies domiciliaires dès lors que la demande est fondée et comporte
les indices permettant de présumer l'existence des pratiques dont la
preuve est recherchée ; qu'il n'est pas nécessaire que soient
caractérisées des présomptions précises, graves et concordantes ou
des indices particulièrement troublants des pratiques, même si
l'entreprise visée est une entreprise de presse ; qu'en décidant le
contraire, le premier président de la cour d'appel a ajouté à la loi une
condition qu'elle ne comporte pas, violant ainsi les textes susvisés ;
2o) "alors que les visites et saisies de l'article L. 450-4 du
code de commerce, destinées à permettre la constatation de pratiques
anticoncurrentielles commises par les entreprises visitées, ne sont pas
de nature, lorsque ces visites et saisies ont lieu dans des entreprises
de presse, à porter atteinte au secret des sources d'information des
journalistes ; qu'en soumettant l'autorisation du juge des libertés et de
la détention à l'exigence exorbitante de présomptions précises, graves
et concordantes ou indices particulièrement troublants des pratiques
reprochées aux sociétés du groupe Amaury, sans préciser en quoi les
visites et saisies litigieuses, sollicitées dans le cadre d'une enquête de
concurrence pour abus de position dominante, pouvaient porter atteinte
au secret des sources des journalistes des entreprises concernées, par
nature non concernés par lesdites mesures, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale ;
3o) "alors que le respect de la liberté de la presse dans une
société démocratique dépend notamment de la garantie du pluralisme
et de la libre concurrence, à laquelle veille l'Autorité de la concurrence,
en conséquence de quoi, loin de porter atteinte à l'article 10 de la
Convention européenne des droits de l'homme, les visites et saisies
litigieuses étaient au contraire de nature à en assurer le respect" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des
articles L. 450-4 et L. 420-2 du code de commerce, 10 de la Convention
européenne des droits de l'homme, 56, 591 et 593 du code de procédure
pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance infirmative attaquée a rejeté la
requête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence aux fins
de visites domiciliaires et saisies dans les locaux des sociétés
Aujourd'hui sport, Le Parisien Libéré, Editions P. Amaury, Amaury
Medias et L'Equipe, et a dit que la commission rogatoire donnée au juge
des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de
Nanterre était nulle et que toutes les pièces saisies devaient être
restituées ;
"aux motifs que le juge qui autorise des opérations de
visite et saisie sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de
commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation qui lui est
soumise est fondée ; que cette demande doit comporter tous les
éléments d'information en possession du demandeur de nature à
justifier la visite ; que par suite, le juge doit s'assurer que les éléments
produits par l'administration sont suffisants pour justifier que la mesure
intrusive de visite et saisie soit autorisée ; qu'à cette fin, le juge des
libertés et de la détention doit vérifier, en se référant aux éléments
d'information fournis par l'Administration ou par l'Autorité, qu'il existait
des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant que soit
recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisie de
documents s'y rapportant ; que les présomptions sont appréciées par
le juge en proportion de l'atteinte aux libertés individuelles que sont
susceptibles de comporter la visite et les saisies envisagées ; qu'il s'en
évince que les présomptions dont le juge des libertés du tribunal de
grande instance de Bobigny aurait dû exiger la présentation devaient
être d'autant plus précises, graves et concordantes qu'il s'agissait
d'autoriser des opérations de visite et saisie dans les locaux
d'entreprises de presse ; qu'en pareil cas, en effet, un Etat de droit
s'honore, pour reprendre une expression avancée par la Cour
européenne des droits de l'homme (CEDH, 27 mars 1996, Goodwin c/
Royaume-Uni, point 45) à "faire pencher la balance des intérêts en
présence en faveur de celui de la défense de la liberté de la presse dans
une société démocratique" ; que le droit reconnu à un journaliste de ne
pas révéler l'origine de ses informations, corollaire de la liberté de la
presse issu de l'article 10 de la Convention européenne des droits de
l'homme, impose la plus grande circonspection de la part du juge
amené à autoriser des opérations de visite et saisie dans une entreprise
de presse ; que le législateur national impose aussi depuis de
nombreuses années, dans l'article 56-2 du code de procédure pénale,
qu'une visite ou perquisition ne puisse porter atteinte au libre exercice
de la profession de journaliste ; que sans conférer une valeur
expressément interprétative de la Convention européenne des droits de
l'homme et de la jurisprudence européenne ou nationale y afférente, au
nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,
introduit par la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection des sources
des journalistes, il n'est pas inutile de relever que ce texte énonce : "II
ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des
sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et
si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et
proportionnées au but légitime poursuivi" ; qu'il faut ajouter autant que
de besoin, et comme le rappellent les requérantes sans pouvoir être
contredites, que la Cour de cassation a jugé que des perquisitions dans
les entreprises de presse sont des actes d'une extrême gravité ; que de
telles mesures ne sauraient être justifiées que si la juridiction les
autorisant s'est expliquée sans insuffisance ni contradiction sur le
caractère nécessaire et proportionné aux buts poursuivis des
perquisitions ainsi effectuées et si de telles ingérences respectent les
principes de subsidiarité et de proportionnalité ; qu'enfin, le principe de
proportionnalité devait encore être mis en rapport par le juge des
libertés avec les missions dont l'administration ou l'Autorité qui
sollicite le droit de visite et de saisie a la charge légale ; que si la
poursuite d'infractions pénales, qui constituent les bornes dont la
société ne permet en aucune circonstance le dépassement, est par
essence un impératif prépondérant d'intérêt public et peut conduire le
juge des libertés à apprécier en conséquence les présomptions qui lui
sont soumises, en revanche la recherche de preuves de pratiques
anticoncurrentielles indépendamment d'une qualification pénale ne
peut justifier des visites et saisies, notamment dans des locaux de
presse, qu'en présence d'indices particulièrement troublants de ces
pratiques ; qu'en vérifiant le bien-fondé de la requête qui lui était
soumise, en application de l'article L. 450-4 du code de commerce, le
juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de
Bobigny ne s'est nulle part attaché à vérifier si, dans la circonstance et
en fonction de l'avancement de l'enquête de concurrence, les
opérations de visite et saisie étaient nécessaires ni si elles étaient
justifiées par un impératif prépondérant d'intérêt public et
proportionnées entre cet impératif et l'atteinte envisagée aux libertés ;
- que sur la nécessité de la mesure autorisée, l'ordonnance déférée se
contente d'affirmer que l'utilisation des pouvoirs définis à l'article
L. 450-3 du code de commerce "ne paraît pas suffisante pour permettre
à l'Autorité de la concurrence de corroborer ses soupçons" et que le
recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du code de commerce
constitue "le seul moyen d'atteindre les objectifs recherchés" ; qu'une
telle formulation, une fois négative et une fois positive, faite sans
aucune motivation spéciale ni référence aux éléments dont l'Autorité
disposait alors et aux éléments qu'elle espérait découvrir, ne constitue
pas une démonstration de la nécessité de visiter des locaux de presse ;
- que, sur la proportionnalité de la mesure autorisée et sa justification,
l'ordonnance recourt d'abord à des motifs hypothétiques en évoquant
des agissements dont l'énumération n'est probablement pas
exhaustive, laissant ainsi entendre que sa motivation n'est pas
complètement relatée dans la décision, ou que les présomptions qu'il
a retenues ne sont pas suffisantes en elles-mêmes, alors que le juge de
l'apparence qu'est le juge des libertés et de la détention peut se
satisfaire de présomptions mais pas de probabilité de présomptions et
doit faire état de tout ce qui l'a amené à autoriser l'atteinte aux libertés
qu'est une perquisition ; que pour le surplus, ladite ordonnance retient
des présomptions qui ne sont suffisantes ni isolément ni en faisceau ;
que, d'abord élément par élément, les principales pièces annexées à la
requête au juge des libertés étaient les suivantes :
* la note et la demande d'enquête de la rapporteure générale (pièce
no 1) ;
* la lettre des conseils du plaignant en date du 10 décembre 2008 (pièce
no 2) ;
* les annexes de cette lettre, non inventoriées dans l'ordonnance mais
qui sont retenues essentiellement pour relater la mauvaise situation
financière du 10-Sport à l'époque de la création d'Aujourd'hui sport, et
la pratique de couplages publicitaires ;
* le procès-verbal de déclaration du plaignant du 13 février 2009 (pièce
no 3) ;
* une dizaine d'articles de presse concernant les lancements de
10.Sport.com et Aujourd'hui sport (pièce no 4) ;
* deux constats d'huissiers établis les 20 novembre 2008 et
13 janvier 2009 faisant état du fait que le 10.Sport.com n'était pas
exposé sur les présentoirs de certains kiosquiers (pièces no 5 et 6) ;
* des pièces formelles (no 7 à 9) ;
* la pièce no 10, dite "documents concernant le groupe Amaury", dont
la dénomination générique ne permet pas au premier président
d'exercer son contrôle ;
- que, sur la lettre des conseils du plaignant Moulin, les déclarations de
sa salariée et de son avocat placées en annexes et le procès-verbal de
déclaration du même plaignant, ces pièces émanaient de M. Moulin
lui-même ou de ses obligés ; que la saisine de l'Autorité par la société
Le Journal du sport et les déclarations de son dirigeant auraient dû être
examinées avec la plus grande prudence par le juge, qui aurait dû
s'assurer que les allégations qu'elles contenaient étaient corroborées
par les éléments émanant de tiers avant d'autoriser l'atteinte
considérable au domicile et à la liberté de la presse qu'il a permise dans
l'ordonnance critiquée ; que, sur l'annexe relative à la description de la
situation financière du 10-Sport, de novembre 2008 à janvier 2009 qui
montre une baisse significative du chiffre d'affaires du titre au cours de
ce trimestre, (annexe 2 à l'audition de M. Moulin, plaignant), aucun lien
n'a été établi dans l'ordonnance entre la situation financière du 10-Sport
et les prétendues pratiques commerciales du groupe Amaury ; que
d'autres explications parfaitement plausibles auraient pu, sinon retenir
l'Autorité, en tout cas l'inciter à la prudence, et le juge des libertés à sa
suite, notamment les difficultés générales de la presse écrite,
spécialement de la presse sportive, dont a souffert Aujourd'hui sport
autant que Le 10-Sport ou l'impréparation du lancement du 10-Sport ;
que, sur l'annexe relative aux couplages publicitaires, un courriel d'un
tiers, M. Christophe Brossard, à Mme Michèle Denoux, salariée du
groupe Moulins participations, en date du 28 novembre 2008 (annexe
1 à l'audition de M. Moulin, plaignant) indique que Médias, régie
publicitaire du groupe Amaury) du fait de ses tarifs publicitaires
attractifs et d'une prétendue offre couplée pour une annonce dans
Aujourd'hui sport et L'Équipe ; que comme le font observer les sociétés
du groupe Amaury, l'Autorité n'a pas vérifié la teneur exacte des
conditions proposées Manchette publicité et le caractère généralisé ou
isolé des pratiques auxquelles il est fait référence ; qu'il semble qu'en
réalité, l'offre tarifaire faite à Fedex pour des annonces dans
Aujourd'hui sport et dans L'Équipe était légèrement supérieure à celles
accordées aux annonceurs s'adressant à l'une de ces publications de
manière exclusive ; que l'Autorité aurait pu en déduire que l'offre faite
à Fedex n'était pas particulièrement incitative, ne relevait pas d'une
pratique de couplage anticoncurrentielle et que, dès lors, les
affirmations contenues dans cette pièce ne pouvaient justifier une
perquisition dans des locaux de presse ; que, sur les constats
d'huissier relatifs à l'attitude des kiosquiers, que les 20 novembre 2008
et 13 janvier 2009, "le 10-Sport n'a pas été exposé sur les présentoirs
à journaux ; que le marchand cherche sous son comptoir ce dernier et
le remet contre paiement" ; que ces énonciations ne précisent pas si le
journal Aujourd'hui sport était, quant à lui, exposé dans les points de
vente visités ; que comme le font observer les requérantes, aussi bien
le 10-Sport que Aujourd'hui sport avaient une diffusion très limitée (20
à 30 000 exemplaires) et ayant choisi une distribution via les NMPP,
celles-ci ont distribué ces publications sur la totalité de son réseau de
points de vente, à savoir environ 30 000 kiosques en France ; que
compte tenu de la place limitée dont disposent ces points de vente, il
n'était pas rationnel pour eux d'exposer ces titres, au détriment de
journaux à plus fort tirage ; qu'en somme, le soupçon de pressions
exercées par le groupe Amaury sur les kiosquiers était singulièrement
fragile ; qu'en l'état de ces explications diverses sur les raisons d'un
phénomène décrit de manière très sommaire par les huissiers de
justice, l'autorité de la concurrence ne pouvait s'en contenter pour
requérir le droit de visiter des locaux de presse ; que sur le faisceau de
présomptions présentées au juge des libertés, l'enquête de
concurrence visait un abus de position dominante ; que l'ensemble des
indices d'un tel abus devait être clairement distingué des
comportements commerciaux qui n'auraient pas relevé de l'article L.
420-2 du code de commerce ni de la compétence de l'autorité
requérante, mais de celle des juridictions de droit commun ; que de ce
point de vue, l'ordonnance critiquée présente d'abord les conditions de
naissance d'un journal baptisé "Aujourd'hui sport", concurrent du
journal "10-Sport" fondé par le plaignant ; que le juge y relève, à titre de
présomption de comportement illicite, que les deux journaux
concurrents se présentent similairement, alors qu'un tel élément de fait
ne saurait relever du droit de la concurrence ; qu'ensuite, toujours
selon le juge, la création du journal "Aujourd'hui Sport" a été présentée
par le milieu comme une riposte à la création de "10-Sport", alors
qu'une telle opération pourrait constituer en soi un événement
proconcurrentiel ; que "Aujourd'hui sport" bénéficie, encore selon
l'ordonnance critiquée, des moyens matériels et humains du groupe
Amaury, et semble (sic) pouvoir bénéficier de ses moyens commerciaux
et techniques, alors que de telles affirmations ne relatent pas en
elles-mêmes un fait anticoncurrentiel ; qu'une entreprise disposant
d'une position dominante est en droit de défendre ou de développer sa
part de marché lorsqu'elle est confrontée à l'arrivée d'un concurrent ;
qu'elle doit seulement le faire dans les limites d'un comportement loyal
et légitime (Com. 14 février 1995, pourvoi no 93-18.178), autrement dit
s'abstenir de limiter l'accès du marché à son concurrent en recourant
à des moyens autres que ceux qui relèvent d'une concurrence par les
mérites ; qu'en l'espèce, le juge des libertés ne disposait pas d'indices
d'un tel comportement déloyal ou illicite, puisque comme il a été dit
(supra, les pressions sur les kiosquiers n'étaient nullement avérées et
les autres éléments du dossier présenté à ce juge manquaient de
pertinence ; que suivent les déclarations du plaignant, que le juge
adopte sans explication particulière ni mention d'indices objectifs et
concrets, en sorte qu'elles ne peuvent constituer un élément crédible
d'un faisceau de présomptions ; qu'enfin, le juge résume sous forme
d'indices les éléments susdits, qu'il baptise finalement "nos (sic)
présomptions", mais sans rien y ajouter ; que certes, les écritures de
l'Autorité de la concurrence devant le premier président explicitent
d'autres éléments réunis tout au long, de l'enquête ; que cependant,
elles ne peuvent pas éclairer le premier président, qui statué au jour où
le juge des libertés lui-même a statué ; que du tout, il résulte que
l'Autorité de la concurrence ne disposait pas d'un faisceau de
présomptions suffisant pour solliciter une visite dans des locaux de
presse aux fins d'établir la preuve d'un comportement anticoncurrentiel
relevant de sa compétence et constituant un impératif prépondérant
d'intérêt public ; que fondée en première part sur ce faisceau prétendu,
la mesure autorisée par le juge n'apparaît pas proportionnée à l'atteinte
envisagée aux libertés ; que le recours des sociétés Amaury et autres
apparaît recevable et bien fondé ; que l'ordonnance critiquée doit être
non point annulée mais infirmée, conformément aux règles du code de
procédure pénale applicables au présent appel ;
"alors que, pour apprécier si la demande d'autorisation de
visites et saisies est fondée, le juge doit examiner, suivant la méthode
du faisceau d'indices, si les éléments d'information produits par le
requérant, pris en leur ensemble et non pas individuellement, sont de
nature à faire présumer l'existence de pratiques anticoncurrentielles
dont la preuve est recherchée ; qu'en l'espèce, le délégué du premier
président a examiné isolément les pièces produites par le rapporteur
général de l'autorité de la concurrence pour démontrer l'existence de
présomptions d'abus de position dominante (note du rapporteur
général, lettre des conseils du plaignant, déclarations du plaignant, de
sa salariée et de son avocat, description de la situation financière du
10-Sport, couplages publicitaires offerts par le groupe Amaury,
constats d'huissier relatifs à l'attitude des kiosquiers), et a affirmé que
chaque indice ne pouvait, à lui seul, justifier les visites et saisies, au
lieu d'analyser ce faisceau d'indices en son ensemble ; qu'il s'est borné
à utiliser la méthode du faisceau d'indices pour apprécier d'autres
éléments, retenus par le juge des libertés et de la détention, qu'il
estimait relever de la concurrence déloyale ; qu'en statuant ainsi, il a
violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article L. 450-4 du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'après avoir vérifié que la
demande qui lui est soumise est fondée, le juge des libertés et de la
détention peut autoriser des opérations de visite et saisie dans toute
entreprise, quelle que soit son activité ;
Attendu que le juge des libertés et de la détention a autorisé le
rapporteur général de l'Autorité de la concurrence à faire procéder à des
opérations de visite et saisie dans les locaux de différentes sociétés du
groupe Amaury, en vue de rechercher la preuve de pratiques
anticoncurrentielles sur le marché de la presse quotidienne sportive ;
Attendu que, pour infirmer cette décision, l'ordonnance attaquée
énonce que les présomptions doivent être d'autant plus précises, graves et
concordantes, qu'il s'agit d'autoriser des opérations de visite et saisie dans
les locaux d'entreprises de presse, les perquisitions dans ces lieux étant en
outre soumises aux exigences de l'article 56-2 du code de procédure pénale
; qu'après avoir analysé les indices recueillis, le juge en déduit que l'Autorité
de la concurrence n'a pas rapporté la preuve d'un faisceau de présomptions
suffisant pour justifier une visite dans les locaux de presse ; qu'il ajoute que
la mesure autorisée n'apparaît pas proportionnée à l'atteinte aux libertés
qu'elle implique ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, le juge a ajouté à la loi des
conditions qu'elle ne comporte pas ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi de la société 10 Médias :
Le déclare IRRECEVABLE ;
II - Sur le pourvoi du rapporteur général de l'Autorité de la
concurrence :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance
no 243 susvisée du premier président de la cour d'appel de Paris, en date du
17 juin 2010, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction du premier
président de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée
par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur
les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou
à la suite de l'ordonnance annulée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle,
et prononcé par le président le onze janvier deux mille douze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le
rapporteur et le greffier de chambre ;

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