Vivendi éconduit Bouygues et cède SFR à Numericable

Par latribune.fr  |   |  1037  mots
"L'offre d'Altice/Numericable correspond au projet industriel le plus porteur de croissance, le plus créateur de valeur pour les clients, les salariés et les actionnaires, et répondant le mieux aux objectifs de Vivendi" selon le groupe.
Le conseil de Vivendi annonce samedi avoir retenu "à l'unanimité" l'offre d'achat de Numericable pour SFR, qui comprend 13,5 milliards en cash et une participation de 20%, soit une valeur totale de 17 milliards d'euros. Le câblo-opérateur s'est presque aligné sur l'ultime surenchère de son rival, le groupe de BTP.

Bouygues a eu beau améliorer son offre vendredi en mettant sur la table 15 milliards d'euros en cash, le conseil de surveillance de Vivendi a mis fin au suspense en choisissant ce samedi "à l'unanimité", de retenir l'offre d'Altice, la maison-mère de Numericable, avec laquelle il était en négociations exclusives depuis trois semaines. Dans un communiqué, Vivendi précise avoir "choisi de recevoir 13,5 milliards d'euros à la réalisation de l'opération ainsi qu'un complément éventuel de prix de 750 millions d'euros puis de pouvoir céder ultérieurement sa participation de 20%". Ce qui devrait représenter "une valeur totale supérieure à 17 milliards d'euros."

"Au terme de débats approfondis, le conseil de surveillance a décidé, à l'unanimité, de retenir l'offre d'Altice/Numericable qui correspond au projet industriel le plus porteur de croissance, le plus créateur de valeur pour les clients, les salariés et les actionnaires, et répondant le mieux aux objectifs de Vivendi", a ajouté le groupe.

"Cette décision met un terme au projet de mise en bourse de SFR", projet de scission initialement prévu au moment de l'assemblée générale à la fin juin.

"Examen attentif des offres de Bouygues"

Le conseil a "procédé à un examen attentif des offres, ainsi que des courriers et documents que le groupe Bouygues a pris l'initiative de lui adresser pendant cette période d'exclusivité, y compris jusqu'à ce jour, en vue d'un rapprochement entre SFR et Bouygues Telecom", a fait valoir Vivendi.

Bouygues a déclaré prendre acte de cette décision en soulignant que son projet présentait "les garanties les plus sérieuses".

Depuis plus d'un mois, Bouygues et Altice/Numericable se sont battus à coups de milliards pour convaincre Vivendi de leur céder SFR, sa filiale de téléphonie mobile, numéro deux français des télécoms. Alors que Numericable discutait discrètement avec Vivendi, Bouygues a publiquement annoncé son intérêt pour SFR peu après que Numericable est sorti du bois.

Bouygues, opiniâtre, tente une ultime surenchère

Le 14 mars, Vivendi a annoncé qu'il entrait en négociations exclusives avec le câblo-opérateur, jugeant son offre "la plus pertinente" avec comme date-butoir le 4 avril, sur la base d'une offre prévoyant un paiement de 11,75 milliards d'euros en numéraire pour Vivendi, ainsi que l'attribution de 32% du capital de la nouvelle entité.

Malgré ce camouflet, Bouygues, opiniâtre (et soutenu par les pouvoirs publics) n'a pas baissé les armes et a au contraire amélioré à plusieurs reprises son offre pour atteindre 15 milliards d'euros en numéraire, et 10% de l'ensemble fusionné SFR-Bouygues Telecom, dans une dernière surenchère annoncée vendredi matin et valable jusqu'au 25 avril.

Numericable a aussi amélioré son offre

Selon Bouygues, cette offre valorisait SFR à 16 milliards d'euros avant synergies et 16,5 milliards d'euros en intégrant les "5 milliards d'euros de synergies sécurisées grâce aux économies résultant de la cession du réseau à Free". Vivendi n'en a pas voulu.

Car, comme l'indiquait vendredi La Tribune, le câblo-opérateur a, lui aussi, revalorisé son offre. A l'issue d'un ajustement de dernière minute, il s'est finalement presque aligné sur la dernière offre de Bouygues, proposant 1,75 milliard de plus que sa propre dernière offre rendue publique (11,75 milliards à l'ouverture des négociations exclusives) et 1,5 milliard de moins tout de même que celle du groupe de BTP. Vivendi défend qu'il a retenu "l'option la mieux équilibrée entre le numéraire reçu immédiatement et la participation en titres lui permettant de bénéficier de la valorisation totale la plus élevée."

Appui vain d'Arnaud Montebourg et de FO

La campagne de persuasion menée par Bouygues a été appuyée par Arnaud Montebourg qui s'est ému de voir un actif français tomber dans les mains d'Altice, entreprise luxembourgeoise cotée à Amsterdam, et dont le premier actionnaire, Patrick Drahi, est résident fiscal suisse. Altice a répondu que l'entité Numericable/SFR serait une entreprise de droit français, cotée à Paris. 

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Arnaud Montebourg, alors ministre du seul Redressement productif, a multiplié les déclarations hostiles à Altice et en faveur du projet de Bouygues, notamment parce qu'il permettait de revenir à trois opérateurs mobiles sur le marché français. Aujourd'hui ministre de l'Économie, il a déclaré qu'il entendait "redoubler de vigilance" sur les engagements pris en terme d'emploi par Altice et Numericable qui viennent d'être choisis par Vivendi pour racheter SFR.

Le numéro un de Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly, a lui-même écrit au nouveau Premier ministre Manuel Valls pour soutenir le projet Bouygues, mettant lui aussi en avant vendredi cet argument car, selon lui, "si le retour à trois opérateurs « viables » ne se fait pas, alors c'est le dumping et les faillites qui percuteront la filière, qui pourrait alors être « rachetée » pour 1 euro symbolique par des groupes étrangers. Et ce au prix de dizaines de milliers de nouvelles suppressions d'emplois". Pourtant, les deux repreneurs avaient pris des engagements de maintien de l'emploi pendant 36 mois. Vivendi soutient même que "le projet industriel d'Altice/Numericable est celui qui garantit pleinement le développement de l'emploi dans la durée, notamment par les investissements qu'il implique."

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Vers un mariage Free-Bouygues dans quelques mois ?

Cependant, un mariage de Bouygues Telecom, numéro trois français du mobile, avec SFR qui occupe la deuxième place derrière Orange, aurait sans doute nécessité un examen plus long de la part de l'Autorité de la concurrence, même si Bouygues avait pris les devants en promettant la cession de son réseau de téléphonie mobile et d'un portefeuille de fréquences à Free, apportant "d'ores et déjà une réponse aux impératifs de concurrence" plaidait-il. Free est, avec Bouygues, l'autre perdant de cette bataille. Mais, maintenant que leurs relations se sont améliorées, ils pourraient se retrouver pour convoler dans quelques mois...

 > lire l'intégralité du communiqué de Vivendi