5G : la révolution promise n'est pas au rendez-vous en Europe

Par Pierre Manière  |   |  729  mots
Au Mobile World Congress de Barcelone, les opérateurs comptent sur les avancées de l'intelligence artificielle pour relancer le marché de la 5G. (Crédits : Reuters)
Au salon du mobile de Barcelone, l’industrie des télécoms ne cache pas sa morosité quant au développement de la 5G sur le Vieux Continent. Certains jugent que ce nouveau réseau n’a pas encore permis d’accoucher d’applications de rupture pour convaincre le grand public. D’autres déplorent le retard des entreprises à se convertir à cette technologie, qui a, en partie, été développée pour elles.

Avec la 5G, on allait voir ce qu'on allait voir. Mais on attend toujours ! Au salon du mobile de Barcelone, de nombreux industriels et observateurs des télécoms ne cachent pas leur morosité concernant le développement de la nouvelle génération de communication mobile sur Vieux Continent. « Avec la 5G, on s'est bien fait avoir ! », s'exclame auprès de La Tribune un haut responsable français et fin connaisseur des télécoms. D'après lui, on est loin de la révolution promise il y a plusieurs années par le secteur. Si les abonnements à ce nouveau réseau progressent, c'est essentiellement, à ses yeux, parce que les consommateurs ont à un moment donné besoin de changer de terminal. Mais il n'existe pas encore, selon cet acteur, d'innovation nouvelle ou d'application de rupture qui justifie aujourd'hui de troquer la 4G pour la 5G.

En parallèle, du côté des entreprises, pour lesquelles la 5G a en partie été développée pour numériser leurs activités, l'adoption se fait attendre. Du moins sur le Vieux Continent. En France, à l'exception de quelques grands groupes comme Schneider Electric, Alcatel Submarine Networks, ou encore ArcelorMittal, les applications professionnelles de cette technologie peinent à séduire le monde professionnel. Sur ce front, la plupart des acteurs des télécoms s'accordent à dire que la Chine a, en particulier, un coup d'avance. C'est aussi ce qu'avance Huawei. À Barcelone, l'équipementier télécoms chinois, qui s'est offert le plus grand espace du salon, vante les mérites de la 5G pour numériser les usines, les entrepôts logistiques, les hôpitaux, les ports ou encore les mines.

L'inquiétude des opérateurs

Cette absence, pour l'heure, de « révolution de la 5G » en Europe préoccupe les opérateurs. Tous ont besoin de « monétiser », disent-ils, cette technologie pour rentabiliser les milliards d'euros qu'ils consacrent au déploiement des réseaux. C'est notamment ce qui explique, dans un contexte économique difficile marqué par l'inflation, pourquoi la plupart d'entre eux lèvent le pied sur leurs investissements. Ericsson et Nokia, qui fournissent les antennes et équipements 5G nécessaires aux opérateurs, en souffrent particulièrement. L'an dernier, tous deux ont vu leurs ventes se replier de respectivement 3% et 11%.

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À Barcelone, Christian Leon, le patron d'Ericsson France, déplore le retard de l'Europe en matière de réseaux 5G. Ses chiffres sont sans appel : seule 25% de la population européenne est, d'après lui, couverte en 5G via les nouvelles fréquences 3,5 GHz dédiées à cette technologie, contre 85% et 95% des populations américaine et chinoise. D'après le dirigeant, cela a une incidence forte sur le développement et l'appropriation de cette technologie sur le Vieux Continent.

L'IA en soutien de la 5G

Alors que l'Union européenne presse les opérateurs d'investir davantage pour mieux couvrir la population et les entreprises en 5G, les grands opérateurs européens, qui se plaignent d'une trop forte concurrence, arguent qu'ils n'en ont plus les moyens. Tous militent pour davantage de consolidation dans les 27 pays membres pour retrouver leur santé financière. « La consolidation doit devenir possible dans tous les marchés européens, a lancé Margherita della Valle, la patronne Vodafone, lors d'une conférence ce lundi. Dans le monde de la 5G, il n'existe pas de viabilité économique à avoir quatre opérateurs déployant chacun, dans un même pays, leurs réseaux en parallèle. »

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Pour retrouver des couleurs et consacrer enfin la 5G, l'industrie des télécoms fonde de grands espoirs sur l'arrivée de l'intelligence artificielle. À Barcelone, c'est bien simple, l'IA était partout cette année. Et en particulier dans les smartphones, que les fabricants souhaitent faire évoluer en véritables assistants personnels. « Dans cinq à dix ans, plus personne n'utilisera d'application, a affirmé Timotheus Hottges, le PDG de Deutsche Telekom. L'intelligence artificielle dans les smartphones répondra à tous nos besoins. » Les télécoms ont tout intérêt à encourager cette tendance. L'intelligence artificielle est, à leurs yeux, synonyme d'une très forte consommation de données. Elle a, sur le papier, besoin de puissants réseaux pour fonctionner correctement. Et la 5G devrait, alors, s'avérer indispensable.