5G : un nombre colossal d’antennes sera nécessaire pour couvrir le pays

Par Pierre Manière  |   |  751  mots
D'après le cabinet Tactis, « une densification massive des réseaux sera nécessaire » avec la 5G pour préserver une couverture semblable à celle de la 4G. (Crédits : Sergio Perez)
D’après une étude du cabinet Tactis, les opérateurs devront déployer 30% de sites supplémentaires, en zone péri-urbaine, pour proposer un niveau de service 5G équivalent à la 4G. Dans les territoires ruraux, il en faudra trois fois plus pour offrir un service haut débit.

La 5G va nécessiter des déploiements massifs d'antennes de communication mobile à travers le pays. C'est ce que souligne une étude du cabinet Tactis. Publiée ce mardi, celle-ci montre que dans les zones péri-urbaines, il faudra environ 30% de sites supplémentaires pour offrir un niveau de service équivalent à la 4G. Surtout, dans les territoires ruraux, deux fois plus de sites seront nécessaires pour disposer d'une couverture équivalente, et jusqu'à trois fois plus pour délivrer un service haut débit, c'est-à-dire au moins 8 mégabits par seconde.

Pour arriver à ces estimations, les experts de Tactis ont simulé la couverture 4G dans plusieurs zones péri-urbaines et rurales à partir des sites d'antennes mobiles existants. Ils ont ensuite simulé ce que serait la couverture 5G, à partir de ces mêmes sites. Chose importante : dans ses projections, Tactis n'utilise qu'une des trois bandes de fréquences allouées à la 5G, celles des 3,5 GHz, dont le spectre sera vendu aux opérateurs au printemps. Le constat est sans appel : la couverture est à chaque fois bien moindre en 5G qu'en 4G.

A gauche, la couverture simulée en 4G à proximité Bordeaux, et à droite, une projection de la couverture 5G. (Crédits: DR)

A gauche, la couverture simulée en 4G en pleine campagne, en Eure-et-Loire, et à droite, une projection de la couverture 5G. (Crédits: DR)

Pourquoi les différences sont-elles aussi importantes ? Parce que les fréquences utilisées pour fournir la 5G ne seront pas les mêmes que pour la 4G, et elles n'ont pas les mêmes caractéristiques. « Les déploiements 4G actuels utilisent notamment des fréquences basses, qui portent loin, tandis que les fréquences hautes qui seront utilisées pour les déploiements 5G, dans la bande des 3,5 GHz, offrent beaucoup de débit mais portent bien moins loin », explique Julien Renard, expert radio chez Tactis. Toutefois, les simulations de Tactis ne comprennent pas la bande de fréquences 700 MHz, qui sera aussi utilisée pour la prochaine génération de communication mobile. Or ces fréquences sont basses, et permettent de couvrir beaucoup mieux les territoires que la bande des 3,5 GHz. Pour expliquer ce choix, Julien Renard précise que la bande des 700 MHz ne permettra pas de bénéficier « de toutes les promesses de la 5G ». Impossible, affirme-t-il, d'offrir un vrai service haut débit avec ces fréquences.

Tactis n'a guère d'inquiétudes pour les cœurs de villes et les zones les plus urbanisées. Dans ces territoires, très peuplés et généralement très rentables pour les opérateurs, la densification des réseaux 5G sera certainement une priorité pour les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. En revanche, le cabinet se pose plus de questions pour les territoires péri-urbains et les zones rurales, moins rentables, et qui ne sont bien souvent pas la priorité des opérateurs. Pour acquérir des fréquences 3,5 GHz, ces derniers devront notamment s'engager à ce que, en 2024 et 2025, 25% du nombre de sites 5G déployés se situent en zone rurale. Mais les opérateurs n'ont aucunement l'obligation d'y déployer de nouveaux sites. Ce qui sera pourtant un impératif, d'après Tactis, pour offrir une couverture 5G de qualité.

Une solution : la mutualisation

Le risque, c'est que le déploiement de la prochaine génération de communication mobile accouche d'une nouvelle fracture numérique entre les villes et les campagnes. Ces dernières pourraient se retrouver, durablement, avec des réseaux 5G soit inexistants, soit de piètre qualité. Pour densifier davantage les réseaux dans la perspective du déploiement de cette nouvelle technologie, la solution pourrait venir d'une plus forte mutualisation des infrastructures mobiles.

Les opérateurs y songent déjà. A commencer par Stéphane Richard, le PDG d'Orange. Dans un entretien aux Echos, le chef de file du leader français des télécoms a jugé que « la question d'une mutualisation poussée se pose ». « Orange a signé (des accords en ce sens) en Espagne, en Pologne ou en Belgique, rappelle-t-il. En France, certains de nos concurrents partagent déjà largement leurs réseaux [SFR et Bouygues Telecom dans les zones moins denses, Ndlr] ; nous y réfléchissons également. » A ce sujet, les grandes manœuvres pourraient commencer dès cette année, lorsque les fréquences 5G auront été attribuées.