Avec la 5G, le risque d'une aggravation de la fracture numérique

Les inégalités d'accès au mobile et à Internet restent importantes entre la France des villes et celle des champs. Certains redoutent que la 5G ne les creuse encore plus.
Pierre Manière
Aujourd'hui encore en France, nombre de villages ne disposent d'aucune antenne pour leur fournir de la téléphonie mobile et un internet de qualité.
Aujourd'hui encore en France, nombre de villages ne disposent d'aucune antenne pour leur fournir de la téléphonie mobile et un internet de qualité. (Crédits : Sipa)

Orange n'a pas chômé. Des 46.000 cabines téléphoniques encore en service en 2017, il n'en reste plus que 465. Selon l'ex-France Télécom, qui gère ce parc, elles ne sont plus utilisées en moyenne que trente secondes par mois ! Toutefois, une bonne moitié de ces quasi-pièces de musée n'a pas vocation à être retirée tout de suite. Situées en « zones blanches », dans des villages où le mobile ne passe toujours pas, ces cabines resteront opérationnelles en attendant qu'Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free y disposent d'une couverture 3G et 4G acceptable.

En France, plusieurs centaines de villages et de hameaux ne disposent toujours pas de téléphonie mobile. Et dans de nombreux bourgs, passer un coup de fil ou surfer sur Internet avec un smartphone demeure un chemin de croix. Il en va de même pour l'Internet fixe. Alors que dans les grandes villes, de plus en plus de Français passent à la fibre et profitent d'une connexion ultrarapide, dans beaucoup de campagnes et de zones rurales, les foyers doivent composer avec un ADSL à bout de souffle.

Le sujet est des plus sensibles. Depuis des années, maires, députés et sénateurs de toutes les couleurs politiques râlent contre cette « fracturenumérique ». À l'Assemblée nationale ou au Sénat, chaque audition d'un patron d'opérateur télécom ou de l'Arcep, le gendarme du secteur, donne lieu à de très vifs échanges. En 2015, déjà, l'ex-députée socialiste Marie-Hélène Fabre avait interpellé Sébastien Soriano, le président de l'Arcep, à propos des « zones grises », où la couverture mobile est aussi sporadique que médiocre.

« Cela pose de très, très gros problèmes, a-t-elle lancé, le visage grave. Le week-end dernier, dans une commune en zone grise de mon département, une personne a été victime d'un AVC. Personne n'a pu joindre les secours. Voilà. La personne est décédée. »

Mobilisation contre les zones blanches

La fracture numérique creuse aussi les inégalités sociales et économiques entre la France des villes et celle des champs. Aujourd'hui, disposer du mobile et d'une bonne connexion Internet est souvent devenu essentiel, au quotidien, pour s'informer, trouver un emploi, gérer son entreprise, garder contact avec ses proches, ou acheter et vendre des biens et services. Ceux qui en sont privés éprouvent un sentiment de déclassement, celui d'être un citoyen de seconde zone. Un problème qui rappelle un peu le mouvement des « gilets jaunes ». Même s'il apparaît réducteur de résumer leur ras-le-bol à une opposition entre une France des villes et une France périphérique.

Conscient du problème, le gouvernement affirme vouloir prendre les choses en main. Sur le front du mobile, il a conclu en janvier 2018 un accord baptisé « New Deal » avec les grands opérateurs nationaux. Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free se sont engagés, à l'horizon 2020, à en finir avec les zones blanches et à améliorer sensiblement la couverture mobile des campagnes et des zones peu denses. Pour décrocher l'aval des opérateurs, l'État a fait un choix politique : celui de ne pas profiter du renouvellement de certaines licences d'utilisation de fréquences (qui sont indispensables aux opérateurs pour proposer leurs services) pour renflouer ses caisses.

Dans l'Internet fixe, un énorme chantier a été lancé en 2013. D'un coût d'environ 20 milliards d'euros, ce « Plan France très haut débit » (PTHD) vise à offrir, essentiellement via le déploiement de la fibre, un Internet ultrarapide (au débit égal ou supérieur à 30 mégabits par seconde) à tous les Français d'ici à 2022. Si l'affaire sera bientôt réglée dans les grandes villes et zones très denses, il y a du pain sur la planche pour le reste du pays. Comme toujours, les territoires les moins peuplés et isolés seront servis en dernier. En outre, selon certains plans d'investissements, plusieurs zones peu peuplées n'auront pas accès au très haut débit avant 2025 ou 2026 ! Voilà pourquoi le gouvernement a décidé, en juillet 2017, d'ajouter un objectif intermédiaire au PTHD : d'ici à 2020, tous les Français devront disposer d'un « bon débit » (compris entre 3 et 8 mégabits par seconde).

Reste que ces initiatives suscitent la méfiance de nombreux élus. Et pour cause : avant le « New Deal » mobile, plusieurs plans gouvernementaux ont tenté, sans succès, d'en finir avec les zones blanches. Sur le front de l'Internet fixe, l'échéance de 2022 du PTHD est depuis longtemps critiquée par Laure de La Raudière, députée Agir (ex-Les Républicains).

« C'est insupportable d'attendre aussi longtemps quand vous n'avez pas le très haut débit !, fustigeait-elle en juillet 2017. Il y a des gens qui vont déménager à cause de ça ! »

L'essor des "villes intelligentes"

Là où les choses se corsent, c'est que l'arrivée de la 5G, la prochaine génération de communication mobile prévue en 2020, pourrait davantage creuser les inégalités entre les villes et les campagnes. Cette technologie promet l'éclosion de nouveaux usages, comme les véhicules autonomes, l'industrie 4.0, l'Internet des objets ou la télémédecine. Mais ceux-ci risquent fort d'être longtemps l'apanage des grandes agglomérations, qui seront les premières couvertes en 5G pour des raisons économiques.

« Les villes "intelligentes" [ou smart cities, Ndlr] et connectées seront un enjeu électoral important pour les municipales de 2020 », a jugé François Barrault, le président du cabinet de conseil et think tank Idate, le mois dernier, au Congrès mondial de la téléphonie mobile de Barcelone. « Parce qu'il y aura des différences considérables entre les villes, biens loties, qui auront accès au très haut débit, et les zones rurales, qui n'auront pas accès aux mêmes services. »

Le sujet préoccupe depuis longtemps Patrick Chaize, sénateur de l'Ain (LR) et bon connaisseur des sujets numériques. Il rappelle que « fin 2017, [il avait] appelé le gouvernement à intégrer la couverture 5G dans le "New Deal" [pour faire en sorte que les campagnes ne soient pas oubliées] ». Ce qui n'a finalement pas été le cas.

« Ça me paraissait être une totale évidence », renchérit-il. Selon lui, les milieux ruraux ont autant besoin de la 5G que les villes, notamment pour « connecter les cheptels, disposer d'informations sur les terres, mieux utiliser les engrais et autres produits phytosanitaires ».

Quant au véhicule connecté, « on peut imaginer qu'on en ait même plus besoin dans les campagnes », alerte le sénateur. Pour permettre aux milieux ruraux d'accéder plus vite à la 5G, des obligations pourraient être imposées aux opérateurs dans leurs prochaines licences mobiles. La balle est, désormais, dans le camp du gouvernement.

Pierre Manière

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Commentaires 6
à écrit le 07/02/2020 à 21:10
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Quelle bonne nouvelle ! je retransmets à tous ceux que la 5 G effraie.

à écrit le 25/03/2019 à 11:41
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ok hormis regarder de la full hd sur un ecran de 5 pouces qui se contenterait de bcp moins, ca sert a quoi? he ben la 5g ca sert a remplir les caisses de l'etat via les licences, et a faire des investissements obligatoires pour qu'il y ait moins de...

le 25/03/2019 à 20:57
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Au vu des fréquences de la 5G, provoquer des cancers et baisser la durer de vie des être vivants (humains et animaux)...

le 02/04/2019 à 8:30
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euh, je voulais dire ' ca sert a quoi de positif' !

à écrit le 25/03/2019 à 11:26
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Ce serait bien, vraiment bien de ne pas répéter sans arrêt les mêmes erreurs et de regarder du côté des dégâts occasionnés par ces ondes, parce que plus on télécharge gros et vite et plus on en prend plein la gueule. Avec la 5G on en est où svp ?...

le 25/03/2019 à 20:58
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Vous voyez quand votre café bout ans le micro onde? Les fréquences sont les même... Sauf que le café demain ce sera nous...

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