5G : Londres dit « oui » à Huawei

Le Royaume-Uni a décidé, ce mardi, d’autoriser sous conditions les opérateurs du pays à déployer la 5G en utilisant les équipements du géant chinois des télécoms. Une décision qui s’apparente à un camouflet pour les Etats-Unis, qui ont mené un fort lobbying pour pousser leur allié à chasser le groupe de Shenzhen.
Pierre Manière
Dans un communiqué, Huawei s’est dit « rassuré par la confirmation du gouvernement britannique [de pouvoir] continuer à travailler avec [ses] clients afin de poursuivre le déploiement de la 5G ».
Dans un communiqué, Huawei s’est dit « rassuré par la confirmation du gouvernement britannique [de pouvoir] continuer à travailler avec [ses] clients afin de poursuivre le déploiement de la 5G ». (Crédits : Arnd Wiegmann)

Londres a finalement dit « oui ». Le gouvernement de Boris Johnson a décidé, ce mardi, de donner son feu vert à Huawei. Les opérateurs du pays pourront donc, sous conditions, recourir au champion chinois des équipements télécoms pour déployer la 5G, la prochaine génération de communication mobile. Dans la foulée d'une réunion du Conseil de sécurité nationale, présidée par le Premier ministre Boris Johnson, le ministère de la Culture, des Médias et du Numérique s'est fendu d'un communiqué précisant que les équipementiers estampillés « à haut risque » auront leur place dans les réseaux mobiles britanniques. Même s'il n'est pas cité nommément, c'est bien de Huawei dont il est ici question. Reste que le groupe de Shenzhen fera face à des limitations.

Primo, il ne pourra pas équiper certaines parties sensibles des réseaux - et notamment les « cœurs de réseaux », où transitent toutes les communications. Secundo, si Huawei pourra être présent dans le segment, jugé « non stratégique », des antennes-relais, sa part de marché ne pourra excéder les 35%. Tertio, les équipements de Huawei ne pourront être déployés à proximité des zones sensibles, comme les centrales nucléaires ou les bases militaires.

Le lobbying américain a échoué

La nouvelle ne constitue pas une surprise, dans la mesure où l'exécutif britannique préparait, depuis quelques temps, l'opinion à une décision favorable à l'égard du géant chinois des télécoms. Mais elle va, sans nul doute, faire des remous. Ce choix sonne d'abord comme un sacré camouflet pour les États-Unis. A l'AFP, un responsable américain s'est dit, sous couvert d'anonymat, « déçu par la décision du Royaume-Uni ». C'est peu dire! Depuis des mois, Washington ne ménageait pas ses efforts pour pousser son allié britannique à chasser, comme lui, Huawei du marché des réseaux 5G. Les États-Unis estiment, depuis des mois, que les infrastructures du groupe chinois pourraient servir de cheval de Troie à Pékin pour espionner les communications, ou tout simplement les mettre hors service en cas de conflit. Ce que Huawei et Pékin, de leur côté, ont toujours démenti avec véhémence.

Ces derniers jours, Donald Trump s'est même directement entretenu avec Boris Johnson à ce sujet. Et Mike Pompeo, le secrétaire d'Etat américain, ne s'est pas privé de mettre un gros coup de pression au gouvernement britannique, allant jusqu'à qualifier la semaine dernière, la décision de son allié de « capitale ». Le lobbying des Etats-Unis ne s'est pas arrêté là. Certains officiels américains ont affirmé qu'un accord commercial pour l'après-Brexit serait menacé si Huawei décrochait un feu vert ! Enfin, Washington a également averti qu'il pourrait remettre en cause sa coopération avec Londres en matière de renseignement.

Huawei « rassuré »

Dans ce contexte extrêmement tendu, la décision britannique constitue une victoire pour Huawei. Le groupe de Shenzhen s'en est bien sûr félicité. Dans un communiqué, il s'est dit « rassuré par la confirmation du gouvernement britannique [de pouvoir] continuer à travailler avec [ses] clients afin de poursuivre le déploiement de la 5G ». Si cette décision est aussi importante pour Huawei, c'est parce qu'elle pourrait bien faire boule de neige. Plusieurs autres pays européens doivent prochainement exposer leur doctrine à l'égard du groupe chinois. C'est le cas de l'Allemagne. Mais aussi de la France, qui cultive encore, au grand dam des opérateurs, le flou à ce sujet.

Et quid de l'UE ? Bruxelles n'a jamais caché sa méfiance à l'égard de Huawei. Mais pas question, semble-t-il, de l'exclure. C'est ce qu'a indiqué ce mardi Thierry Breton, le nouveau commissaire européen à l'Industrie.

« Il ne s'agit pas d'être discriminant, a-t-il déclaré. Il s'agit tout simplement de fixer des règles. Elles seront strictes, elles seront exigeantes, et évidemment, on accueillera en Europe tous les opérateurs qui voudront bien les appliquer. »

Concrètement, l'ancien ministre français de l'Économie va lever le voile, ce mercredi, sur une « boîte à outils » concoctée par les États membres de l'UE en coordination avec la Commission. « Il faut avoir la capacité pour chaque pays, pour chaque opérateur, d'avoir plusieurs sources de fournisseurs car il faut mitiger les risques », a achevé Thierry Breton.

Pierre Manière

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Commentaires 13
à écrit le 29/01/2020 à 16:34
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Quand on pense que nous avions TOUT pour réussir avec Alcatel-Lucent . . . mais K(r)on est passé par là !

à écrit le 29/01/2020 à 15:00
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Phonétiquement huawei se prononce grosso modo "ah oui" ! Pas de quoi fouetter un chat, c'est donc normal que les Britanniques acceptent à bras ouvert l'opérateur chinois!

à écrit le 29/01/2020 à 14:40
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Berlin aurait la preuve que Huawei a travaillé avec les services chinois « A la fin 2019, des renseignements nous ont été transmis par les Etats-Unis, selon lesquels Huawei a coopéré de manière avérée avec les autorités de sécurité chinoises » écrit...

à écrit le 29/01/2020 à 12:51
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Déjà, c'est "non" à la 5G qu'il aurait fallu dire ...

à écrit le 29/01/2020 à 12:36
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Perfide Albion!

à écrit le 29/01/2020 à 11:17
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Trump va leur tirer les oreilles, les négociations économiques des futurs accords commerciaux vont être rendues difficiles. Les fournisseurs européens sont des nains, pour ça qu'on n'utilise pas leur matériel, ou c'est pas complet comme offre (il fa...

le 29/01/2020 à 12:08
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Nous lisons partout qu'Huwei a LA technologie et que les Nokia, Ericsson ou Siemens.. sont à des années lumière. Et cette question n'est pas tranchée. Je note que dans le cadre de la fusion aux USA de T-Mobile & Sprint, les opérateurs ont pris l'enga...

à écrit le 29/01/2020 à 10:55
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Ainsi donc des européens craindraient d'être espionnés par une entreprise chinoise alors que tous savent être espionnés par les usa, jusqu'à l'écoute des présidents, chancelière, ... et ce de façon généralisée ! Pour être informés des secrets europée...

à écrit le 29/01/2020 à 10:26
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La France adepte du "en même temps" risque de copier le Royaume Uni.

à écrit le 29/01/2020 à 2:54
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Et bien voila, les europeens sont prevenus. Le RU va devenir la plaque tournante du marche chinois "en devenir". Ne parlons pas de la future lessiveuse d'argent trouble que cela va generer.

le 29/01/2020 à 10:57
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"D'argent trouble" dites vous. A quoi pensez vous? aux paradis fiscaux?

à écrit le 28/01/2020 à 22:47
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Une erreur, tant il est impossible d'avoir des échanges équilibrés avec la Chine. Pour l'UE, avec Nokia, Siemens etEricsson, nous serions fous de laisser nos portes ouvertes...

à écrit le 28/01/2020 à 19:25
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C'est très courageux, mais attendons voir les réactions Américaines.

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