Affaire Huawei : la Chine sort les griffes

Alors que, sur fond de soupçons d’espionnage, de nombreux pays, dont la France, prennent des mesures pour interdire ou limiter le déploiement d’équipements du géant chinois des télécoms sur leurs territoires, Pékin monte au créneau pour défendre le groupe, et se montre de plus en plus menaçant.
Pierre Manière
Ce lundi 28 janvier, Zhang Ming, l’ambassadeur chinois auprès de l’Union européenne, s’en est pris, dans le Financial Times, à la « discrimination » que subirait Huawei dans les projets 5G.
Ce lundi 28 janvier, Zhang Ming, l’ambassadeur chinois auprès de l’Union européenne, s’en est pris, dans le Financial Times, à la « discrimination » que subirait Huawei dans les projets 5G. (Crédits : Tim Chong)

Le gouvernement chinois ne fait plus dans la dentelle, et n'hésite plus à se montrer menaçant. Depuis plusieurs mois, Huawei est dans l'œil du cyclone. Spécialiste et leader des équipements télécoms, le géant chinois s'est fait bannir de plusieurs pays, sur fond de soupçons d'espionnage pour le compte de Pékin. Dans le sillage des États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon ont décidé de le chasser de leurs juteux marchés des réseaux 5G, la prochaine génération de communication mobile.

Sur le Vieux Continent, plusieurs pays songent à faire de même. Mais plutôt que d'exclure officiellement ce fleuron chinois des nouvelles technologies, certains privilégient, comme la France et l'Allemagne, un renforcement des mesures de sécurité et de contrôle des équipements télécoms.

Lire aussi : La France veut renforcer la sécurité des équipements télécoms

Ces interdictions et dispositifs visant à limiter Huawei suscitent la colère de Pékin. Depuis le début de l'affaire, le gouvernement chinois ne ménage pas ses efforts pour défendre le groupe. Ce lundi 28 janvier, Zhang Ming, l'ambassadeur chinois auprès de l'Union européenne, s'en est pris, dans le Financial Times, à la « discrimination » que subirait Huawei dans les projets 5G.

« Aujourd'hui, on ne ménage aucun effort pour inventer une histoire de sécurité sur Huawei, estime-t-il. Je ne pense pas que cette histoire ait quoi que ce soit à voir avec la sécurité. »

Surtout, Zhang Ming n'a pas hésité à se montrer menaçant envers les pays qui prennent des mesures « anti-Huawei ». Selon lui, les tentatives visant à limiter ou à empêcher Huawei de déployer ses équipements auront « de lourdes conséquences » sur la coopération économique et scientifique mondiale.

Une « brimade » des États-Unis

La semaine dernière, c'est Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, qui a fait parler la poudre. Elle a qualifié de « brimade » la volonté des États-Unis d'extrader Meng Wanzhou, la directrice financière de Huawei, actuellement en liberté surveillée au Canada. Pour rappel, cette dirigeante a été arrêtée en fin d'année dernière au Canada, à la demande de la justice américaine, qui la soupçonne d'avoir violé des sanctions américaine contre l'Iran.

Pour Hua Chunying, les États-Unis cherchent « avant tout à brimer (la Chine) dans le secteur technologique. Tout le monde peut voir très clairement quel est l'objectif réel (des États-Unis) », a-t-elle renchéri.

Au-delà de ces sorties, trois ressortissants canadiens ont été arrêtés en Chine depuis le début de l'affaire Meng Wanzhou. Et mi-janvier, un autre Canadien a été condamné à mort pour trafic de drogue dans l'empire du Milieu, alors qu'il n'avait, en première instance écopé « que » d'une peine de 15 ans de prison. La Chine s'est refusée à faire un lien entre ces événements et ceux concernant Huawei. Mais beaucoup y voient une mesure de rétorsion de Pékin.

L'inquiétude de l'Europe

Aux yeux de plusieurs analystes, ces vives réactions chinoises tendent à confirmer l'existence d'étroites connexions entre Huawei et le régime communiste. Au point qu'il y a deux semaines, Ren Zhengfei, le fondateur de Huawei, a eu une explication à ce sujet. Interrogé par des journalistes à l'occasion d'une très rare interview, cet ancien ingénieur de l'armée chinoise a déclaré :

« Je ne vois aucune relation particulière entre mes convictions politiques personnelles et les activités de Huawei. »

Avant d'assurer que son groupe refuserait toute demande de Pékin visant à obtenir des informations sensibles.

Des propos qui, pour l'heure, ne rassurent guère la sphère politique européenne. Beaucoup voient d'un mauvais œil une loi sur le renseignement national adopté par Pékin en 2017, qui obligerait les entreprises comme les particuliers à aider les agences d'espionnage chinoises dans leurs requêtes.

La 5G, un enjeu stratégique

« Quand c'est écrit dans la loi, nous devons comprendre que ces risques sont plus élevés, a récemment affirmé Andrus Ansip, le commissaire européen chargé du numérique à l'agence Bloomberg. Nous ne pouvons plus être naïfs. »

Dans l'Hexagone, l'exécutif fait aussi part de ses craintes. La semaine dernière, Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, a évoqué des « risques » concernant la place de Huawei dans le déploiement de la 5G.

Si pour le gouvernement chinois met les bouchées doubles pour protéger Huawei, c'est aussi parce que ce groupe est éminemment stratégique. Pékin compte sur ce poids lourd des équipements télécoms pour prendre un avantage technologique en matière de 5G vis-à-vis, notamment, des États-Unis. Pour la Chine, les réseaux de 5G constituent la brique essentielle pour le développement des géants du Net de demain. Un Huawei affaibli constituerait, sous ce prisme, un important handicap économique.

Lire aussi : Pourquoi les États-Unis attaquent les télécoms chinoises

Pierre Manière

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Commentaires 18
à écrit le 29/01/2019 à 16:46
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Si il n'y avait que Huawei ! le pillage des technologies occidentale enrichi considérablement la Chine qui économise ainsi des milliards d'€uros d’investissements et nous inonde de ses produits souvent en limite de qualité pour réaliser encore plus d...

à écrit le 29/01/2019 à 16:14
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Entre le Vénézuela, le Brésil et l'Argentine, où ils redistribuent les billes en changeant les pouvoirs pour asseoir leur position sur ce continent qui, depuis quelques années, était contestée; avec la guerre économique ouverte sur la Chine, les bloc...

à écrit le 29/01/2019 à 14:33
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La 5G, ça ne concerne que les objets connectés, qui offrent quelques services intéressants mais qui sont surtout une porte ouverte à la récupération des données personnelles et au piratage (voir les articles d'hier et d'aujourd'hui de LT "Cybersécuri...

à écrit le 29/01/2019 à 9:13
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"Aux yeux de plusieurs analystes, ces vives réactions chinoises tendent à confirmer l'existence d'étroites connexions entre Huawei et le régime communiste" Ça fait plaisir de payer aussi chers des analystes aussi compétents hein, faut pas s'étonne...

à écrit le 29/01/2019 à 9:10
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La Chine fait du Chinois et l'Europe que fait-elle avec ses frontières commerciales grandes ouvertes, ils sont où les ordinateurs made UE, les Gootruc UE les Smartmachun EU, Etc...Un peu de courage les politiques au lieu de brader notre industrie à l...

à écrit le 29/01/2019 à 7:11
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@Cf... Les USA sont nos alliés militairement... Mais économiquement, ce sont nos prédateurs. De nombreuses entreprises Françaises ont déjà eu à faire à l'instrumentalisation de leurs lois extraterritoriales et versé des milliards en compensation....

à écrit le 28/01/2019 à 20:29
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Mettre la 5g sur du materiel chinois (qui je rappel fabrique le materiel cisco) par contre faire un contrat global au niveau de l armee avec Microsoft y a pas de probleme... Et comme dab tout le monde suit les U. S

le 28/01/2019 à 21:40
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Les usa sont nos alliés . Pas les chinois. Mettre au même niveau les usa et la Chine c est délirant. Essayez de critiquer publiquement xi en Chine pour voir Si vous êtes occidental on vous renverra gentiment chez vous au mieux. Si vous êtes chinoi...

le 29/01/2019 à 6:12
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Parce que le régime chinois et ses pratiques offrent plus de garantie que les us selon vous ? Ne soyons pas naïf La chine. Ouvre pas ou peu ses marches ... avec des arguments pseudo administratif ou fallacieux ce n est que la monnaie de sa pièc...

le 29/01/2019 à 8:04
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@cf. @ Bréhat On est en 2019 pas en 1950, les usa ne sont plus nos alliés. Et même politiquement ils se servent de l'Otan pour faire pression. La Chine n'est pas une démocratie certes mais ça ne veut pas dire qu'elle est hostile . Nous aurions plus ...

à écrit le 28/01/2019 à 20:27
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Les alternatives à Huawei dans les infrastructures telecom existent: elles sont Européennes et s'appellent Ericsson et Nokia. Technologiquement parlant, elles n'ont pas grand chose à envier aux équipements Chinois. Le pb, c'est le prix que les Chinoi...

le 29/01/2019 à 8:25
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Si il y a un probleme de prix, c'est uniquement un probleme de conception: pour la fabrication, tous les fournisseurs et sous traitants sont asiatiques de toute façon. Aujourd'hui Huawei a 10000 ingénieurs ASIC pour les puces. Alcatel-Lucent avait ar...

le 29/01/2019 à 13:36
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Des puces Nokia en fait, voir les produits Reefshark par exemple. Si on regarde l'ensemble des brevets essentiels 5G déposés à l'organisation de normalisation qui développe les normes mobiles (3GPP) on estime que Nokia + Ericsson ont ensemble envir...

à écrit le 28/01/2019 à 18:59
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"d'étroites connexions entre Huawei et le régime communiste" On s'étonne? La chine chaque jour nous montre qu'elle reste un état totalitaire

à écrit le 28/01/2019 à 18:13
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La vérité c'est que les USA veulent rester leader dans la tech. Or les liens entre les gafa et le gouvernement américain posent déjà problème puisque la loi américaine force les gafas à livrer leurs données si la sécurité nationale est en jeu ( ou p...

à écrit le 28/01/2019 à 17:59
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il faut proposer des alternatives aux chinois! je suggere qu'ils viennent en europe creer des coentreprises ou ils detiendront 49% et feront les transferts de technologies en produisant sur place

le 29/01/2019 à 8:27
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Top!!!

le 29/01/2019 à 8:33
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c'est de la high-tech là mon grand... dans le semiconducteur et les telecom 95% de la prod est en Asie (Taiwan, Singapour, Coree, Chine,...) et cela va à très bien au monde entier... car le monde entier se partage les ressources et investissement. Un...

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