Radio, satellite et 4G fixe : les alternatives à la fibre suscitent des inquiétudes

Par Pierre Manière  |   |  722  mots
En avril dernier, Eutelsat, Thales et Orange ont signé un accord concernant le lancement d’un nouveau satellite en 2021. Celui-ci permettra d’apporter du très haut débit aux Français vivant dans les zones les plus isolées. (Crédits : Tous droits réservés © CNES)
Si tous les Français sont censés pouvoir accéder à l'Internet fixe à très haut débit en 2022, tous ne seront pas éligibles à la fibre. De nombreux foyers devront se rabattre sur des technologies alternatives, comme la radio, le satellite et la 4G à usage fixe. Sous réserve, bien sûr, qu’elles soient déployées à temps, et, surtout, qu’elles trouvent leur public.

Malgré les critiques, le Plan France très haut débit (PTHD) avance. Ce grand chantier, qui doit permettre à tous les Français d'accéder à un « bon débit » (au moins 8 mégabits par seconde), en attendant le « très haut débit » (a minima 30 mégabits par seconde), repose essentiellement sur le déploiement d'un nouveau réseau national en fibre optique, en remplacement du vieux cuivré. À son terme, dans quatre ans s'il n'y a pas de retard, 84% des foyers (soit 30,1 millions de locaux), devraient disposer du "FTTH" (ou fibre jusqu'au domicile, soit le nec plus ultra en matière d'Internet fixe). Mais, pour des raisons économiques, 16% des foyers (près de 6 millions de locaux) n'auront pas accès, en 2022 du moins, au FTTH. Ils devront se contenter d'offres ADSL améliorées, ou d'autres technologies, comme la radio, le satellite ou la 4G à usage fixe.

Ce sujet fait, depuis longtemps, débat. De nombreux sénateurs, députés et élus locaux râlent depuis longtemps contre le sort de ces "16%". Lesquels, en général, vivent dans des zones rurales, peu denses, isolées ou de montagne, où tirer de la fibre optique relèvent, selon les industriels, de l'hérésie économique. Mais le problème, c'est que beaucoup craignent que le PTHD donne naissance, in fine, à deux catégories de Français : les plus chanceux, qui auront la fibre et pour qui tout ira pour le mieux, et les citoyens « de seconde zone » qui devront se débrouiller avec des technologies alternatives, lesquelles atteindront possiblement très vite leurs limites.

Mobilisation pour la « fibre pour tous »

C'est la raison pour laquelle Patrick Chaize, sénateur (Les Républicains) de l'Ain et président de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), milite depuis longtemps pour faire de la "fibre pour tous" une priorité politique. Il en va de même pour les députés Laure de La Raudière (Les Constructifs) et Éric Bothorel (La République En Marche), qui souhaitent que l'État s'engage à couvrir tout l'Hexagone dans cette technologie à l'horizon 2025.

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Une autre inquiétude concerne l'appétence des Français pour ces technologies alternatives, et en particulier les technologies dites « non filaires » - c'est-à-dire la radio, le satellite et la 4G à usage fixe. Lesquelles, dans le cadre du PTHD, concernent 6% des foyers (ou 2,2 millions de locaux). Le 14 juin, lors d'une table ronde organisée à Paris par la Firip (une fédération d'industriels qui déploient la fibre dans les zones rurales), en partenariat avec la Caisse des Dépôts et l'Avicca, Antoine Darodes, le patron de l'Agence du numérique (qui chapeaute le PTHD), a tiré la sonnette d'alarme :

« Nous devons avoir un regard plus attentif sur (le déploiement) des technologies (alternatives à la fibre), parce que c'est là qu'il y a peut-être le plus de risque qu'on n'atteigne pas nos objectifs », a-t-il prévenu.

« Un écosystème de distribution qui fait peur »

Selon lui, le problème n'est pas d'ordre technologique, étant donné que le très haut débit radio, le satellite et la 4G fixe sont aujourd'hui « matures ». L'ennui, « c'est que l'on a un écosystème de distribution et de commercialisation qui aujourd'hui fait encore un peu peur » aux populations concernées, a-t-il poursuivi. Ainsi, selon lui, ces technologies alternatives ont « du mal à pénétrer en France, parce que c'est vrai qu'on a eu quelques mauvaises expériences, notamment avec le WiMax [qui utilise la transmission radio, Ndlr], qui ont laissé des traces ». Il évoque aussi « des satellites bricolés pour (apporter) du haut débit », qui ont, ces dernières années, déçus beaucoup d'utilisateurs.

Ainsi, selon Antoine Darodes, les industriels et l'État doivent se mobiliser pour expliquer au grand public que les technologies alternatives qui verront le jour via le PTHD sont, affirme-t-il, d'une meilleure qualité que par le passé. Si la mayonnaise ne prend pas, de nombreux foyers français se sentiront oubliés, déclassés. Or c'est précisément l'écueil que le PTHD, depuis ses débuts, veut à tout prix éviter.

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