Symbole de la guerre technologique entre la Chine et les Etats-Unis, Meng Wanzhou prend la tête de Huawei

Par Pierre Manière  |   |  748  mots
Meng Wanzhou assurera la présidence tournante de Huawei pour les six prochains mois. (Crédits : DR)
La directrice financière du géant chinois des télécoms et des smartphones va prendre la présidence tournante du groupe ce samedi. Fin 2018, son arrestation outre-Atlantique avait marqué une escalade des tensions entre Pékin et Washington, qui se livrent une violente guerre économique et technologique. Un an et demi après sa libération, sa nomination à la tête du fleuron de la tech chinoise intervient alors que Huawei, qui souffre toujours de lourdes sanctions américaines, cherche à se relancer.

Sa nomination va sans doute faire grincer des dents au pays de l'Oncle Sam. Meng Wanzhou, actuelle directrice financière de Huawei, va prendre ce samedi la présidence du géant chinois des télécoms et des smartphones. Dans l'empire du Milieu, personne ne représente mieux qu'elle la résistance aux attaques des Etats-Unis contre la tech chinoise. Meng Wanzhou, qui n'est autre que la fille de Ren Zhengfei, le fondateur du groupe, est connue pour avoir essuyé, il y a cinq ans, les foudres de la justice américaine.

C'est à la demande de cette dernière, qui l'accusait de complicité de fraude pour contourner des sanctions contre l'Iran, que la dirigeante a été emprisonnée, puis assignée à résidence pendant trois ans au Canada. L'initiative a suscité l'ire de Pékin. Aux yeux du gouvernement chinois, cette manœuvre n'avait qu'un objectif : déstabiliser Huawei à un moment clé de son développement : celui-ci de l'arrivée des réseaux 5G. Une technologie qui a permis au groupe de Shenzhen de prendre un temps d'avance sur la concurrence, et qui est considérée, en Chine comme aux Etats-Unis, comme vitale pour le développement de l'économie. Meng Wanzhou a finalement été libérée en septembre 2021, et le département américain de la justice a abandonné ses poursuites un an plus tard.

L'eau a depuis coulé sous les ponts. Mais Meng Wanzhou prend les rênes de Huawei à un moment où les tensions sino-américaines restent fortes. Le groupe souffre toujours de bannissements ou de fortes limitations dans plusieurs gros marchés de la 5G - en particulier aux Etats-Unis, en Australie, au Royaume-Uni, en Suède ou en France. Huawei a notamment été accusé par Washington d'utiliser ses équipements à des fins d'espionnage pour le compte de Pékin - ce que le géant chinois nie farouchement. Il pâtit aussi de sévères sanctions infligées par le pays de l'Oncle Sam en 2019. Celles-ci lui interdisent de se fournir en certaines technologies américaines. C'est la raison pour laquelle Huawei, qui a un temps rivalisé avec Samsung et Apple dans les smartphones, s'est effondré dans ce domaine. Aujourd'hui, les restrictions l'empêchent, par exemple, de commercialiser des smartphones 5G.

Cela dit, Huawei n'a pas passé l'arme à gauche. Le groupe, qui a dévoilé ses résultats 2022 ce vendredi, a fait état d'un chiffre d'affaires de 642 milliards de yuans (86 milliards d'euros), en progression de près de 1% par rapport à l'exercice précédent. Cette stabilisation des ventes constitue une amélioration notable, sachant qu'en 2021, Huawei avait vu son chiffre d'affaires s'écrouler de 30%. En revanche, le groupe a vu ses bénéfices s'effondrer : ceux-ci se sont élevés à 35,6 milliards de yuans (4,7 milliards d'euros) en 2022, soit plus de trois fois moins que l'année précédente. En conférence de presse, Eric Xu, qui passait sa dernière journée comme président tournant de Huawei, a déploré « un environnement difficile » pour expliquer cette chute des bénéfices. Le dirigeant a aussi précisé que Huawei continuait d'investir beaucoup en recherche et développement. En 2022, ces dépenses ont représenté plus de 25% du chiffre d'affaires, un ratio record.

Les entreprises, la nouvelle cible de Huawei

Pour « continuer à aller de l'avant au milieu de la tempête »dixit Eric Xu, ce fleuron de la tech chinoise s'est renforcé dans d'autres segments stratégiques, comme le cloud ou la voiture autonome. Huawei mise désormais gros sur la « transformation numérique » des entreprises. Son objectif est de proposer les solutions de connectivité, les terminaux et les logiciels les plus adaptés aux professionnels de l'énergie, des transports, de la finance ou encore de la santé pour améliorer leur compétitivité.

Huawei parviendra-t-il, alors, à se relancer cette année ? A ce sujet, Meng Wanzhou s'est montrée prudente. Si elle a affiché sa « confiance » dans l'avenir de Huawei ce vendredi, la dirigeante a rappelé que « les restrictions américaines sont la nouvelle normalité » du groupe. Meng Wanzhou n'ignore pas que les Etats-Unis envisagent de renforcer les sanctions à l'égard de Huawei, en les étendant aux technologies 4G, cloud et Wi-Fi... Difficile, dans ces conditions, de tirer des plans sur la comète.