Comment Huawei réorganise ses activités face aux sanctions américaines

Le géant chinois des télécoms et des smartphones souffre depuis 2019 et son interdiction de s’approvisionner en technologies américaines. Pour se relancer, ce fleuron technologique de l’empire du Milieu s’est réorganisé. Il mise désormais gros sur la transformation numérique des entreprises.
Pierre Manière
Ken Hu, le PDG tournant de Huawei.
Ken Hu, le PDG tournant de Huawei. (Crédits : Reuters)

L'exercice 2021 a été cauchemardesque pour Huawei. Le géant chinois des équipements télécoms et des smartphones a vu son chiffre d'affaires chuter de près de 30%, à 634 milliards de yuans (87 milliards d'euros). Cette dégringolade est la conséquence de violentes sanctions américaines à son égard. Depuis 2019, Huawei ne peut plus s'approvisionner en technologies « made in USA ». Ce qui a provoqué, en particulier, une gigantesque baisse de ses ventes de smartphones. Or ces sanctions, décidées sous Donald Trump, semblent gravées dans le marbre... Depuis son arrivée à la Maison Blanche, Joe Biden a décidé de garder une ligne dure vis-à-vis de Huawei et de la Chine.

Autrement dit, Huawei n'a pas le choix : il doit impérativement se réinventer, et investir dans des activités où il peut se passer de composants et technologies du pays de l'Oncle Sam. La tâche n'est pas aisée. Mais le groupe, qui compte environ 190.000 collaborateurs dans le monde, veut capitaliser sur ses énormes ressources en R&D, qui représentent près de la moitié de ses effectifs, pour se relancer. Lors d'une conférence à Shenzhen ce mardi, Ken Hu, le PDG tournant de Huawei, a détaillé sa stratégie.

Perte de leadership dans certaines technologies

Son objectif ? Faire de Huawei un acteur de référence pour aider les entreprises de tous les secteurs d'activité à réussir leur « transformation numérique » pour doper leur ventes, réduire les coûts, tout en diminuant leur empreinte carbone. Connectivité, terminaux, cloud... Huawei souhaite, ici, proposer toute la palette des outils nécessaires aux industriels. Tout l'enjeu, pour le groupe de Shenzhen, est de rester en pointe dans tous ces domaines, mais sans technologies américaines. Ken Hu ne le cache pas : sans elles, le groupe n'a pas réussi « à maintenir son leadership dans certaines technologies ». Pour continuer à innover, Huawei mobilise ses chercheurs dans des domaines jugés prometteurs où ils peuvent travailler sans entrave, en particulier dans les logiciels et l'architecture des systèmes informatiques.

Huawei assure que ses travaux portent leurs fruits. Sur le front de la connectivité, le groupe ambitionne « de décupler la bande passante, la couverture et l'expérience du réseau », lance Ken Hu. Pour ce faire, le dirigeant souhaite apporter, « partout », des « connexions à 10 Gb/s » grâce à sa 5,5G, - une amélioration de la 5G -, et sa déclinaison pour des usages fixes. Ces technologies offriront des expériences « plus immersives », argue Ken Hu, et seront davantage adaptées aux « scénarios de contrôle industriel ».

« Transformer les data centers en superordinateurs »

Toutes les données récoltées par les réseaux mobiles ont vocation à être acheminées vers des infrastructures cloud, pour être traitées par différents algorithmes et logiciels d'intelligence artificielle. C'est pourquoi Huawei investit massivement dans ce domaine. L'objectif est, aux dires de Ken Hu, de « transformer les centres de données en superordinateurs individuels afin d'augmenter de façon exponentielle les performances et la consommation d'énergie ».

En matière de terminaux et de smartphones, Huawei est contraint de revoir toute sa stratégie. « En raison d'un manque de puces [lié aux sanctions américaines, NDLR], cette activité a fortement diminué au cours des deux dernières années », constate Hen Hu. Son idée : développer davantage d'« expériences utilisateurs » sur « tous les aspects de la vie quotidienne », plutôt que de continuer, comme Huawei l'a fait par le passé, à multiplier les sorties de smartphones de plus en plus puissants. Ces perspectives semblent, à vrai dire, un peu floues. Huawei illustre son propos avec le lancement, en fin d'année dernière, d'une montre connectée capable de surveiller plusieurs paramètres de santé pour mieux gérer et prendre en charge certaines maladies.

Une nouvelle organisation

In fine, Huawei a revu son organisation pour mieux vendre ses solutions aux industriels. Chaque secteur a désormais ses équipes dédiées, pour mieux s'adapter aux besoins des clients. Il s'agit-là d'un impératif, souligne Ken Hu, car toutes les entreprises n'ont pas le même niveau de maturité en termes d'appropriation du numérique. « Les secteurs des nouvelles technologies de l'information et de la communication comme de la finance ont été les premiers à se lancer dans l'aventure, et leur transformation est donc profonde, jusqu'à leurs systèmes de production de base », précise le dirigeant. A contrario, poursuit-il, tout reste à faire dans « l'immobilier, la construction et l'agriculture ». Cette nouvelle stratégie permettra-t-elle à Huawei de remonter la pente ? Réponse dans les prochains mois.

Pierre Manière

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Commentaires 2
à écrit le 29/04/2022 à 21:46
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Ne manquez pas de lire "Oxymore" de Jean Tuan chez C.L.C. Éditions. L'auteur observateur attentif de la Chine, le pays de son père, nous dévoile les desseins secrets de la Chine avec l'installation de la 5G en France. Vous découvrirez un très "croust...

à écrit le 29/04/2022 à 21:27
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Ne pas dépendre des USA ,ne rien payer en dollars ,la leçon à retenir !

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