Réforme du plan local d’urbanisme : un flop à prévoir ?

Par Mathias Thépot  |   |  522  mots
Elus à 95% par des conseillers municipaux, les sénateurs ne veulent pas d'un transfert des compétences d'urbanisme au niveau intercommunal.
Initialement ambitieuse, la réforme sur le transfert des compétences d’urbanisme portée par la ministre Cécile Duflot risque d’être adoptée vidée de son sens par le Sénat, sans que l’Assemblée ne s’y oppose en dernier recours.

Depuis plusieurs semaines, les deux chambres du Parlement se renvoient la balle sur le transfert des compétences d'urbanisme intégré dans le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). Lors de sa première lecture au Sénat, la ministre du Logement Cécile Duflot avait en premier lieu cédé sur cette mesure clef de sa loi. Certes, il était toujours question que le plan local d'urbanisme (PLU) soit à l'avenir élaboré au niveau intercommunal dans les communes de moins de 400.000 habitants, et non plus au niveau communal, mais cette option y a été conditionnée à l'aval des maires. Un amendement qui instaure une minorité de blocage a ainsi été adopté : le transfert de compétence aura lieu, sauf si un quart des communes représentant 10 % de la population s'y oppose. Un autre amendement prévoyait en outre que le transfert de compétence interviendra trois ans après la publication de la loi.

L'Assemblée retoque le Sénat... 

Mais avant le début de la deuxième lecture, la commission des affaires économique de l'Assemblée nationale a adopté contre l'avis du gouvernement un amendement relevant ce seuil à "deux tiers des communes représentant au moins 50% de la population ou 50% des communes représentant au moins les deux tiers" de la population. Ce qui concrètement change tout.
Mais une fois adopté en seconde lecture par l'Assemblée, il est à prévoir que le volet sur le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) sera à nouveau modifié lors de son passage au Sénat. Car les sénateurs, qui sont élus pour 6 ans par 150.000 grands électeurs, parmi lesquels 142.000 délégués des conseils municipaux, sont de fait davantage à l'écoute de la fronde des maires ruraux... qui ne veulent vraiment pas d'un transfert des compétences d'urbanisme.

... mais le fera-t-elle jusqu'au bout?

La situation se règlera alors en commission mixte paritaire (CMP). Or les députés, qui ont publiquement vu la ministre défendre la position du Sénat (alors même qu'en coulisse son entourage dit volontiers préférer la position de l'Assemblée nationale), ne devraient pas prendre le risque de provoquer une troisième lecture du projet de loi qui bouleverserait l'agenda politique du gouvernement déjà bien fourni.

La portée décisive du PLUI

La portée du transfert des compétences d'urbanisme est pourtant décisive. Une telle mesure peut permettre de pérenniser un état vertueux sur le marché du logement, qui a besoin de politiques d'urbanisme plus efficaces, notamment dans les zones où les besoins en logements se font le plus sentir.
Car les comportements malthusiens de certains maires qui craignent de construire trop sont légion. De peur de se faire sanctionner aux prochaines élections par leurs administrés, ils rechignent parfois à alimenter l'offre de logements. Il arrive même que certains maires préfèrent attirer les entreprises qui paient plus d'impôts locaux, que les ménages qui demandent davantage de dépenses d'infrastructures. Bref, élaborer le PLU au niveau intercommunal permet de mieux lier bassin d'emplois et logements.