Patrick Artus prône une réduction des dépenses publiques et une augmentation des impôts

Comment réduire le déficit sans peser sur la demande intérieure ni sur le potentiel de croissance de l'économie française ? En prélevant des recettes supplémentaires qui ne soient ni de la TVA, ni des charges sur le travail, ni même de l'IS. Mais en alignant la fiscalité du capital sur celle du travail.

La France doit réduire son déficit public de 100 milliards d'euros, pour le ramener de 8% du produit intérieur brut en 2010 à 3% en 2013. Et cette réduction risque de devoir être plus importante encore, sachant que la croissance ne contribuera pas à la diminution du déficit public : pour cela, il faudrait une croissance supérieure à 2%. Des mesures volontaristes de réduction des dépenses publiques et d'augmentation des impôts seront nécessaires.

Seulement, dans son plan de réduction du déficit, le gouvernement devra prendre garde à éviter deux écueils. Primo, affaiblir un peu plus la demande, alors que celle-ci est déjà très faible en France ; secundo, réduire notre potentiel de croissance, qui avoisine les 1,25% l'an.

Dès lors, quel serait le plan le plus raisonnable de réduction des déficits publics en France?

Pour l'instant, le gouvernement a annoncé un gel des dépenses de l'État (hors retraites des agents publics et intérêts sur la dette publique) en valeur sur trois ans (réduction de 10% en trois ans des dépenses de fonctionnement, d'intervention, des niches fiscales, gel des transferts de l'État aux collectivités locales), ainsi qu'un objectif de croissance des dépenses de santé passant de 3% en 2010 à 2,8% en 2012. Tout ceci implique une croissance en volume des dépenses de 1% par an pour l'ensemble des administrations publiques, de 1% aussi pour les collectivités locales. Dans la période récente, les dépenses (en volume) des administrations publiques (État, Sécurité sociale) augmentaient de 2% par an environ, celles des collectivités locales de 4% à 5% par an ; il faut remonter à 1994-1998 (période pendant laquelle la France doit satisfaire les critères d'entrée dans l'euro) pour retrouver une croissance aussi lente des dépenses publiques.

À supposer que ce freinage des dépenses publiques puisse être réalisé, il ne réduirait que très peu le déficit public : pas plus de 1 point de PIB en trois ans environ. L'essentiel de la réduction du déficit public, qui rappelons-le doit atteindre 4% du PIB entre 2010 et 2013, devra donc se faire par la hausse des recettes. Mais quels prélèvements faudra-t-il augmenter pour ne pas casser la demande, ni réduire la croissance potentielle de long terme ? Certainement pas la TVA, car cela aurait un impact très négatif sur la consommation, comme on l'a vu au Japon en 1997 et en Allemagne en 2007 ; ni les charges sociales des salariés ou des entreprises, car cela aurait un effet négatif sur l'emploi et la croissance potentielle, la France étant un des pays, avec la Belgique, le Danemark, la Suède, où le coût du travail charges comprises est le plus élevé ; ni même par une hausse de l'impôt sur les sociétés, dans une situation où les profits de l'ensemble des entreprises ne représentent que 75% des investissements.

Reste une option : intégrer les revenus du capital, à savoir les loyers, intérêts, dividendes, et plus-values en capital, dans le calcul de l'impôt sur le revenu, en leur imposant le même barème que les salaires. Cette mesure présente de nombreux avantages : le PIB se partageant entre revenus du travail et revenus du capital, pourquoi seraient-ils taxés différemment ? Elle est donc rationnelle. Elle est aussi équitable, le taux de taxation implicite des revenus du capital ne dépassant pas 24%, contre 41% pour les revenus du travail. Elle est également redistributive, le patrimoine médian des 10% de Français ayant les revenus les plus élevés étant 26 fois plus élevé que celui des 10% de Français ayant les revenus les plus faibles. Elle a aussi l'avantage d'être peu coûteuse macroéconomiquement, puisque ces revenus sont peu consommés. Si la taxation plus forte réduit l'épargne, ce sera sans effet majeur, le taux d'épargne des Français étant trop élevé. Enfin, cette mesure aurait l'avantage de réduire efficacement le déficit public : en supposant qu'il n'y a pas de plus-values en capital, elle rapporte 45 milliards d'euros. Donc, en réalité, bien davantage, et jusqu'à 70 milliards si on l'élargissait à la taxation sur l'héritage.

Commentaires 2
à écrit le 01/02/2011 à 12:38
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L'article est très intéressant.

à écrit le 31/01/2011 à 6:59
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Très belle option! surtout quand on sait que ce sont les consommateurs qui paient le plus d'impôts avec la TVA, 60% des recettes de l'Etat provient de la TVA, 20% impôts sur le revenu et le reste divers.

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