DOSSIER Moody's met la France en examen

La « perspective stable » attribuée à la note AAA de la France par l'agence de notation Moody's pourrait être revue à la baisse. Cette annonce renforce la pression sur l'exécutif, à la veille du sommet européen décisif de dimanche, et va peser sur toute la campagne électorale. Elle a déjà fait monter les taux d'intérêt.
La Tribune Infographie / SSAULNIER

L'annonce par Moody's d'une possible « dégradation » de la note de la France, la « perspective stable » du Aaa étant désormais soumise à examen pendant une durée de trois mois, est évidemment une mauvaise nouvelle. Qu'elle intervienne à quelques jours d'un week-end crucial pour l'avenir de la zone euro, en renforce le caractère dramatique.

Les Européens apporteront, lors du sommet 23 octobre à Bruxelles, une réponse « décisive à la crise, affirme depuis la semaine dernière la présidence française du G20. Aux Allemands, qui ont inquiété en minimisant la portée de cette rencontre, François Fillon a répondu mardi que « si on ne réussit pas, l'Europe sera en très grand risque » face à la crise de la dette. Lors du petit déjeuner de la majorité, Nicolas Sarkozy s'est montré emphatique : « Le destin de l'Europe se joue dans les jours à venir », a déclaré le chef de l'État, faisant allusion au sommet de Bruxelles.

L'incertitude désormais avérée sur la note de la France renforce la pression sur l'exécutif, au risque d'affaiblir la position française lors des négociations de ce week-end. Celles-ci porteront sur des sujets aussi déterminants que la capacité d'intervention du Fonds européen de stabilité financière (FESF, voir ci-dessous), que Paris veut nettement renforcer, la recapitalisation des banques, les futurs traités déterminant la gouvernance de la zone euro et les modalités de l'aide à la Grèce.

Très balancé, le communiqué de Moody's souligne les forces de l'économie française, tout en relevant que la situation financière de l'État s'est détériorée sous l'effet de la crise. L'agence note que, de tous les pays bénéficiant de la meilleure note (AAA), la France est celui dont les finances sont les plus mal en point. Et qu'une dégradation supplémentaire est à craindre, avec l'impact négatif sur les finances publiques françaises d'une nouvelle contribution au FESF et de la recapitalisation à venir des banques françaises (autant de décisions qui pourraient être prises dans les prochains jours). Au cours des trois mois à venir, l'agence de notation va donc scruter de près les décisions du gouvernement permettant de contrecarrer ces risques, ainsi que l'évolution de la situation économique.

L'exécutif se dit tout aussi attentif et, par la voix de François Fillon, a fait savoir dès lundi soir que de « nouvelles mesures » d'austérité seraient prises si la France n'enregistrait pas une « croissance minimale de 1,5 % en 2012 ». Nous mettrons « tout en oeuvre pour ne pas être « dégradés », a surenchéri François Baroin. « Nous serons là pour conserver le triple A ».

Est-ce à dire que de nouvelles mesures seront annoncées prochainement ? C'est peu probable. Le budget 2012 a été conçu au mois d'août et ne sera certainement pas revu de fond en comble deux mois après (voir page 4). En attendant une possible révision (en début d'année ?), François Fillon a sommé les députés de la majorité de se montrer disciplinés, au cours de la discussion budgétaire : « Il ne peut pas y avoir de surprise, il ne peut pas y avoir de coup politique », leur a-t-il lancé.

« La tâche du gouvernement est difficile », estime l'économiste Éric Chaney, responsable des études économiques du groupe Axa. « S'il prend des mesures trop faibles, il sera jugé peu crédible par les marchés qui ont, en fait, largement alimenté la décision de Moody's. À l'inverse, s'il renforce trop nettement l'austérité, il sera aussi sanctionné : les marchés estimeront que l'économie va en pâtir et que les objectifs budgétaires, faute de croissance, ne pourront être atteints. »

En outre, décider de nouvelles mesures d'austérité pendant la campagne électorale ne va évidemment pas de soi (lire page 4). François Hollande a déjà pointé du doigt la responsablité de Nicolas Sarkozy dans la décision de Moody's, soulignant la faiblesse du plan Fillon. Même dans un contexte de campagne, il se fait fort de proposer des mesures fiscales - hausses d'impôts - allant bien au delà du plan annoncé de 11 milliards, tout en évitant de « casser » le peu qui reste de croissance. Ainsi, « remettre en cause la niche Copé (exonération des plus-values à long terme des sociétés) rapporterait plusieurs milliards sans peser sur l'activité », estime l'un de ses proches.

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