Ce sera l'un des objectifs majeurs du prochain ministre de la Santé : rééquilibrer enfin les comptes de l'ensemble des branches de la Sécurité sociale (maladie, vieillesse, famille, accidents du travail/maladies professionnelles) qui ont affiché un déficit de 18,6 milliards d'euros en 2011. Il devrait reculer à 6 milliards cette année selon les prévisions du projet de loi de finances de la sécurité sociale 2012.
Un chiffre à comparer aux 170 milliards de dépenses sociales qui seront engagées cette année. « Certes, ce déficit n'est pas finalement pas si élevé en valeur absolue. Mais il pose la question suivante : peut-on se satisfaire de la situation actuelle qui voit les dépenses de la Sécu et en particulier celles liés à la santé, progresser plus vite que la production de richesses de la Nation», s'interroge Denis Piveteau, conseiller d'Etat et président du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), invité dans le cadre des « Auditions Privées » organisées par le magazine Décision Santé,
Pour y parvenir, et à condition de ne pas remettre en cause le principe de solidarité nationale consistant à rembourser les soins de santé indifféremment du niveau de revenus des malades, les options ne sont pas si nombreuses.
Les maladies chroniques et mes poly-pathologies dans le viseur
« Pour maîtriser les dépenses de soins, il faut essentiellement contrôler celles liées aux maladies chroniques et aux poly-pathologies dont souffrent un nombre grandissant de patients, essentiellement les personnes âgées. Ce sont celles qui progressent le plus vite et qui coûtent le plus cher à la collectivité », explique le conseiller d'Etat, reprenant les pistes évoquées par le HCAAM dans un rapport dévoilé de 22 mars. Un coût qui devrait continuer à progresser au cours des prochaines années en raison du vieillissement de la population. Actuellement, 15 millions de personnes, soit 20% de la population française souffrent de maladies chroniques. La moitié d'entre elles bénéficient d'un remboursement à 100% de leurs soins dans le cadre du dispositif de l'affection longue durée (ALD), ce qui représente un coût de 84 milliards d'euros.
Le HCAAM suggère de totalement repenser le parcours de soins. Comment ? En se reposant sur le trio constitué de la médecine de proximité, de l'hôpital et des services sociaux. « La coordination soignante relève par nature de la médecine de proximité. Et c'est à l'hôpital de lui fournir, au bon moment, l'apport puissant de compétences cliniques et techniques dont le « parcours » d'un malade peut avoir besoin », explique le rapport de l'HCAAM.
Pour le HCAAM, l'optimisation du « parcours » de soins doit donc conduire à des séjours d'hospitalisation complète qui soient, aussi bien dans l'intérêt du malade que pour la mobilisation optimale des équipes hospitalières, les plus proches possibles du « juste soin ». Dans bien des cas, cette méthode devrait conduire à des séjours moins nombreux, moins longs ou moins répétés, et moins souvent provoqués par une situation d'urgence. Le secteur médicosocial et les professionnels libéraux prendraient ensuite le relais pour assurer les soins de ville, moins coûteux que les soins hospitaliers, les services de soins de suite et de réadaptation ou d'hospitalisation à domicile, pour obtenir des places en hébergement temporaire ou permanent en EHPAD notamment.
Le rôle des agences régionales de santé
Cette mission de coordination n'était-elle pas initialement dévolu aux Agences régionales de santé (ARS) ? Effectivement. Mais il faudrait qu'elles disposent de plus de libertés, de plus d'autonomie pour pouvoir utiliser au mieux localement les crédits alloués par le ministère au niveau national. Si certains membres des 66 membres du HCAAM rappellent leur opposition à la construction actuelle des ARS, celles-ci offrent, aux yeux de la très grande majorité des membres, une opportunité qui doit être saisie. « Les ARS doivent avoir les moyens de devenir les acteurs et les animateurs de cette coordination des soins, sur la base de « territoires de santé » qui intègrent les contraintes très concrètes d'habitude de vie et de déplacement, en lien étroit avec les collectivités territoriales chargées de l'aide Sociale », souhaitent la majorité d'entre eux.
Le chantier est ambitieux. Ne serait-il pas plus simple de recourir à la fiscalité pour financer la progression des dépenses sociales ? « Ce serait la solution la plus rapide. Mais elle serait injuste. On ne peut pas continuer à augmenter le taux des prélèvements obligatoires sans tenter de rationaliser l'offre de soins. Par ailleurs, l'Etat a d'autres priorités, notamment en matière de logement, de transport, d'éducation qui sont toutes aussi urgentes à régler », estime Denis Piveteau.