Quand le machisme ordinaire freine l'égalité professionnelle

Alors que pour la première fois dans notre histoire un gouvernement a atteint la parité, le sujet de l'égalité professionnelle est loin d'être résolu. Les entreprises ont jusqu'au 31 juillet prochain pour remettre leur feuille de route à ce sujet. Des mesures qui devraient aider à terme à tordre le cou au machisme ordinaire.
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«Je veux (...) que ce gouvernement soit paritaire, autant d'hommes que de femmes.» François Hollande l'avait promis tout au long de sa campagne, les femmes seront tout aussi présentes que les hommes dans son gouvernement. Dont acte. Mais ce n'est plus tant la parité qui est désormais en question que celle de l'égalité professionnelle au sujet de laquelle les réflexes machistes et les stéréotypes font encore force de loi. Témoin le documentaire diffusé hier soir sur France 3 « Madame la Ministre ». Michèle Dominici donne la parole à sept femmes politiques de droite et de gauche qui ont occupé un poste au gouvernement. Toutes sont unanimes : ce qui pèse sur les femmes dès lors qu'on leur confie une mission « c'est le soupçon d'incompétence ».

Racontant astuces et arrangements, elles illustrent à merveille le parcours de combattantes à l'instar de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui s'est vu proposer la commission des Affaires sociales à l'Assemblée nationale (une femme a forcément vocation à s'occuper des crèches), alors que ses compétences d'ingénieur la portaient à des fonctions plus techniques. Ou encore MAM, qui, plus jeune, s'agaçait qu'on lui demande de commenter, sur un plateau télé, le look d'Edith Cresson et avait répondu au journaliste « Vous voulez qu'on parle de votre cravate ? »... Certaines, comme Elisabeth Guigou, évoquent aussi l'autocensure inconsciente, la propension des femmes à douter, plus que les hommes, de leur légitimité. Comme quoi la parité a ses limites, et les combats qui restent à mener dans ce domaine sont désormais plus culturels que structurels.

Urgence dans les entreprises

Car mettre des quotas comme en politique ou à la tête des entreprises ne résout en rien la question de fond de l'égalité professionnelle homme-femme dans les conditions de travail.  Or l'urgence est là : avant le 31 juillet 2012, les entreprises de plus de 50 salariés devront se mettre en conformité avec le décret 2011-822 du 7 juillet 2011. Elles sont tenues, par voie d'accord collectif, ou à défaut par un plan d'action, de fixer les objectifs de progression en matière d'égalité professionnelle et les actions permettant de les atteindre. Certes, depuis cinquante cette question progresse, et il existe désormais dix lois pour la promouvoir. Mais seulement 13% des accords de branche et 9% des accords d'entreprise conclus en 2010 traitent de l'égalité professionnelle, note une étude du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE).

« Beaucoup s'en tiennent à des questions de principes. Il y a peu de dispositions prises sur les écarts de rémunération et les parcours de carrière, alors même que l'on note encore 19% d'écart moyen de rémunération entre homme et femmes travaillant à temps complet. Un pourcentage qui grimpe à 27% tous temps de travail confondu et à 23% chez les cadres », note Maryse Dumas, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité au CESE. Quant à l'accord interprofessionnel signé en 2004, sa renégociation qui devait avoir lieu en 2009 est resté lettre morte. Les causes ? « Elles sont beaucoup plus insidieuses et multiples que l'on imagine. Et on se demande si finalement ce qui se passe à l'extérieur des entreprises, c'est-à-dire l'environnement sociétal et culturel n'influe pas considérablement plus que les éléments seulement liés au travail », poursuit-elle.

Les discriminations majoritaires dans le parcours de carrière

Ainsi des stéréotypes habituels sur Madame « Fée du Logis » et « Monsieur Gagne-pain ». « Dans la gestion des tâches fondamentales, les femmes continuent d'être renvoyées à leur statut de mère, ce qui constitue un puissant facteur d'inégalité dans leur carrière », constate-t-on au CESE. Ce qui fait dire à Soumia Malinbaum, présidente de l'Association Française des Managers de la Diversité et directrice du développement de la société Keyrus que « l'égalité professionnelle homme-femme est une exigence ». Pendant cinq ans, porte-parole diversité au sein du Medef, elle a pu observer que les « deux tiers des discriminations se passent dans le déroulé de carrière. D'où l'importance de mobiliser les managers opérationnels dans les entreprises qui continuent de discriminer involontairement et insidieusement la carrière des femmes ».

L'égalité comme outil de performance économique

Si l'exemple du gouvernement actuel peut constituer un aiguillon en la matière, il reste à aider les entreprises à mieux voir les compétences et arrêter de se focaliser sur les différences. Leur faire valoir aussi, à l'instar de Cristina Lunghi, présidente et fondatrice de la jardinerie de l'égalité professionnelle, un ROI plus rentable dès lors que s'expriment les diversités dans l'entreprise. Elle a eu l'idée de concevoir un outil Internet qui permet d'aider les entreprises à se mettre en conformité avec le décret du 7 juillet 2011. Et vient de lancer sur le site www.jardinerie-egalité.fr un « kit égalité-professionnelle » pour guider les entreprises dans le travail de recueil et d'analyse des données. A partir de la saisie des données légales, indicateur par indicateur, l'entreprise est amenée à les contextualiser puis à les analyser, et à rechercher les pistes d'actions possibles et utiles à son développement économique.

« En matière d'égalité homme-femme, beaucoup d'entreprises méconnaissent encore le cadre légal et perçoivent la règlementation plus comme une contrainte que comme une opportunité. Or le véritable enjeu de l'Egalité professionnelle c'est un outil de performance économique qui, j'ose le dire, va nous rendre tous plus intelligents. Ce n'est qu'en connaissant les axes de progrès que l'on peut négocier concrètement. Sinon le sujet reste comme souvent trop théorique », conclut Cristina Lunghi. Aux femmes également de continuer à se mobiliser car, comme le confie NKM à Michèle Dominici, « il n'y a pas de modèle, pas de chemin tracé pour une femme. Il faut l'inventer". Elle avoue ne jamais s'être interdite de faire quelque chose sous prétexte que c'était un milieu d'hommes.
 

Commentaires 2
à écrit le 20/06/2012 à 14:53
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Les femmes ne seront plus victime "de soupçon d'incompétence" le jour où on imposera plus la parité. qd une personne est imposé on le voit tous d'un mauvais oeuil. On veut de l'égalité mais on cré une inégale. Embaucher une personne doit ce faire sur...

le 20/06/2012 à 18:32
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La réponse phallocratique a mijoté pendant plus de 5h, bon score Mme Peters. Mais quel déferlement sexiste avec tous les clichés de la victimisation inversée face la situation occultée des violences et discriminations faites aux femmes. L Egalité h...

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