Patrick Lenancker : "Les Scop ont un niveau de fonds propres cinq fois plus élevé que les entreprises classiques".

Patrick Lenancker a été réélu pour quatre ans à la tête de la fédération des Scop dont le 35ème congrès national s'est tenu ces 15 et 16 novembre à Marseille. Un congrès organisé dans un contexte porteur : avec la nomination d'un ministère à part entière en charge de l'Economie sociale et solidaire (ESS) et la médiatisation de quelques entreprises en difficulté, les sociétés coopératives et participatives (Scop) sont revenues sur le devant de la scène, incarnant un modèle de développement vertueux. Entretien.
Patrick Lenancker, réélu pour un nouveau mandat de quatre ans à la tête des Scop, a fortement contribué à la réflexion sur la loi préparée par le ministre de l'Economie sociale et solidaire qui sera présentée au Parlement au premier semestre 2013. ©Jean-Robert Dantou/CG SCOP/Picturetank

Vous venez de soumettre aux adhérents du mouvement un texte d'orientation qui établit la stratégie des Scop pour les quatre ans à venir. Quelles en sont les principales dispositions ?
Tout d'abord, je tiens à rappeler que ce congrès, qui a lieu tous les quatre ans, consacre une belle participation en réunissant 400 Scop et quelque 1 200 délégués régionaux. Si la nouvelle orientation a été approuvée à 95% (1 180 suffrages exprimés), c'est parce qu'elle repose sur une démocratie participative engagée depuis plusieurs mois au cours desquels nous avons discuté et amendé nos propositions. Au cours des quatre années à venir, il nous faudra lever les blocages pour faciliter l'accès aux crédits, garantir le capital apporté par les salariés-risqueurs, faciliter les conditions d'attribution de l'aide à la reprise d'entreprise (ARCE) pour que les salariés menacés de licenciement bénéficient de cette aide sans devoir attendre la liquidation de l'entreprise, créer un fonds d'investissement spécialisé dans la reprise d'entreprises, faire adopter un nouveau statut de coopératives et un droit de préférence accordé aux salariés en cas de cession d'une entreprise.
Quel est votre bilan sur la période 2008-2012 ?
Nous avons gagné en notoriété, grâce à une communication passée d'un mode institutionnel à celui d'une marque, en investissant dans du conseil, des campagnes d'images afin de décomplexer notre forme d'organisation. Pour changer de braquet, nous avons formé nos élus pour qu'ils portent l'argumentaire des coopératives auprès des décideurs politiques et économiques et pratiqué un lobbying offensif. Ce n'est pas un hasard si Benoît Hamon, le ministre de l'Economie sociale et solidaire, a choisi la tribune de notre congrès pour faire des annonces en faveur de l'ESS. Nous sommes force de propositions, y compris dans le cadre la future loi sur l'économie sociale et solidaire.
Votre modèle économique rend difficile l'accès à certains mécanismes de financement, du type Oseo et FSI. Qu'attendez-vous de la future Banque publique d'investissement (BPI) ?
Nous attendons très concrètement que l'État, qu'il soit de droite ou de gauche, arrête de se tirer une balle dans le pied. C'est aberrant : nous avons des difficultés d'accès aux financements tout simplement parce que notre mode d'organisation économique ne permet pas la spéculation. L'intervention dans les Scop ne doit pas être une exception, mais une priorité. Je rappelle que nos entreprises réaffectent 45% de leurs bénéfices en fonds propres et redistribuent 45% aux salariés. Nos entreprises présentent donc un niveau de fonds propres cinq fois plus élevé que les entreprises classiques à taille et secteur d'activité similaires.
Sur les 30 milliards de capacité d'investissement de la BPI, 500 millions seraient dédiés à l'économie sociale. C'est un chiffre qui vous satisfait ?
L'économie sociale et solidaire représente 10% du PIB. Le compte n'est donc pas bon. D'autant que ses adhérentes sont exemplaires et résilientes. Les Scop ont créé beaucoup d'emplois nets en quatre ans dans un contexte économique difficile. Détenteurs de près de 90% du capital social, les salariés ont vu leur rémunération se maintenir ces quatre dernières années, et ce malgré des excédents nets de gestion en léger repli (40,7% en 2011 contre 43,6 % en 2007, ndlr), grâce à un rééquilibrage du partage des richesses : la participation des salariés est passée de 44,2 à 45,5% et la part des dividendes attribués aux associés de 12,2 à 13,8%. Le nombre de Scop industrielles (18% du total, ndlr) s'est maintenu. Le chiffre d'affaires des Scop de services (42% de l'ensemble et premier employeur avec un tiers des salariés, ndlr) est en progression de 17%.
Comment améliorer les transmissions d'entreprises aux salariés ou la reprise d'entreprises en difficulté par leurs salariés?
Les tours de table exigent une mobilisation de fonds qui se comptent désormais en centaines de milliers d'euros, voire de million d'euros. Difficile pour les salariés de réunir de telles sommes. C'est pourquoi, nous proposons qu'un nouveau statut - une sorte de coopérative de transition - soit créé pour permettre à des salariés, qui seraient minoritaires au départ, de consacrer la totalité des bénéficies réalisés pendant les 5 à 10 premières années au rachat de l'entreprise jusqu'à ce qu'ils deviennent propriétaires.
Le droit de préemption des salariés en cas de cession de leur entreprise aurait été utile pour SET, le fabricant de machines outils pour l'électronique repris par le groupe américano-singapourien K&S au détriment du projet de Scop défendu par les salariés ?
Je ne veux pas entrer dans quelques batailles emblématiques et complètement stériles qui consisteraient à préempter pour ensuite se demander qu'en faire. Nous parlons bien d'entreprises saines qui disparaissent faute de repreneurs. Nous proposons qu'un droit préférentiel pour les salariés s'applique pour que, s'ils font une offre tout à fait conforme, ils deviennent prioritaires. Si ce droit avait existé, j'aurais le plaisir de compter une Scop de plus avec SET.
Avec les cas de l'ex Seafrance et de Fralib, les coopératives ont été appréhendées sous l'angle d'une économie de la réparation...
Les Scop font partie de l'économie réelle et fonctionnent bien. Comme Acome, Taxicop, Websourd, Chèque déjeuner, Sopelec, Alternatives économiques, Fagor, etc., pour ne citer qu'elles. Il faut oublier cette idée selon laquelle il y aurait une belle économie qui se développe, du reste en détruisant des emplois mais que l'on soutient, et une autre économie qui ne sert pas à grand chose si ce n'est en temps de crise, ici et là, et/ou de façon exceptionnelle.
 

Commentaires 21
à écrit le 01/02/2013 à 13:57
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Une "nouvelle forme de capitalisme à visage humain" pourrait être d'associer l'actionnariat des salariés à l'épargne individuelle de proximité, comme l'encourage l'association SOS Dépôt de Bilan (www.sosdepotdebilan.com) Au lieu d'investir leur éparg...

à écrit le 18/11/2012 à 21:06
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Les scop bénéficient de régimes fiscaux de faveur: exonération de la CFE(ancienne taxe professionnelle) et taxation à l'impôt sur les sociétés sur une part minoritaire du bénéfice Si toutes les entreprises bénéficiaient du même régime fiscal, le coût...

le 19/11/2012 à 9:22
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déjà répondu plus bas. Quel est le coût pour l'état et la collectivité d'une délocalisation ? (même en France) Quand les entreprises classiques donneront des gages sur cela, elles pourront prétendre à moins de CFE/TP. Idem pour l'IS, quand les entr...

à écrit le 18/11/2012 à 13:25
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ce qui prouve bien que les dirigeants type medef ,ne sont que des nuisibles des qu on les a virés ,ça va tout de suite mieux il faut les ecorcher avant de les balançer aux requins

à écrit le 18/11/2012 à 10:57
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A priori, l'accumulation des fonds propres n'est pas spécifiquement un indicateur de bonne gestion. C'est souvent le résultat d'une inertie financière plus que d'une forte dynamique économique, parce-que la dynamique passe par l'investissement. Si l...

le 18/11/2012 à 12:05
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@olibirius Documentez vous, et allez faire un tour du coté des vrais SCOPS industrielles, genre ACOME, cela vous évitera d'écrire des âneries!.

le 18/11/2012 à 13:53
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@falilistère godin L'agressivité n'a jamais été un argument et la vôtre me dispense de toute nécessité de réponse

le 18/11/2012 à 19:04
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Etrange d'opposer "fonds propres" et "investissement" car ils vont en général de pair, l'un au crédit l'autre au débit. De nombreuses entreprises fonctionnent sans hiérarchie dans le monde, y compris les US, ce qui économise 1/3 de la masse des rémun...

le 18/11/2012 à 19:47
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le niveau des fonds propres dans une scop s'explique par le mécanisme qui oblige la scop à réinjecter à minima 25% des dividendes (en fait ça s'appelle excédents nets de gestion dans une scop puisque les dividendes pour les actionnaires sont limitées...

à écrit le 18/11/2012 à 10:09
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Chèque déjeuner, .un complément de rémunération exonéré de charges sociales et fiscales : C'est n'est pas une entreprise, c'est le résultat d'un choix de redistribution contre défiscalisations pour les entreprises qui offrent cette solutions à ,leur ...

le 18/11/2012 à 17:08
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swift

le 18/11/2012 à 19:51
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mondragon: 90000 salariés... avec votre raisonnement AXA, ou d'autres assurances et mutuelles santé ne sont pas des entreprises...

à écrit le 18/11/2012 à 9:57
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c'est assez facile si vous ne payer pas d'impot sur les résultats et si vous etes exo de taxe professionnelle ou des versions nouvelles.................... encore un titre qui n'est que de la com bien sur sur une réalité de detaxation....

le 18/11/2012 à 19:56
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les scop payent de l'impot sur les résultats sur la partie dividende des excedents nets de gestion (pas sur la partie sur la partie participation des employés et sur les réserves pour l'entreprise). Les scop ne payent pas de TP mais l'avantage des sc...

le 18/11/2012 à 20:58
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Les scop bénéficient de régimes fiscaux de faveur: exonération de la CFE(ancienne taxe professionnelle) et taxation à l'impôt sur les sociétés sur une part minoritaire du bénéfice Si toutes les entreprises bénéficiaient du même régime fiscal, le coût...

à écrit le 17/11/2012 à 17:46
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Certains ont Apple ou Google, d'autres Samsung ou Kia, nous, les nains, on a les Scop...........

le 17/11/2012 à 21:55
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Allez donc travailler chez Samsung ou Kia, vous apprécierez la différence.

à écrit le 17/11/2012 à 17:01
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N'y a-t-il pas quelque chose d'étrange dans le fait que les salariés rachètent "plein tarif" une société dont ils ont largement contribué à faire sa valeur ? N'est-ce pas là une peu une double peine ? D'autant que souvent, les actionnaires initiaux s...

le 17/11/2012 à 17:53
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les salariés ne sont pas des esclaves, ils ont été rémunérés pour leur travail. De plus la plupart d'entre eux n'ont pas travaillé dans l'entreprise depuis ses débuts, donc ils achètent un bien à son prix. Le vendeur , souvent le créateur ou sa famil...

le 18/11/2012 à 2:49
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Ne pas avancer les fonds nécessaires à l'achat d'une entreprise et faire en sorte qu'elle paie elle même son rachat, au détriment de sa capacité d'autofinancement, cela existe et cela s'appelle un LBO.

le 18/11/2012 à 23:52
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"Le vendeur , souvent le créateur ou sa famille, a investi la mise de fond initiale et pas mal de travail, il est donc rémunéré pour le risque." Dans le cas général, le niveau de salaire des dirigeants et très supérieur a celui des employés ; les dir...

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