La simplification administrative, un Everest à gravir pour François Hollande !

Par Fabien Piliu  |   |  1654  mots
François Hollande veut s'attaquer aux normes, aux délais trop longs et à la paperasserie
Lors d’un déplacement à Toulouse, François Hollande a fait plusieurs annonces d’importance pour simplifier le quotidien administratif des entreprises. Mais nombre de chantiers restent à ouvrir et à mener.

François Hollande a étudié ses classiques, semble-t-il. Très probablement convaincu que " lorsque le bâtiment va, tout va ", le président de la République a profité d'un déplacement à Toulouse pour accélérer le choc de la simplification dans la construction et le logement. " Simplifier, c'est pour le logement, construire plus et plus vite, c'est répondre à un impératif à la fois économique et social ", a déclaré François Hollande lors de la signature du protocole de cession des terrains du CEAT entre l'Etat et la Communauté urbaine de Toulouse métropole.

Plusieurs mesures ont été annoncées par le chef de l'Etat dans la foulée du choc de simplification lancé le 28 mars. Certaines concernent donc la construction de logements. Après la création d'une procédure unique avec une seule étude d'impact et une seule enquête publique qui traiteront de toutes les dimensions du projet, ce qui permettra de réduire les délais de moitié, François Hollande a formulé une série de mesures qui doivent permettre de réduire le temps de traitements de dossiers de permis de construire et d'abaisser de 10% le coût moyen d'un logement collectif.

Des annonces importantes

Mais le président de la République ne s'est pas seulement penché sur le logement. " La mission conduite par Thierry Mandon et Guillaume Poitrinal est le moment d'une accélération de la simplification en France. Je souhaite donc que de nouvelles mesures soient rapidement prises par le gouvernement comme la déclaration sociale nominative qui nous a été présentée : 100 000 entreprises en bénéficieront fin 2014 et 2 millions d'entreprises fin 2015 ", a déclaré le président de la République.

" Le rescrit, sera généralisée. Un rescrit, c'est simplement de la confiance. C'est l'assurance que l'administration s'engage sur une interprétation des textes et que cette réponse lui est opposable. Pour l'entreprise, c'est la garantie de ne pas être exposée à un revirement de
doctrine. C'est de la stabilité et de la visibilité, éléments nécessaires pour prendre une décision, investir, embaucher », a-t-il poursuivi. Cette mesure était fortement souhaitée et réclamée par les entreprises, tout particulièrement dans le domaine fiscal.

Un projet de loi d'habilitation sur les rescrits sera élaboré d'ici l'été afin de l'élargir à de nouveaux domaines : garantir au repreneur d'un commerce ou d'une industrie que l'autorisation ou l'agrément accordé au vendeur lui profitera aussi ; savoir que les règles juridiques qui existent au moment d'engager la construction d'une usine ne bougeront pas pendant 18 mois; assurer que la modification mineure en cours de chantier d'un projet déjà autorisé n'oblige pas à engager une nouvelle démarche.

Faciliter l'export et l'accès aux marchés publics

L'export n'est pas oublié. Dès 2015, 100% des procédures en douanes à l'export seront dématérialisées. Le chef de l'Etat a aussi décidé de faciliter l'accession aux marchés publics. Dès janvier, une expérimentation permettra aux entreprises de répondre à un marché public avec leur seul numéro Siret. La commande publique représente un marché de 200 milliards pour les entreprises chaque année.

Une bonne fois pour toutes

Fin 2014, le système sera étendu à toutes les entreprise, via le dispositif " Dites-le nous une fois ".  " En 2017, c'est l'ensemble des démarches administratives des entreprises qui sera concerné : un renseignement une seule fois, et non dix ou quinze fois comme c'est aujourd'hui le cas ", a expliqué François Hollande qui a également annoncé que l'ordonnance de réforme des procédures collectives sera examinée au conseil des ministres à la mi-février. Celle-ci aura notamment pour objet de faciliter le recours aux procédures amiables. En 2013, plus de 60 000 entreprises ont fait faillite.

Un conseil de la simplification est créé

Dernière annonce faite par le président de la République, le conseil de la simplification est mis en place aujourd'hui. " Je n'ai qu'une recommandation, qu'une demande : soyez libres, libres de nous dire ce que les entrepreneurs, partout en France, vous diront. J'attends vos premières recommandations pour mars, afin que le gouvernement s'en saisisse d'ici à juin prochain ", a-t-il précisé. Les membres de ce conseil pourront s'inspirer des préconisations formulées par le commissaire à la simplification, Rémi Bouchez, nommé à ce poste par François Fillon en 2010...

De l'utilité de ce choc !

En simplifiant la vie des entreprises, en réduisant leur charge administrative, le gouvernement ne se contentera pas de " libérer " les énergies en donnant plus de temps aux entrepreneurs pour rechercher de nouveaux clients ou pour élaborer une stratégie innovante ou d'exportation. Il permettra aussi aux entreprises de réduire leurs coûts de fonctionnement.

Depuis 1998, pour mettre en évidence ces coûts, l'OCDE publie un classement des pays en fonction de la simplicité de leur environnement règlementaire pour les entreprises (nombre, délais et coûts des procédures). Malgré une réduction significative des charges administratives - de l'ordre de deux tiers en dix ans -, la France figurait en 2008 seizième parmi les 31 pays de l'OCDE, notamment derrière un grand nombre de ses partenaires européens dont l'Allemagne, les Pays-Bas, le Portugal et le Danemark. L'OCDE estime que le coût de ces charges administratives représente en moyenne entre 3 et 4 % du PIB, soit entre 60 et 80 milliards en France.

Selon le Rapport économique et financier (REF) annexé au projet de loi de finances 2014, elles représentent " un surcroît de charges administratives par rapport à ce qui apparaît nécessaire aux objectifs visés tels que l'efficacité de la collecte des prélèvements, la stabilité économique et financière, la protection des consommateurs ", qui " pèse sur les coûts des entreprises ", parmi lesquels le coût de la mise en conformité, la paperasserie, les heures de travail consacrées.

Selon Bercy, alléger le fardeau administratif permettrait aux entreprises " de baisser leurs coûts, d'améliorer l'allocation de leur main d'œuvre et d'accroître leur productivité. En outre, les économies résultantes pour les finances publiques devraient permettre d'alléger les prélèvements obligatoires ". 

La bonne volonté de l'exécutif est évidente. Elle est d'autant plus évidente que la simplification est une réforme qui ne coûte pas grand-chose et dont les effets potentiels sur l'activité sont énormes. En avril, lors de la présentation du premier volet du choc de simplification, Matignon avait indiqué que "dorénavant, aucune proposition de texte règlementaire nouveau ne sera acceptée si elle ne s'accompagne pas d'une simplification équivalente". Une révolution.

Beaucoup de chantiers à ouvrir

Mais le nombre des dossiers à traiter est très élevé. La dématérialisation des documents n'est pas l'alpha et l'omega de la simplification.

Après la publication en mars du rapport d'Alain Lambert, le président du Conseil général de l'Orne et Jean-Claude Boulard, le maire PS du Mans, le gouvernement a fait de la chasse aux normes d'une de ses priorités dans ce domaine. Actuellement, ce sont plus de 400.000 normes qui régissent la vie économique et sociale française. Dans ce rapport, les deux élus locaux estiment à 2 milliards d'euros le coût pour les collectivités de la mise en conformité avec les nouvelles normes entre 2008 et 2011.

En 2013, le gouvernement s'est aussi engagé à optimiser la politique des achats publics. Cette "rationalisation" doit permettre des économies de 2 milliards d'euros d'ici 2015 et de 900 millions d'euros à l'hôpital public d'ici 2014.

La fiscalité des entreprises est également concernée.  Les chefs d'entreprises attendent impatiemment la décision de Bernard Cazeneuve, le ministre du Budget, concernant l'avenir des 153 petites taxes qui les frappent chaque année. L'Inspection générale des finances (IGF) vient de lui remettre sur ce dossier chaud.

Le regroupement, ou la suppression, d'une "quinzaine d'agences" de l'Etat est aussi en cours, dont l'agence nationale des services à la personne (ANSP) et l'Agence nationale pour la cohésion sociale. Un centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) sera bientôt lancé pour regrouper 11 structures existantes dans le domaine du développement durable et du logement.

Un oubli ?

Inscrit dans la constitution, remis souvent en cause, le principe de précaution n'est pour l'instant pas concerné par ce choc de simplification. Il ne le sera probablement jamais. Pourtant, selon le rapport Lambert-Boulard, il serait une des explications majeures à l'explosion du nombre de normes. "L'épidémie a été relancée par le principe de précaution qui fonde une société peureuse, frileuse, paralysée par l'obsession de prévenir tous les aléas", explique le rapport en introduction.

" Il nous a été demande si l'idée d'une Instruction Facilitatrice des Normes était possible en droit. La question est, par elle-même, révélatrice de l'état de glaciation de notre système juridique pollué lui aussi par le principe de précaution qui tend à faire préférer la sécurité dans l'application automatique d'une règle au risque de son interprétation ", précise le rapport.

Un principe de précaution souvent remis en cause

Ce n'est pas la première fois que le principe de précaution est remis en cause. Ce fut déjà le cas en 2008 par la Commission pour la libération de la croissance française dirigée par Jacques Attali. Si la commission ne plaidait pas pour sa suppression de l'article 5 de la constitution, elle recommandait de le repenser. 

Lors de la remise de son rapport " Innovation 2030 ", Anne Lauvergeon a fait une proposition sur ce point. Pour favoriser l'esprit d'innovation, les vingt membres de la commission ont proposé de créer un principe d'innovation qui équilibrerait le principe équilibrerait le principe de précaution. « Il pourrait favoriser la culture de l'expérimentation, de la prise de risque contrôlée et raisonnée », avait fait valoir Anne Lauvergeon.