En trente ans, la France a-t-elle beaucoup changé ?

Par Fabien Piliu  |   |  1733  mots
Paris, dans les années 80
Une étude de l’Insee détaille les principales évolutions de la France dans le domaine économique et social. Principaux enseignements, la population a gagné 10 millions d'habitants, le pouvoir d'achat ne progresse plus, le marché du travail s'est assoupli et le nombre d'étudiants a doublé !

Qui a dit que l'immobilisme prévalait en France ? Que notre pays était incapable de s'adapter aux mutations économiques et sociales ? Une étude de l'Insee fait le point sur les nombreuses transformations qui ont modifié le visage économique et social de la France au cours des trente dernières années.

Dans le domaine économique.

Après une croissance moyenne de 5,3 % par an entre 1949 et 1974, le rythme de progression du produit intérieur brut (PIB) en volume a nettement baissé. De 1974 à 2007, la croissance ne s'élève qu'à 2,2 % par an en moyenne. Entre 2007 et 2012, années marquées par une récession d'ampleur sans précédent, la croissance annuelle moyenne du PIB est même proche de zéro (+ 0,1 %).

  • L'économie française s'est internationalisée

 Entre 1968 et 1984, la part des échanges extérieurs dans le PIB augmente de 14% à 24%. En 2012, elle atteint 29%.

  •  La structure de l'économie s'est modifiée

Depuis soixante ans, la chute de la part de l'agriculture dans la valeur ajoutée totale entamée dès l'après-guerre est marquante: encore de 18 % en 1949, elle est inférieure à 10 % dès le début de années 1960 et oscille aujourd'hui entre 1,5 % et 2 % selon les années. Par ailleurs s'amorce dès le début des années 1960 une baisse progressive de la part de l'industrie dans la valeur ajoutée, baisse qui s'amplifie à partir du milieu des années 1980. Elle a pour corollaire une croissance continue de la part des services principalement marchands, qui passe de 35 % au début des années 1950 à un peu plus de 50 % aujourd'hui.

Cette hausse du poids des services marchands est imputable pour plus de 40 % à des services consommés presque exclusivement par les entreprises (activités spécialisées, scientifiques et techniques ; activités de services administratifs et de soutien), ce qui illustre un fort mouvement d'externalisation des services par les entreprises, notamment industrielles. La part de la construction dans la valeur ajoutée totale, après avoir culminé entre 7 % et 8 % à la fin des années 1960, s'est stabilisée autour de 5 %. Enfin, les services principalement non marchands, qui relèvent pour l'essentiel de la sphère publique, représentent depuis le milieu des années 1980 environ 20 % de la valeur ajoutée totale, soit bien davantage qu'au début des années 1950 (12 %).

Dynamique au cours des années 1960, période au cours de laquelle il a progressé de 4,4% par an en moyenne, le pouvoir d'achat des ménages calculé par unité de consommation a ensuite fortement pâtit du ralentissement des gains de productivité horaire. Sa croissance fléchit ensuite pour s'élever à 1,2% en moyenne par an entre 1980 et 2007. Elle est proche de 0% en moyenne les années suivantes marquées par la récession de 2009.

Le taux de marge des SNF a connu de fortes fluctuations au cours des 60 dernières années, baissant fortement lors des épisodes de récession. " Aucun mouvement tendanciel ne se dégage toutefois ", constate l'Insee. Après une chute brutale au cours des années 1970 qui l'amène temporairement sous la barre des 25 %, il dépasse durablement 30 % après le contrechoc pétrolier de 1986. La récession de 2008-2009 entraîne cependant une baisse marquée du taux de marge. Il s'élevait à 28,3 % en 2012 puis à 28,1% en 2013.

Excédentaires ou proches de l'équilibre jusqu'en 1974, le solde des comptes publics est systématiquement négatif à partir de 1975. Il en résulte une forte croissance de la dette publique qui se traduit par un accroissement du poids des charges d'intérêt : aussi les finances publiques restent-elles déficitaires même lorsque le solde primaire redevient positif à la faveur d'une conjoncture économique plus favorable.

Dans le domaine de l'emploi

  • La population active a augmenté

En 2012, la France compte 6,2 millions d'actifs de plus qu'en 1975 ayant entre 15 et 64 ans. La population des personnes de 15 à 64 ans a progressé de 32,2 à 40 millions et leur taux d'activité est passé de 69 % à 71 %.

Le travail à temps partiel s'est fortement développé, surtout pour les femmes. Parmi celles qui travaillent, 30 % sont à temps partiel en 2012 contre 16 % en 1975. Près d'une femme à temps partiel sur trois souhaiterait travailler plus. Les contrats de travail temporaire sont de plus en plus nombreux, tout particulièrement chez les jeunes. Ainsi, en 2012, 52 % des salariés de 15 à 24 ans sont en CDD, en intérim ou en apprentissage. Ils étaient 18 % en 1982.

Le taux d'activité des femmes de 15 à 64 ans est passé de 53 % en 1975 à 67 % en 2012, alors que celui des hommes chutait de 84% à 75%. Les femmes représentent en 2012 presque la moitié des actifs contre 39 % en 1975.

  • Le chômage des jeunes a explosé

Entre 1975 et 2012, le chômage a connu dix ans de hausse puis des fluctuations entre 7,4 % et 10,7 %. Si les taux de chômage masculin et féminin se rapprochent, les différences par âge sont de plus en plus marquées. Le taux de chômage des 15-24 ans est ainsi passé de 6,8 % en 1975 à 23,9 % en 2012. Depuis 1982, ce taux n'est jamais retombé en dessous de 15 %.

  •  Les inégalités perdurent.

Parmi les personnes de 25 à 49 ans, le taux d'emploi de celles ayant un niveau Bac+2 est le plus élevé et augmente tendanciellement depuis trente ans. À l'inverse, celui des personnes sans diplôme ou avec le certificat d'études est le plus faible et baisse régulièrement sur longue période. Les inégalités face au chômage sont aussi manifestes. Ainsi, le taux de chômage des cadres en 2012 est le même qu'au milieu des années 1980, tandis qu'il a légèrement augmenté pour les professions intermédiaires. Les ouvriers qualifiés et les employés ont des taux de chômage plus élevés et plus

Face à la montée du chômage, les pouvoirs publics ont créé différents contrats aidés. La massive et régulière montée en charge du recours à ces contrats durant les années 1990 a conduit à plus de 800.000 bénéficiaires à la fin de cette décennie. Depuis, les contrats aidés ont fortement reflué (moins de 300.000 en 2012), tout particulièrement dans le secteur marchand.

En raison d'effets d'aubaine, le nombre de bénéficiaires de contrats aidés ne correspond pas au nombre d'emplois effectivement créés. Les créations d'emploi liées aux contrats aidés sont surtout portées par le secteur non marchand. Elles ont atteint un maximum d'environ 500 000 emplois créés en 2000 et sont autour de 200.000 en 2012.

Dans le domaine sociétal

L'espérance de vie à la naissance a progressé de 8,3 ans pour les femmes (84,9 ans en 2012) et de 6,5 ans pour les hommes (78,5 ans en 2012). L'avancée en âge des générations du baby-boom et de la baisse de la mortalité sont à l'origine du vieillissement de la population.

  • Les structures familiales évoluent

En 1982, seuls 3% des enfants mineurs vivaient avec un couple non marié ; c'est un mineur sur cinq aujourd'hui. 8% des enfants mineurs vivaient dans une famille monoparentale en 1982, contre 18% aujourd'hui. Le nombre de mariages célébrés est passé d'environ 350.000 en 1980 à moins de 250.000 en 2012.

 

Dans le domaine éducatif

  • Plus de bacheliers mais les disparités sociales demeurent

Dans les années 1980, 30 % d'une génération était titulaire du baccalauréat. Cette proportion atteint 65 % en 2010. Le développement de l'accès au baccalauréat s'appuie sur une diversification de l'offre avec la création du baccalauréat technologique en 1968 et du baccalauréat professionnel en 1985. Aujourd'hui, moins d'un bachelier sur deux est titulaire d'un baccalauréat général. L'écart de taux d'accès au baccalauréat selon la catégorie socioprofessionnelle du père s'est réduit au fil des générations, avec une très nette augmentation des bacheliers parmi les jeunes d'origine sociale défavorisée, mais il demeure important. Parmi les jeunes nés au milieu des années 1980, 55 % des enfants d'ouvriers ou d'employés ont eu le baccalauréat, contre 84 % des enfants de cadres ou de professions intermédiaires. Ces proportions étaient respectivement de 22 % et 63 % pour les générations nées 20 ans avant.

  • Un nombre d'étudiants qui a doublé

Conséquence de cette forte croissance du nombre de bacheliers, le nombre de jeunes qui étudient dans le supérieur a doublé en trente ans : il est passé de 1,2 million en 1980 à 2,3 millions au début des années 2010. Cette évolution s'est aussi accompagnée d'une diversification de l'offre de formation dans le supérieur. La part des étudiants en université est passée de 68 % en 1980 à 55 % en 2011, au profit des sections de technicien supérieur puis des écoles d'ingénieurs, de commerce, du paramédical et social.

Dans le domaine agricole

  • Moins d'exploitations

Les trente dernières années s'inscrivent dans la lignée des trente précédentes : le nombre d'exploitations s'est réduit fortement, dans le prolongement du mouvement de concentration des exploitations à l'œuvre depuis l'après-guerre. Ceci se traduit par une baisse importante du nombre d'exploitations (de 1,2 million en 1979 à 490.000 en 2010), et par un agrandissement de leur taille. Les exploitations moyennes et grandes (superficie agricole supérieure à 50 hectares) représentent 40 % du parc en 2010, alors qu'elles n'en représentaient qu'un peu plus de 10% en 1979.

  • Moins d'agriculteurs

Le nombre d'unités de travail agricole (UTA), une unité correspondant à l'équivalent d'une personne travaillant à temps plein pendant toute l'année, a diminué de 56 % entre 1980 et 2010. Parallèlement, la part des non-salariés a reculé au profit de celle des salariés. En 1980, les non-salariés représentaient 83 % de la main-d'œuvre totale ; en 2010, ils ne sont plus que 65 %. Depuis les années 1980, le salariat permanent et saisonnier s'est développé et tend à se substituer à la main-d'œuvre familiale.

  • Une rationalisation de la production

La baisse relative des prix agricole a incité les producteurs à adopter des modes de production plus efficaces, ce qui a permis d'accroître le volume de production jusqu'aux années 2000. La politique européenne, en soutenant certaines productions plus que d'autres, a modelé le paysage agricole. Les grandes cultures, plus rentables que l'élevage, ont eu tendance à prendre la place des prairies naturelles. L'élevage bovin a été profondément restructuré par ces réformes.