Manuel Valls a-t-il transformé Bercy en poudrière ?

Par Fabien Piliu  |   |  849  mots
Qui sera le véritable chef à Bercy ?
Manuel Valls a décidé de confier les rênes du ministère des Comptes publics et des Finances à Michel Sapin. Arnaud Montebourg est nommé à la tête du ministère de l’Economie, du Redressement productif et du Numérique. Pierre Moscovici quitte le gouvernement.

Jean-Marc Ayrault en convenait : " Il y a sept ministres à Bercy, s'il y en avait moins, sans doute, ce serait plus efficace ", avait déclaré l'ancien Premier ministre début mars lors d'un entretien télévisé. Jusqu'à aujourd'hui, Bercy comptait Pierre Moscovici, le ministre de l'Economie et des Finances, Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, Bernard Cazeneuve, le ministre du Budget, Nicole Bricq, la ministre du Commerce extérieur, Fleur Pellerin, la ministre (délégué) des PME et de l'Economie numérique, Sylvia Pinel, la ministre  de l'Artisanat, du Commerce et du Tourisme ainsi que Benoît Hamon au ministère de l'Economie sociale et solidaire et de la Consommation, créé en mai 2012.

Michel Sapin quitte le ministère du Travail et rejoint Bercy

C'est donc sans surprise que Bercy se voit imposer une sévère cure d'amaigrissement. Michel Sapin, jusqu'ici ministre du Travail, prend les commandes du ministère des Comptes publics et des Finances. Pierre Moscovici dont le départ était attendu, devrait rejoindre la Commission européenne, à la demande de François Hollande.

De son côté, Arnaud Montebourg se voit confier les rênes d'un grand ministère de l'Economie, du Redressement productif et du Numérique. A son grand bonheur, il ne se contentera plus de parcourir la France pour tenter de sauver les entreprises en difficultés. En faisant ce choix, le chef du gouvernement espère rassurer l'aile gauche du PS. La cote de popularité d'Arnaud Montebourg, qui ne se gène pas pour multiplier les propos anti-démondialisation et anti-Bruxelles, est élevée parmi les Français, séduits par sa volonté de préserver l'emploi dans l'Hexagone, via le made in France. Il est également très apprécié des chefs d'entreprises.

" Trente ans que la France n'avait pas eu un vrai ministre de l'Industrie ! Trente ans qu'elle attendait un vrai défenseur de l'entreprise ! Et il aura fallu attendre un gouvernement de gauche pour voir enfin ce jour arriver. Arnaud Montebourg est sans aucun doute le meilleur défenseur des usines que la France ait connu sur les dernières mandatures. Et, de fait, il apparaît comme l'un des meilleurs ministres du gouvernement. Le seul qui fait front, qui se bat, qui "mouille le maillot" et tente de jouer les médiateurs sur un sujet loin d'être gagné d'avance : la réindustrialisation de la France ", expliquait l'éditorialiste de L'Usine nouvelle, magazine de chevet des industriels, dans le numéro daté du 18 mars. 

Une pierre deux coups ?

Avec ces deux nominations, Manuel Valls espère faire une pierre deux coups. En attendant la nomination de secrétaires d'Etat la semaine prochaine, le Premier ministre simplifie un organigramme jusqu'ici très chargé, on l'a vu. On attend d'ailleurs avec impatience la nomination des secrétaires d'Etat pour savoir quelles seront les compétences exactes du ministère d'Arnaud Montebourg. Le commerce extérieur sera-t-il toujours logé à Bercy ou passera-t-il sous la coupe du Quai d'Orsay, comme le réclame Laurent Fabius, le ministère des Affaires étrangères ? Qui prendra en charge les PME ? Ministre déléguée au Redressement productif, en charge des PME et du Numérique, Fleur Pellerin, qui entretenaient de bonnes relations avec Arnaud Montebourg, sera-t-elle reconduite dans ses fonctions ? Acceptera-t-elle de rempiler ? Les Pigeons et la Fédération des auto-entrepreneurs l'espèrent.   

En revanche, avec ce choix, Manuel Valls pourra-t-il apaiser le paquebot Bercy, marqué par les dissensions profondes entre Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg ?

" Vous avez le ministre de l'Economie et des Finances qui s'occupe de la croissance, de gérer nos relations avec l'Union européenne, qui s'occupe du financement de l'économie, puis vous avez un ministère de l'Industrie qui a été recréé, qui avait disparu depuis 20 ans. D'un côté, vous avez un ministère un peu colbertiste, et de l'autre un ministère d'esprit européen, et les deux fonctionnent ensemble, ce sont deux jambes pour avancer ", avait déclaré Arnaud Montebourg en juin 2013, insistant diplomatiquement sur le fait qu' " il n'y avait pas de problème de ligne " entre lui et Pierre Moscovici.

Une poudrière

Michel Sapin et Arnaud Montebourg, deux très fortes personnalités sauront-ils s'entendre ? Rien n'est moins sûr. Les deux hommes n'ont jamais vraiment caché leurs différences. C'est peu de le dire. Quand le premier est pro-européen, le second multiplie les attaques contre l'action de Bruxelles. Parmi les principaux faits d'armes du nouveau ministère de l'Economie, une lettre adressée le 14 janvier commissaire européen à Joaquín Almunia, le commissaire européen à la Concurrence. " La doctrine appliquée aujourd'hui par vos services œuvre à empêcher l'émergence d'acteurs industriels et technologiques européens ", déplorait le ministre..

Le gaz de schiste, un sujet explosif

Autre sujet de tension : le gaz de schiste. On le sait, Arnaud Montebourg est  favorable à une reprise des recherches scientifiques dans ce domaine. Or, Ségolène Royal , qui a été nommée ministre de l 'Ecologie et de la Transition énergétique, y est fermement opposée.