La diplomatie économique chère à Laurent Fabius tarde à produire ses effets

Par Fabien Piliu  |   |  982  mots
Depuis le mois d'avril, Laurent Fabius a la responsabilité de la diplomatie économique
En août, le déficit commercial a augmenté de 300 millions d'euros à 5,8 milliards d'euros, frôlant le record de l'année. Les effets de la diplomatie économique si chère à Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, se font toujours attendre. La machine allemande à exporter a donné des petits signes de faiblesse en août.

Tout ça pour ça ? En avril, profitant du remaniement et du passage de témoin entre Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls à Matignon, Arnaud Montebourg, devenu ministre de l'Économie et Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, s'étaient brutalement affrontés pour le contrôle du secrétariat au commerce extérieur.

Le second a gagné, déstabilisant au premier et créant un malaise au sein de la nouvelle équipe dirigée par le tout nouveau Premier ministre. Résultat, avec ce coup de force, la diplomatie économique est devenue une des très nombreuses priorités du quai d'Orsay, au même titre que la coopération éducative, la France à l'Onu et le climat.

Pourtant, en dépit des espoirs placés par Laurent Fabius dans ce rapprochement du secrétariat d'Etat au Commerce extérieur et du réseau des ambassades, le triste ordre des choses n'est pas bouleversé : la courbe du déficit commercial ne s'inverse toujours pas. En août, le déficit commercial s'est élevé à 5,8 milliards d'euros, contre 5,7 milliards d'euros en juillet, proche du sommet  annuel observé en janvier, mois au cours duquel la balance commerciale avait affiché un déficit de 5,9 milliards d'euros.

La balance commerciale est dans le rouge depuis 2003

Jusqu'ici vaillants, certains secteurs donnent désormais des signes de faiblesse. Les Douanes ont notamment constaté une "forte contraction pour l'un des rares soldes excédentaires, celui des produits chimiques, en raison d'une hausse des importations combinée à une baisse des exportations". Sans surprise, le déficit s'est creusé dans le secteur des machines industrielles. L'automobile, les produits métallurgiques et métalliques, les secteurs de la joaillerie, des jouets et des meubles sont également dans le rouge.

En données cumulées depuis le début de l'année, la France accuse désormais un déficit commercial de 40,3 milliards d'euros. A ce rythme, le déficit commercial devrait dépasser les 53 milliards d'euros visés par le gouvernement et se rapprocher des 60 milliards enregistrés l'année dernière. Pour mémoire, le dernier excédent mensuel de la France remonte à mai 2004. Il s'était élevé à 176 millions d'euros. Pour retrouver un excédent en année pleine, il faut remonter à 2002.

La baisse de l'euro et le reflux des cours du brut tombent à pic

Heureusement, Laurent Fabius et son équipe peuvent compter sur la conjonction de deux éléments conjoncturels favorables au redressement de balance commerciale : la dépréciation le l'euro face au dollar qui stimule la compétitivité-prix du made in France hors de la zone euro, ainsi que la baisse des cours d'un certain nombre de matières premières et notamment du pétrole.

Grâce à ce repli des cours du baril du brut, l'augmentation mécanique de la facture énergétique liée à la baisse de l'euro face au dollar, l'or noir étant libellé en dollars, sera plus limitée que prévu.

Qu'est ce que la diplomatie économique ?

Ce revers statistique que Laurent Fabius et ses secrétaires d'État au Commerce extérieur successifs - Fleur Pellerin, Thomas Thévenoud et Matthias Fekl - subissent mois après mois est-il injuste ? Pour l'instant, il faut bien avouer que les actions menées par la diplomatie économique ne sont pas spectaculaires. " Un volet économique a été développé dans chaque plan d'action des ambassadeurs, définissant une stratégie et des objectifs précis en fonction des réalités locales ", explique le Quai d'Orsay.

Les consulats sont également mis à contribution :

" Ils mettent d'ores et déjà leur connaissance du milieu politique et économique local au service des entreprises qui les sollicitent. Cette contribution à l'action économique de l'ambassade et de son service économique doit être poursuivie et renforcée "

Une équipe de représentants spéciaux

Le ministre a bien nommé son équipe de " représentants spéciaux pour la diplomatie économique " en décembre 2013 - avant de ravir officiellement le Commerce extérieur à Bercy - mais les effets d'entraînement de cette décision se font attendre. Ces personnalités ont pour mission de développer des relations économiques bilatérales avec des partenaires-clé avec lesquels ils entretiennent des relations privilégiées. C'est par exemple le cas de Martine Aubry, nommée représentante pour la Chine, de Jean-Pierre Chevènement pour la Russie, de Jean-Pierre Raffarin pour l'Algérie ou encore d'Alain Richard, le sénateur PS du Val d'Oise et ancien ministre de la Défense pour les Balkans. Soulignons l'organisation d'une rencontre quai d'Orsay-Entreprises en avril.

Quant à ses déplacements " à dimension économique ", comme on les qualifie au Quai d'Orsay, ils sont peu nombreux. Petite anecdote, la carte du monde interactive illustrant les déplacements passés et futurs de Laurent Fabius et de ses secrétaires d'Etat est actuellement bloquée. Aucun déplacement n'est prévu au cours des prochaines semaines ! Comme si la diplomatie économique n'existait plus. Ou n'avait jamais existé.

Enfin, quand le ministère des Affaires étrangères vante les mérites de l'équipe de France de l'export, il ne dit pas un mot sur la nécessaire simplification de l'aide publique dans ce domaine, simplification réclamée par la Cour des Comptes.

La comparaison avec l'Allemagne est un tout petit peu moins en notre défaveur

Selon une étude d'Euler Hermes publiée lundi, 37% des 120.000 exportatrices entreprises seulement ont déjà eu recours aux aides publiques. Autrement dit, deux tiers d'entre elles n'y ont pas recours en partie en raison de sa complexité. Les dispositifs seraient trop complexes pour 26% des entreprises et pas assez connus pour 22% d'entre elles.

Petite consolation pour Laurent Fabius, il n'aura pas cette fois-ci à subir les commentaires moqueurs de ceux qui mettent en avant le succès du made in Germany à l'export. En août, les exportations allemandes ont en effet affiché leur plus fort recul depuis janvier 2009.