Le Medef joue de la mauvaise conjoncture pour avancer ses pions

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  851  mots
Pierre Gattaz, président du Medef, profite de la mauvauise conjoncture économique pour faire avancer les idées patronales sur la réforme du marché du travail
Le Medef de Pierre Gattaz profite du désarroi du gouvernement pour pousser ses projets. Il réclame une réforme de l'assurance chômage et une nouvelle réforme des retraites. L'organisation patronale semble chercher une alliance objective avec une partie du gouvernement pour imposer des réformes structurelles.

Le Medef marche sur un nuage. Parfaitement consciente du désarroi gouvernemental face à la situation économique, l'organisation patronale en profite pour pousser ses pions. Mieux, le Medef pose aussi ses exigences face à un gouvernement désorienté, en demandant, à son tour, la réouverture des négociations sur l'assurance chômage, une "vraie" réduction des dépenses de l'Etat, la fin des « demi-mesures », etc. A cet égard, Pierre Gattaz espère que la future loi "activité", portée par Emmanuel Macron "soit  la bonne occasion" pour enfin engager les vraies réformes.

Sûre de son fait, l'organisation patronale n'hésite plus, phénomène nouveau, à réclamer l'abrogation de lois de la République votées par la majorité. Ainsi, après avoir combattu pendant des mois le compte pénibilité - prévu par la dernière réforme des retraites de 2013 - qui va permettre à certains salariés exposés à des situations de travail difficiles de partir plus tôt à la retraite. Le président du Medef, Pierre Gattaz, demande maintenant purement et simplement l'abrogation de ce futur dispositif au nom de la « cohérence, car il le juge "inapplicable" et "anxiogène" pour les entrepreneurs. De fait, le mécanisme est un peu compliqué, notamment pour les PME.


Le Medef demande l'abrogation du compte pénibilité et d'une partie de la loi Hamon...

Le compte pénibilité va commencer à se mettre en place dès 2015, après la parution vendredi 10 octobre de plusieurs décrets au « Journal Officiel ». Dès le 1er janvier prochain, les salariés exposés à quatre facteurs de pénibilité pourront obtenir des points qui leur permettront de se former, de travailler à temps partiel ou de partir plus tôt à la retraite. Ces facteurs sont le travail de nuit, le travail répétitif, en horaires alternants ou en milieu hyperbare (comme les travaux sous-marins). Les six autres facteurs (postures pénibles, manutentions manuelles de charges, agents chimiques, vibrations mécaniques, températures extrêmes, bruit) ne doivent entrer en vigueur que le 1er janvier 2016.

Pour le Medef, tout ceci est « trop compliqué » et va « surenchérir le coût du travail ». Il faut donc carrément abroger le dispositif. Et, dans la foulée, Pierre Gattaz réclame une "refonte" de la dernière loi retraite qui, pour lui, n'est pas une vraie réforme. En clair, le Medef souhaite que l'âge de départ à la retraite soit encore retardé. Toujours au nom de la défense de l'emploi et du besoin de donner « confiance » au entreprises, le Medef plaide aussi pour une abrogation des articles des19 et 20 de la loi Hamon qui obligent un chef d'entreprise à alerter ses salariés sur son intention de vendre son entreprise. Là aussi, le Medef plaide « la complexité » et « l'insécurité ».

.... et demande lui aussi une nouvelle négociation sur l'assurance chômage

Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, le président du Medef est venu également alimenter le débat sur l'assurance chômage qui sévit depuis quelques jours. Sans surprise, il s'est rangé dans le camp du Premier ministre et du ministre de l'Economie, Manuel Valls et Emmanuel Macron, pour demander aux syndicats de rouvrir le dossier de l'assurance chômage dès janvier, en « profitant » de la « clause de revoyure » prévue, selon lui, par l'actuelle convention du 14 mai 2014.

En réalité, il n'y a pas de « clause de revoyure » stricto sensu, comme l'a immédiatement rappelé le syndicat Force Ouvrière. Il est juste prévu que les parties signataires suivent l'évolution de la situation financière du régime et fassent régulièrement le point. Le texte de mai 2014 prévoyait également qu'un « groupe paritaire politique » fasse des propositions sur « d'éventuelles propositions d'évolutions » du régime lorsqu'une nouvelle convention sera renégociée en 2016. Il ne s'agit donc pas d'une « clause de revoyure » au sens juridique du terme.

Vers une alliance objective entre le Medef et le Premier ministre pour mener des réformes structurelles?

Peu importe, le patronat met la pression en espérant rouvrir une négociation dès janvier 2015. Au nom des réformes structurelles dont a besoin la France et que souhaitent la Commission européenne.

L'attitude du Medef prouve une chose. L'organisation patronale sent que la situation difficile dans laquelle se trouve la France permet beaucoup d'opportunités et notamment de faire aboutir de très anciennes revendications sur la libéralisation du marché du travail. Le Medef sait pouvoir compter sur une alliance objective avec une partie du gouvernement emmenée par le Premier ministre et le ministre de l'Économie Emmanuel Macron, voire même François Rebsamen, le ministre du Travail. Il est certain que si la commission européenne retoque - la réponse interviendra avant le 30 novembre - le projet de budget français 2015, alors les vannes s'ouvriront et « l'axe » Valls/ Medef aura un boulevard pour mener au pas de charge les fameuses réformes structurelles puisque la France n'aura plus d'autre choix face à la décision de la Commission européenne.