Que veut dire assouplir la durée du travail et geler les salaires ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  888  mots
La France va-t-elle assouplir la législation sur les 35 heures dans le cadre du plan de relance européen?
Un rapport de deux économistes préconiserait dans le cadre du plan de relance européen de geler les salaires en France et d'assouplir la législation sur la durée du travail. Sur quels leviers pourrait jouer le gouvernement pour y parvenir ?

Le rapport commandé par les gouvernements allemand et français aux deux économistes Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein sur les moyens de stimuler la croissance, proposerait un gel des salaires en France durant trois ans. Il envisage aussi un assouplissement de la législation sur les 35 heures et davantage de flexibilité du marché du travail. Officiellement, le contenu de ce rapport sera dévoilé jeudi 27 novembre... le jour où seront connues les statistiques mensuelles pour octobre du nombre des demandeurs d'emploi. A Bercy, on jure que ce n'est vraiment pas là l'essentiel du rapport. Quant au patron du groupe socialiste à L'assemblée nationale, Bruno Le Roux, il assure qu'il « n'est pas question de toucher aux 35 heures ».
Mais, ce n'est qu'une hypothèse, s'il s'avère que ces « pistes de travail » étaient finalement retenues, comment le gouvernement agirait  ?

Gel des salaires ? Le gouvernement n'est responsable que du Smic

Sur le gel des salaires d'abord. A l'exception du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) dont le niveau et la revalorisation sont de la compétence des pouvoirs publics, les rémunérations dans le secteur privé relèvent uniquement des politiques salariales négociées chaque années par le patronat et les syndicats. A l'issue de ces négociations, in fine, c'est le seul employeur qui décide du niveau des augmentations, il doit juste tenir compte des revalorisations des grilles salariales décidées au niveau de la branche professionnelle. Le gouvernement ne peut donc décider d'un « gel » des augmentations dans le secteur privé. En revanche, il peut toujours adresser des recommandations aux syndicats et au patronat, afin de prêcher la modération pour les augmentations générales annuelles, afin de ne pas annuler l'effet du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) sur le « coût » du travail. Mais les partenaires sociaux restent libres d'entendre ou pas ces recommandations.

Un Smic non revalorisé le 1er janvier

En revanche, s'agissant du Smic, le gouvernement a davantage de latitude. C'est le 1er janvier prochain que, légalement, le Smic horaire (actuellement fixé à 9,53 euros en brut) doit être revalorisé pour tenir compte de l'inflation annuelle et de la moitié du gain de pouvoir d'achat du salaire horaire moyen des ouvriers et des employés. En 2014, l'inflation en glissement ne devrait pas excéder 0,5%. Si l'on tient compte du gain de pouvoir d'achat, in fine, la hausse du Smic devrait être inférieure à 1%. Légalement, le gouvernement est tenu de revaloriser le Smic à ce niveau. Bien entendu, il est toujours libre d'accorder un « coup de pouce » supplémentaire. Mais il ne le fera pas. Il n'y a eu aucun coup de pouce depuis 2007, à l'exception du lendemain de l'élection de François Hollande en mai 2012. Et encore, il s'agissait plutôt d'une « avance ».

En revanche, il est difficilement envisageable de ne procéder à aucune augmentation du Smic afin de geler son niveau et ne pas tenir compte de l'inflation. Ou alors, il faudrait une disposition législative prise en urgence pour neutraliser les règles actuelles. C'est toujours techniquement faisable, par exemple à l'occasion de l'examen par le Sénat du projet de loi de finances 2015 ou en complétant le futur projet de loi Macron pour relancer la croissance qui sera examiné par le Parlement en janvier. Mais, politiquement parlant c'est autre chose. Ne pas augmenter le Smic, tout de même perçu par près de 2 millions de salariés, aura forcément des conséquences.

Bien entendu, l'Etat dispose aussi d'un autre levier salarial : la rémunération des quelque 5,5 millions de fonctionnaires. Mais, l'arme a déjà été utilisée. Puisque depuis 2011 - c'était alors le gouvernement Fillon - la valeur du point d'indice, qui sert à la revalorisation des salaires des fonctionnaire, est gelée et ce sera le cas jusqu'en 2017.

Élargir la possibilité de conclure des accords de maintien de l'emploi"

L'autre proposition sur la table concerne une plus grande flexibilisation du marché du travail et un assouplissement des règles encadrant la durée du travail. Ce sont les fameux accords de « maintien de l'emploi qui sont visés ». Institués par l'accord national interprofessionnel sur l'emploi du 11 janvier 2013, repris dans la loi du 14 juin 2013, ces accord permettent à une entreprise « rencontrant de graves difficultés économiques conjoncturelles » de conclure un accord (majoritaire) avec les syndicats autorisant temporairement d'augmenter et/ou baisser les salaires ou de prévoir une nouvelle répartition des horaires en contrepartie du maintien des effectifs. Ces accord sont valables pour une durée maximum de deux ans et sont soumis à un certains nombre de garde-fous (les cadres dirigeants et actionnaires doivent également fournir des efforts, clause de retour à bonne fortune ; la baisse de la rémunération ne peut pas concerner les salaires inférieurs à 1,2 Smic, etc.). Pour les organisations patronales, ces garde-fous sont d'ailleurs responsable du très faible nombre de signatures d'accords de ce type. Ce sont donc ces verrous qu'Emmanuel Macron voudrait faire sauter pour généraliser ces accords. On sait en effet  que le Medef ne veut pas les limiter aux seules entreprises confrontées à des difficultés économiques conjoncturelles mais aussi les ouvrir aux entreprises qui, justement, voudraient trouver un remède pour anticiper de telles difficultés.

Les partenaires sociaux doivent en principe discuter de ce sujet début 2015.