Ce qu'ils sont devenus

Figures marquantes de la crise financière de 2007-2009, ils ont connu le succès, la richesse, puis la chute. Tous évoluaient dans un même système, dangereusement déconnecté de l'économie réelle. Pour autant, il n'est pas question de mettre dans le même sac un pur escroc comme Bernard Mado-, un trader dévoyé comme Jérôme Kerviel et des banquiers qui ont agi dans le cadre légal.

Angelo Mozilo, le roi des subprimes

Au temps de sa splendeur, le fondateur de Countrywide Financial fournissait un prêt immobilier sur cinq aux États-Unis. De moins en moins regardant sur la qualité des emprunteurs, il revendait les crédits à risque dits subprimes aux banques de Wall Street qui les titrisaient. La chute des prix de l?immobilier l?a contraint à vendre sa société à Bank of America en janvier 2008, pour 4,1 milliards de dollars, alors qu?elle avait valu jusqu?à 45 milliards. Mais il avait depuis longtemps vendu ses propres actions, avec 140 millions de dollars de bénéfice. Le 4 juin 2009, il a été inculpé de fausse information et délit d?initié par la SEC, le gendarme de la Bourse américaine. C?est le premier mis en examen de la crise financière, si l?on excepte l?escroc Bernard MadoV.

Richard Fuld, le boss de Lehman Brothers

Si la crise financière a un visage, c?est le sien. Il a été un moment l?homme le plus haï d?Amérique, pour avoir conduit à la faillite Lehman Brothers, la quatrième banque de Wall Street, le 15 septembre 2008. Le « Gorille » a cru jusqu?au bout que les autorités américaines sauveraient sa banque. Elles ont préféré la laisser couler, pour l?exemple, sans se douter que cela provoquerait un infarctus dans le système financier international. Barclays a repris les activités américaines de Lehman Brothers et son siège sur la 7e Avenue à Manhattan. Nomura Holding a racheté les actifs de Lehman en Europe, en Asie et au Moyen-Orient. Richard S. Fuld Jr. est resté obciellement président de Lehman Brothers jusqu?au 14 mai 2009, date de sa démission. Il a retrouvé un emploi de conseiller chez Matrix Advisors, un petit fonds d?investissement new-yorkais. Plusieurs plaintes ont été déposées contre lui.

Adam Applegarth, l?enfant terrible de Northern Rock

Faire d?une respectable banque de Newcastle le géant du crédit immobilier britannique, c?est ce qu?avait réussi Adam Applegarth. Sa spécialité : prêter 125 % du montant d?une transaction, sans apport initial. L?assèchement du marché interbancaire à l?été 2007 provoque une crise de trésorerie chez Northern Rock, qui tourne à la panique bancaire en septembre. Le gouvernement britannique nationalise la banque en février 2008. Applegarth a cristallisé le ressentiment de l?opinion pour être parti avec un parachute doré de 760.000 livres sterling (883.000 euros) et une retraite chapeau de 2,2 millions de livres. En 2007, l?année où la banque a plongé, il avait gagné 1,4 million, dont 660.000 livres de bonus. À 47 ans, il se consacre au cricket et a engagé des vigiles pour garder ses voitures de prix. Northern Rock a perdu 771 millions de livres au premier semestre 2009 et doit encore près de 11 milliards au Trésor britannique, sur les 26 milliards qu?elle a reçus.

Maurice Lippens, l?aristocrate de Fortis

Le comte Lippens, issu d?une grande famille francophone de Flandre, avait constitué un géant de la bancassurance au Benelux. Mais le rachat d?ABN-Amro en 2007 pour 71 milliards d?euros, en partenariat avec Royal Bank of Scotland et Banco Santander, a fragilisé Fortis. Fin septembre 2008, il a fallu l?intervention des États (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg et France) pour sauver la banque de la faillite. Démantelée, Fortis a été reprise par BNP Paribas après une longue bataille avec les actionnaires belges qui s?est conclue en mai 2009. L?État belge est devenu au passage le premier actionnaire de l?ensemble BNP Paribas Fortis. Les actifs néerlandais ont été nationalisés par La Haye. Seule la partie assurance reste indépendante et belge. Évincé, Maurice Lippens, 66 ans, s?est replié sur Knokke-le-Zoute, la station balnéaire chic développée par sa famille depuis un siècle. Il préside la Compagnie le Zoute qui poursuit des activités de promotion immobilière tout en gérant le golf, le tennis club et la serre à papillons.

Jérôme Kerviel, le trader désinhibé de la Société Générale

Il détient le record de la plus grosse perte jamais infligée par un trader indélicat. La Société Générale a perdu 4,9 milliards d?euros, en janvier 2008, en débouclant à la hâte les 50 milliards engagés sans autorisation par Jérôme Kerviel sur les dérivés actions européens. Mis en examen pour faux et usage de faux, pénétration d?un fichier informatique et abus de confiance, le trentenaire a été renvoyé en correctionnelle le 25 juin 2009, ainsi que son ancien assistant, Thomas Mougard. En attendant son procès, prévu pour 2010, Jérôme Kerviel, très combatif, travaille dans une société d?expertise informatique à Levallois-Perret. Son ancien supérieur Jean- Pierre Mustier, qui dirigeait la banque de financement et d?investissement a démissionné de la Société Générale début août 2009 sous le coup d?une accusation de délit d?initié pour des faits antérieurs à l?aVaire Kerviel. Daniel Bouton, numéro un de la SocGen depuis 1997, a démissionné le 29 avril 2009 pour mettre fin, a-t-il expliqué, aux attaques dont il s?estimait victime. Frédéric Oudéa, son second, est devenu PDG le 6 mai. Tous deux avaient dû renoncer à leurs bonus 2008, puis à leurs stockoptions dont la révélation avait fait scandale.

Charles Milhaud, le co-inventeur de Natixis

C?est une perte de trading de 750 millions d?euros qui lui a coûté sa place de président du directoire de la Caisse Nationale des Caisses d?Épargne, en octobre 2008. Mais Charles Milhaud payait surtout l?échec énorme de Natixis, la filiale commune des Caisses d?Épargne et des Banques Populaires. Près de 3 millions de Français ont acheté des actions au moment de l?introduction en Bourse de Natixis, fin 2006. De près de 20 euros, le cours est tombé à moins de 1 euro au plus fort de la crise financière. Piégée par ses opérations spéculatives aux États-Unis, Natixis a essuyé les pires pertes du secteur bancaire français en 2008. L?État a précipité la fusion de l?Écureuil et des Banques Populaires, qui ont pris le nom de BPCE, même si les réseaux restent séparés. Le président de la nouvelle banque n?est autre que François Pérol, l?ancien conseiller économique de l?Élysée. Cette nomination a choqué, la commission de déontologie de la fonction publique n?ayant pas été saisie dans les formes. À 66 ans, Charles Milhaud a quitté en juillet 2009 le groupe Caisse d?Épargne, où il avait conservé une présidence, celle de la filiale à l?international Océor.

Marcel Ospel, l?américanisé d?UBS

On le surnommait le « Bâlois américanisé ». Marcel Ospel, président d?UBS de 2001 à 2008, détonait dans le paysage tranquille de la place de Zurich. Élevé au lait de la Bourse, il avait fait ses classes chez Merrill Lynch. En arrivant à la tête d?UBS, sa stratégie était simple : investir sur les marchés financiers afin de propulser la banque helvétique aux tout premiers rangs de la hiérarchie bancaire mondiale. Objectif atteint au milieu des années 2000. Les bénéfices d?UBS flirtent alors avec la dizaine de milliards d?euros. En 2006, il empoche personnellement 17,7 millions d?euros. Sa martingale ? Avoir massivement misé sur les crédits hypothécaires américains à risque, les subprimes. Suite logique, la crise frappe de plein fouet UBS, qui perd 13 milliards d?euros en 2008. Au même moment, elle se retrouve empêtrée dans une enquête fiscale de grande ampleur aux États-Unis. Jugé comptable de ce naufrage, dont la banque ne s?est toujours pas remise, le Suisse est débarqué en avril de la même année. À 59 ans, Marcel Ospel est désormais loin des salles de marché de Wall Street : il a été aperçu en mars dernier, à Bâle, tenant le tambour lors du Carnaval.

Bernard Madoff, l?escroquissime

Figure respectée de Wall Street, ancien président du Nasdaq, il a été arrêté le 11 décembre 2008. Sans la crise financière qui a précipité les retraits d?argent des clients de Bernard L. MadoV Investment Securities LLC, sa fraude pyramidale aurait pu continuer : elle durait déjà depuis au moins vingt ans. MadoV a recueilli 50 milliards de dollars auprès d?investisseurs en leur promettant entre 10 et 14 % de rendement. Il honorait les coupons avec l?argent frais des nouveaux entrants. La fraude atteint 65 milliards si l?on tient compte des intérêts que les sommes auraient dû rapporter si elles avaient été placées. Bernard MadoV a plaidé coupable et a été condamné en juin 2009 à 150 années de prison. Il a pris ses quartiers le 14 juillet à la prison de Butner, en Caroline du Nord, l?une des plus confortables des États-Unis, où il travaille sept heures par jour à l?atelier de gravure. Le liquidateur judiciaire réclame à sa femme, Ruth MadoV, la restitution de 45 millions de dollars qu?elle a touché au fil des années. Elle n?est pas mise en cause pour complicité mais ses biens ont été saisis et elle doit demander une autorisation pour toute dépense supérieure à 100 dollars. Frank DiPasquali, le bras droit de MadoV dans son activité illégale, a plaidé coupable début août. « Bernie MadoV savait, je savais et d?autres personnes savaient », a-t-il déclaré au juge.

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