Washington durcit le ton par rapport au yuan chinois

"Les distorsions provoquées par le taux de change chinois dépassent de loin les frontières chinoises et sont un obstacle au rééquilibrage mondial dont nous avons besoin" a déclaré le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner devant des sénateurs qui lui demandait d'instaurer des sanctions commerciales contre la Chine, qui en mai, a vu ses exportations croître de 50%. Par ailleurs, l'inflation en Chine s'est accélérée en mai pour atteindre un plus haut de dix-neuf mois
(Crédits : © 2009 Thomson Reuters)

Le secrétaire américain au Trésor a laissé entendre jeudi soir que les Etats-Unis commençaient à perdre patience par rapport à la politique de change de la Chine, faisant ainsi écho au mécontentement des sénateurs par rapport au niveau du yuan.  "Les distorsions provoquées par le taux de change chinois dépassent de loin les frontières chinoises et sont un obstacle au rééquilibrage mondial dont nous avons besoin", s'est insurgé Timothy Geithner.

Réaffirmant ce qu'il ne cesse de dire depuis le mois d'avril, le secrétaire d'Etat au Trésor a souligné qu'une réforme du taux de change du yuan chinois était non seulement très importante pour les Etats-Unis et pour l'économie mondiale et mais aussi qu'un yuan plus flexible était dans l'intérêt de la Chine.

Timothy Geithner a estimé que l'arrimage du yuan au dollar contraignait de nombreuses banques centrales asiatiques à intervenir sur les marchés des changes à des niveaux records. "Un yuan plus fort serait bénéfique pour la Chine parce qu'une telle évolution augmenterait le pouvoir d'achat des ménages et encouragerait les entreprises à réorienter leurs production vers la demande intérieure plutôt que vers les exportations", a-t-il précisé.

Ces critiques virulentes de Timothy Geithner ont été lancées lors d'une audition à laquelle assistaient un certain nombre de sénateurs favorables à des sanctions commerciales contre la Chine. "Il est grand temps que le département du Trésor reconnaisse publiquement ce que tout le monde sait déjà, que la Chine manipule la valeur de sa monnaie en vue d'avoir un avantage injuste dans le commerce international", à déclaré Charles Grassley, sénateur républicain membre de la commission.

Charles Schumer, sénateur démocrate, a dit à Timothy Geithner de se "tenir prêt" parce que les législateurs pourraient agir vite pour mettre en place des amendes anti-dumping sur des biens en provenance de Chine. Après avoir partiellement laissé flotter sa devise entre 2005 et 2008, période pendant laquelle le yuan s'est apprécié, Pékin a gelé le taux de change par rapport à un dollar à un niveau qui, selon certains économistes américains, sous-évalue de 40% le renminbi.

"Le niveau de sous-évaluation est retourné là où il était en 2005. Aucun progrès n'a été fait", a poursuivi Charles Schumer. Interrogé à ce sujet, Timothy Geithner a dit ne pas savoir quand Pékin autoriserait à nouveau l'appréciation de sa monnaie. "Pour être franc, je ne sais pas si nous en sommes à un stade où nous allons enregistrer des progrès significatifs à court terme", a-t-il dit.

L'intervention du secrétaire au Trésor devant la commission des Finances du Sénat survient au moment de l'annonce d'une forte hausse des exportations chinoises en mai. Elles ont augmenté de près de 50%.

L'administration Obama mettra en oeuvre toutes les solutions disponibles pour lutter contre les pratiques chinoises, ce qui pourrait comprendre des plaintes contre les pratiques de dumping ou les tarifs douaniers anormaux, a déclaré le secrétaire au Trésor. Timothy Geithner a également évoqué la tenue du prochain sommet du G20 comme moyen de pression sur la Chine pour qu'elle réforme le yuan.

Statistiques Chinoises contrastées, les économistes divisés

L'inflation en Chine s'est accélérée en mai pour atteindre un plus haut de dix neuf mois mais le ralentissement de la croissance de la production industrielle et des dépenses d'investissement réduit, aux yeux de certains analystes, le risque d'une surchauffe de la troisième économie mondiale.

D'autres économistes estiment au contraire que la Chine n'aura pas d'autres choix que de relever ses taux d'intérêt et de laisser le yuan s'apprécier pour éviter un emballement de son économie.

Les déclarations des responsables du Bureau national des statistiques laissent penser que les autorités chinoises ne sont pour l'instant pas pressées de durcir la politique monétaire, notamment parce que l'Union européenne, le plus gros marché à l'exportation de la Chine, connaît des problèmes financiers.

"Avec la crise de la dette dans la zone euro, les prix des matières premières ont reculé et ceci va aider dans une certaine mesure la Chine à réduire les pressions inflationnistes", a déclaré Sheng Laiyun, porte-parole du Bureau national des statistiques, lors d'une conférence de presse.

Les prix à la consommation ont augmenté de 3,1% sur un an en mai, contre 3% attendu et après une progression de 2,8% en avril, confirmant des informations annoncées mercredi. L'inflation dépasse ainsi l'objectif officiel fixé à 3% en rythme annuel.

Sheng Laiyun a toutefois indiqué que cette hausse était due pour 1,8 point de pourcentage à une base de comparaison peu élevée.

En outre, le prix des vêtements, des appareils ménagers et des légumes - un facteur important d'inflation en Chine - sont tous en recul, ce qui devrait permettre à Pékin d'atteindre son objectif d'inflation sur l'ensemble de l'année.

"La tendance va dans le sens d'un reflux des pressions sur les prix à l'avenir", a estimé le porte-parole. Les marchés sont restés indifférents à ces statistiques qui avaient déjà été largement anticipées.


Avis partagés sur les perspectives d'inflation

Parmi les autres chiffres publiés vendredi, la croissance de la production industrielle en rythme annuel a ralenti pour s'établir à 16,5% en mai, contre 17,8% en avril. Les économistes tablaient sur une progression de 17,1%.

La croissance depuis le début de l'année des investissements en actifs fixes dans les zones urbaines a également décéléré à 25,9%, contre 26,1%, ce qui correspond quasiment au consensus des analystes qui tablaient sur une mesure de +25,7%.

Zhang Lei, économiste à Bohai Securities à Tianjin, juge peu probable que la Chine durcisse sa politique monétaire en raison de la détente des pressions inflationnistes et du ralentissement de la croissance économique qui devrait se poursuivre. "En réalité, si l'économie décélère à un rythme plus rapide que prévu, le gouvernement pourrait en fait devoir assouplir sa politique", dit-il.

Le bond de 48,5% sur un an des exportations annoncé jeudi a apaisé les craintes d'un ralentissement brutal de l'économie chinoise, principal moteur de la croissance mondiale ces dernières années.

Isaac Meng, économiste chez BNP Paribas à Paris, fait cependant remarquer que les exportations sont un indicateur retardé et met en avant les risques à la baisse sur la croissance du fait de la lutte du gouvernement contre la spéculation immobilière et du frein aux emprunts des collectivités locales.

Il estime que la croissance en rythme annuel du produit intérieur brut devrait ralentir dans une fourchette comprise entre 8% et 9%, contre 11,9% au premier trimestre.

Mais d'autres observateurs sont d'un avis différent. "Même si la croissance des prix montre des signes de stabilisation par rapport au mois dernier, elle dépasse l'objectif de la PBOC (Banque populaire de Chine). Si elle continue à progresser en juin, une hausse des taux d'intérêt est possible", dit Chen Xingyu, analyste à Philip Securities Research.

 

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