Une fête de l'Aïd sous le signe du 11 septembre aux Etats-Unis

Cette année, la fin du jeûne tombe aux mêmes dates que l'anniversaire des attentats du 11 septembre. Si le marché islamo-américain est estimé à 170 milliards de dollars, les croyants se font discrets.

Le pasteur Terry Jones a beau avoir renoncé - provisoirement en tout cas - à l'idée de brûler des corans en Floride pour marquer à sa façon l'anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, les musulmans américains ne sont pas tranquilles pour autant. Il y a d'abord eu la controverse sur l'édification d'un centre musulman soufi, à l'initiative du groupe modéré Cordoba, à quatre rues de l'endroit où s'élevaient les tours jumelles, rapidement "baptisé" la mosquée de Ground Zero. Puis, un sondage, montrant qu'aujourd'hui, un Américain sur cinq (contre 11% l'an dernier) croit, à tort, que le président Obama est musulman. Et enfin, une série d'autres études, indiquant toutes que l'islam est l'une des religions les moins appréciées dans l'opinion publique américaine. Bref, la stigmatisation des "islamo-américains" irait croissant. Ironie de l'histoire, leur situation serait même pire aujourd'hui qu'il y a neuf ans, quand l'Amérique était plongée dans la stupeur après les attentats perpétrés par des musulmans extrémistes.

De Malcom X à Fareed Zakaria

Du coup, alors que, coïncidence du calendrier, l'anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 tombe cette année au même moment que la célébration de la fin du jeûne de Ramadan, les musulmans américains font profil bas. Les associations islamo-américaines, relativement nombreuses, appellent à la discrétion cette année. Discrets, les musulmans américains l'ont toujours été. A part Malcom X, converti au sunnisme après son pèlerinage à la Mecque, qui connaît les musulmans américains ? Certes, les boxeurs Mohammed Ali et Mike Tyson, le basketteur Shaquille O'Neal, le chanteur Jermaine Jackson sont musulmans et ne le cachent pas. Le présentateur vedette de CNN, Fareed Zakaria, lui, n'en fait pas étalage. Quant à Keith Ellison, premier musulman élu représentant à la Chambre, en 2006, pour représenter un district du Minnesota, il avait déjà créé la controverse, en voulant prêter serment sur le coran. Alors que les prestations de serment s'effectuent collectivement au Congrès, il avait fini par en refaire une autre, symbolique, sur un coran publié en 1764 à Londres, et qui avait appartenu à Thomas Jefferson... Signe selon lui qu'à l'époque, le troisième président des Etats-Unis embrassait toutes les religions... Les autres, natifs des Etats-Unis ou non, préfèrent éviter de parler de leur foi.

Un marché de 170 milliards de dollars

Aujourd'hui, localisés principalement à Dearborn, dans le Michigan, à Quincy, dans le Massachusetts, et à Ross, dans le Dakota du Nord, ainsi qu'à New York (où ils prient entre autres à la Masjid Manhattan, à deux pas de l'ancien World Trade Center, depuis 1970) et en Californie, les musulmans résidant en terre d'Amérique, seraient, selon les estimations, entre 2,5 millions et 7 millions. En 2005, près de 100.000 immigrés en provenance de pays musulmans ont obtenu leur carte de résident permanent aux Etats-Unis. Un record annuel inédit depuis les années 90. Quelque 60% à 70% viennent de pays arabes, d'Asie du Sud Est, d'Inde et du Pakistan, le reste des musulmans sur le sol américain étant des Américains de souche convertis. Le tout représenterait un marché estimé par les experts en marketing à quelque 170 milliards de dollars. Une niche importante - et peu exploitée, même si, sur les dix dernières années, le marché des produits halal a cru de 80%.

Selon les études, les musulmans américains disposent d'un pouvoir d'achat élevé. Alors que la moyenne des revenus par individu s'établit à environ 40.000 dollars par an (en 2009), les deux tiers des ménages musulmans affichent plus de 50.000 dollars, et un quart gagne plus de 100.000 dollars. De même, les deux tiers des musulmans américains ont un diplôme universitaire, contre moins de la moitié pour la population américaine dans son ensemble. Bref, ce pouvoir d'achat, en cette période de reprise molle, pourrait être une "bénédiction" s'il était courtisé. La fête de l'Aïd remplaçant pour les parents musulmans le Noël chrétien pour les enfants, il pourrait doper les ventes saisonnières. Certains distributeurs l'ont d'ailleurs compris : Best Buy, qui vend ordinateurs, caméras et autres produits "high tech", a souhaité l'an dernier une bonne fête de l'Aïd à ses clients. Et déjà, il avait créé la controverse.

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