11 Septembre : la politique "laxiste" de la Fed à l'origine de la crise actuelle ?

Si la thèse est séduisante, l'observation des faits conduit à un jugement plus nuancé.
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L'assouplissement de la politique monétaire américaine, qui s'est amplifié après les attentats du 11 Septembre, a-t-il une responsabilité dans la bulle financière qui a marqué les années 2000 ? C'est en tout cas la lecture de certains économistes qui affirment, dans un raccourci saisissant, que c'est l'injection massive de liquidités par la Fed qui a fait flamber les prix des actifs financiers et immobiliers, et ainsi créé les conditions d'une instabilité financière incontrôlable. La Fed se serait lancée dans une intervention quasi messianique pour sauver le modèle américain après le choc du 11 Septembre. Cette thèse, intellectuellement séduisante, est difficile à démontrer.

D'abord, son mouvement de baisse des taux directeurs avait été amorcé bien avant les attentats, dès le début 2001, pour relancer une économie affaiblie par l'éclatement de la bulle Internet. Le 11 septembre, la Fed avait déjà procédé à sept baisses de taux, de 6,5 % à 3,5 %. Il est vrai que, dès le 17 septembre, elle accéléra le mouvement, en concertation avec la BCE, pour les abaisser quatre fois en trois mois, à 1,75 %, puis trois fois jusqu'en 2003, où ses taux directeurs n'étaient plus que de 1 %, le niveau le plus bas depuis le milieu des années 1950. Mais en sauvant ainsi le système bancaire, elle a joué son rôle et permis au système financier de redémarrer très vite.

Une politique accommodante

Aurait-elle ensuite trop tardé à remonter ses taux ? "À l'époque, raconte Jezabel Couppey-Soubeyran, économiste à l'université de Paris I, les banques centrales étaient convaincues qu'elles seraient toujours capables de nettoyer les dégâts en cas d'éclatement de bulle. Après les attentats, il fallait maintenir à tout prix une politique monétaire accommodante pour ne pas laisser l'économie ralentir." "L'ennui, répond Florence Pisani, chez Dexia Asset Management, c'est que, quand l'activité repart en 2003, c'est une reprise sans emploi, ce qui rend alors le changement de politique monétaire délicat" Aussi n'est-ce qu'à la mi-2004 que, pour contenir la flambée des prix de l'immobilier enclenchée fin 2001, la Fed commence à relever ses taux directeurs massivement, pas moins de dix-sept fois, jusqu'à 5,25 % à la mi-2006. Mais elle peine à faire remonter les taux longs. A-t-elle suffisamment relevé ses taux, ou s'est-elle montrée trop laxiste ? Les avis divergent. « Même à ce niveau, ses taux étaient anormalement bas », se souvient Véronique Riches-Flores, de la Société Générale. "Le problème n'est pas tant le niveau des taux que l'absence de contrôle de la distribution du crédit immobilier, qui a permis une explosion des subprimes", juge Florence Pisani. Qui conclut : "Alan Greenspan était profondément convaincu que le marché se régulerait tout seul, car les banques n'auraient pas intérêt à distribuer du crédit à des ménages insolvables." Cette foi dans les vertus du marché, un héritage du 11 Septembre, preuve de la résilience de l'Amérique ? Les historiens trancheront.

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