Le plan "libéral" de la Banque mondiale pour la Chine

Dans un rapport publié lundi, la Banque mondiale appelle la Chine à adopter des réformes pour transformer son modèle de croissance actuel, insoutenable à long terme. Mais pour cela, il faut que les autorités réduisent l'opposition de certains groupes d'intérêts, ce qui passe par une démocratisation d'un système dominé par le parti communiste.
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Encore un effort Chinois pour devenir une véritable puissance mondiale ! Tel aurait pu être le titre du rapport publié lundi par la Banque Mondiale et intitutlé "China 2030 : Building a Modern, Harmonious, and Creative High-Income Society". Son président, Robert Zoellick, est même venu en présenter la substantifique moelle lundi lors d'une conférence à Pékin. Ce document, il convient de le souligner, a été établi en collaboration avec les experts du Centre de recherche sur le développement, un think tank lié au gouvernement chinois. « La nécessité de réformes est indiscutable parce que la Chine est désormais à un tournant de son développement », a souligné Robert Zoellick, lors de la présentation. En soi, la recommandation n'est pas nouvelle puisqu'elle se trouvait déjà au c?ur du dernier plan quinquennal chinois, qui appelle à faire évoluer la structure de la croissance économique, fondée sur l'investissement public et les exportations, vers davantage de consommation interne, une amélioration du niveau de vie de la population et l'accent mis sur un développement « soutenable », en particulier du point de vue environnemental.

Libéralisation du système financier

Autrement dit, le modèle chinois a atteint ses limites, car la progression de son PIB devrait ralentir pour atteindre 5,9% en 2021 et 5% en 2026, selon les anticipations de la Banque mondiale. Cela n'en restera pas moins le prélude à l'accession au rang de première puissance économique de la planète, devant les Etats-Unis, à l'horizon 2030. En effet, comment gérer le passage d'un rythme annuel de croissance de 10% par an depuis 30 ans à 5%, alimenté par une double révolution industrielle et urbaine qui a un lourd coût social : les inégalités atteignent des écarts abyssaux, la corruption s'est installée à tous les niveaux de la société en l'absence d'un réel système judiciaire sans compter la pollution de l'environnement devenue une véritable menace dans nombre de régions industrielles de l'ex-Empire du Milieu.

Le rapport préconise nombre de mesures assez classiques qui vont d'un meilleur accès au crédit pour les PME à une libéralisation de l'ensemble du système financier - du secteur bancaire à la fixation des taux d'intérêt - le but étant d'être régi par les critères d' « une économie de marché ». Outre l'appel à augmenter l'investissement dans l'innovation, la mise en place d'un véritable système de protection sociale pour l'ensemble de la population et une réglementation stricte en matière de protection de l'environnement, l'accent est mis aussi sur une réelle garantie des droits sur la terre des paysans, les laissés-pour-compte du prodigieux développement chinois.

Des entreprises publiques contrôlées par le Parti

Un des points intéressants du rapport est qu'il pointe d'où peuvent venir les oppositions à l'application des mesures. Dans un sous-chapitre intitulé « Overcoming opposition to reform », les experts identifient trois sortes possibles d'obstacles. Le plus important devrait venir des groupes qui tirent le meilleur profit du développement actuel - par exemple les exportateurs - parmi lesquels les entreprises publiques en position de monopole ou quasi monopole, qui jouissent de certains privilèges, de situations de rente, en raison de leurs liens privilégiés avec le pouvoir, notamment le parti communiste. Le rapport souligne d'ailleurs que ces groupes ne se contentent pas seulement de résister au changement mais sont très actifs pour influencer les politiques à mener à leur plus haut niveau. Pour s'opposer à de tels agissements, « il faudra faire preuve de courage politique, de détermination, de définition d'objectifs clairs et posséder des capacités à diriger au plus haut niveau », recommande sans grande originalité le rapport.

La réforme du système "hukou"

La deuxième opposition va venir des acteurs qui peuvent pâtir de réformes à court terme même s'ils peuvent être gagnants à plus long terme. Tel est le cas par exemple du système du "hukou", qui enregistre la population et la "fixe" sur son lieu de résidence, une tradition qui remonte à l'époque de l'Empire du milieu et permet le contrôle social de l'ensemble des individus. Mais une telle organisation génère aussi des discriminations sociales à travers le pays. La réforme d'un tel système pourrait donc bénéficier à l'enemble de la population en permettant la mobilité et le développement d'un marché du travail plus ouvert et efficient accompagné d'un meilleur accès aux services sociaux dans un souci d'équité. Mais les résidents urbains qui bénéficient actuellement du système refusent un tel changement car il perdrait à court terme un accès privilégié aux avantages du système. De même, les travailleurs employés dans des entreprises déficitaires, polluantes ou travaillant pour des sociétés de crédit non reconnues comprennent qu'une telle réforme axé sur l'efficience leur ferait perdre leur emploi. Aussi, le rapport recommande aux autorités de faire un travail d'information approprié ou encore de consacrer des moyens financiers compensatoires durant la phase de transition d'une telle réforme pour qu'elle puisse être menée à bien.

Think tanks contre leaders d'opinion

Le troisième groupe qui pourrait être réticent au changement est représenté par des leaders d'opinion pour qui les réformes sont de nature à amplifier les problèmes existants. Par exemple, indique le rapport, ces idéologues attribuent la détérioration de l'environnement (qualité de l'air, de l'eau...) aux mécanismes du marché plutôt qu'à des lois et des règles inefficientes, des prix inappropriés. Malgré leur petit nombre, ces faiseurs d'opinion ont une influence importante. Pour réduire cette dernière, la Banque mondiale recommande d'en revenir à des faits clairement établis et une démarche rationnelle qui pourrait être développée par des institutions de recherche, des think tank qui évalueraient la démarche intégrée dans les réformes et pourraient en diffuser les résultats.

Le mot "démocratie" n'apparaît jamais dans les 468 pages

Ainsi, en favorisant la participation de la société civile dans un tel travail cela permettrait non seulement d'offrir un soutien aux réformes mais aussi de pouvoir les améliorer grâce à de nouvelles suggestions. En tous les cas, « gagner l'opposition aux réformes sera un élément clé de la stratégie, et nécessitera une réponse adaptée », recommande le rapport, qui préconise une direction forte pour coordonner le travail des agences et des différents ministères, et la mise en place avec le soutien des autorités au plus haut niveau d'une commission de la réforme ayant de larges pouvoirs. Celle-ci devrait recueillir les avis des acteurs concernés ainsi que des gouvernements locaux, avec le souci de l'intérêt général, l'idée étant de ne pas recréer de nouveaux groupes d'intérêts.

Finalement, considère la Banque mondiale, une telle démarche est à même de trouver des premiers résultats positifs seuls à même de pouvoir favoriser le changement de modèle de croissance de la Chine en instituant en quelque sorte un cercle vertueux. Autrement dit, un système démocratique, curieusement le mot "démocratie" n'apparaît jamais dans les 468 pages du rapport.

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