Berlin peine à "municipaliser" son réseau électrique

Le référendum sur la reprise en main du réseau électrique berlinois par la municipalité a échoué de peu début novembre. Non pas faute d’une majorité (83% de oui), mais d’une participation minimale suffisante (24% des inscrits).
La pétition géante organisée dans les rues de la capitale allemande par le collectif Energietisch a permis la tenue d’un référendum sur la municipalisation du réseau électrique. /DR

Il s'en est fallu d'un cheveu pour que les membres d'Energietisch (table ronde de l'énergie) emportent la mise. Un peu plus de 21.000 « oui » ont manqué au collectif composé d'une cinquantaine d'associations pour faire adopter, le 3 novembre à Berlin, sa proposition de loi sur la municipalisation du réseau électrique de la ville.

Si le référendum a échoué, ce dernier a cependant lancé un vaste débat dans la capitale allemande et contraint le Sénat, qui gouverne la ville-Land, à se saisir du sujet. En jeu : le rachat du réseau d'électricité de la ville, actuellement détenu par le suédois Vattenfall, dont la concession arrive à échéance fin 2014.

La gestion publique de l'énergie est à la mode

« Berlin aurait pu envoyer un signal important », regrette Oliver Wagner, chercheur à l'Institut pour le climat, l'environnement et l'énergie de Wuppertal.

Alors que des centaines de concessions arriveront à échéance dans le pays d'ici à 2016, une foule de communes sortent la calculette pour évaluer l'intérêt d'une telle opération. Le retour à une gestion publique de l'énergie est à la mode outre-Rhin : environ 170 réseaux ont été repris en main par les villes et environ 70 nouvelles régies municipales ont été créées depuis 2007, selon la Fédération des entreprises communales (VKU).

Lors d'un référendum similaire le 22 septembre, Hambourg, la deuxième ville du pays, s'est prononcée de justesse (50,9%) en faveur du rachat de son réseau.

« Nous sommes naturellement déçus… Mais également fiers de ce que nous avons atteint », commente à Berlin Stefan Taschner, porte-parole du mouvement Energietisch.

Le collectif est à l'origine de la pétition géante dans les rues de la capitale qui a permis l'organisation du référendum. Si 83% des votants ont approuvé la motion, ils ne représentaient que 24,1% des 2,49 millions d'inscrits, alors que 25% sont requis.

Au coeur du projet de loi : la création, d'une part, d'une régie municipale chargée de produire et de vendre des énergies renouvelables ; de l'autre, le rachat par la collectivité du réseau privatisé dans les années 1990.

À la clé, Energietisch promettait une gestion de l'énergie plus démocratique, avec la participation de citoyens au conseil d'administration de la future structure municipale, et un courant électrique plus « vert », avec un réseau approvisionné à 100% en énergies propres. Le collectif avançait également la possibilité de revenus supplémentaires pour les caisses de la ville quand « les bénéfices d'un groupe privé filent dans la poche des actionnaires ».

« Il n'y a qu'un seul réseau d'électricité, nous pensons que ce monopole doit être public et non soumis à des intérêts privés », résumait Stefan Taschner, porte-parole d'Energietisch, avant la tenue du référendum.

Le Sénat s'oppose au projet

Le Sénat berlinois s'était quant à lui prononcé contre le projet de loi, soulignant son caractère superflu alors que l'attribution de la nouvelle concession du réseau est déterminée par un appel d'offres, auquel participe déjà l'entreprise du Land Berlin Energie. Son autre principal argument : le risque financier d'une telle opération.

« Il est important de renforcer l'influence du secteur public sur la question des services d'intérêt général, mais sans prendre de risques économiques intenables », indiquait le maire social-démocrate de Berlin, Klaus Wowereit, au lendemain du référendum.

Le coût d'un rachat est estimé à 400 millions d'euros par Energietisch et jusqu'à 3 milliards d'euros par Vattenfall.

« La question fondamentale pour nous n'est pas de savoir qui exploite le réseau. Ce qui nous importe, c'est le financement de l'opération », explique Henrik Vagt, dirigeant du département énergie à la Chambre d'industrie et de commerce de Berlin (IHK), opposé à l'opération.

« Le Land de Berlin a 63 milliards d'euros de dettes, soit plus de 20.000 euros par habitant, et ne peut déjà plus rénover ses écoles, ses rues… Dans cette situation, Berlin doit étudier précisément ses postes de dépenses. Or, cet investissement est trop risqué et ne vaut pas le coup. »

« C'est une contre-campagne destinée à faire peur », répond Stefan Taschner, qui mettait en avant les faibles taux d'intérêt des crédits grâce auxquels la ville pourrait financer l'opération et la stabilité des rendements du réseau, estimés à environ 7% par an.

« Les grands groupes ne veulent pas renoncer à leurs concessions, c'est bien la preuve qu'ils gagnent de l'argent. À Hambourg comme à Berlin, Vattenfall se bat pour garder le marché », observe pour sa part Claudia Kemfert, de l'institut économique berlinois DIW.

Le référendum, qui « a fait pression sur le Sénat », « était d'une certaine manière un succès avant même la tenue du vote », souligne Oliver Wagner.

Une régie municipale chargée de produire et commercialiser des énergies propres

Comme pour couper l'herbe sous le pied de l'initiative populaire, le Parlement berlinois a en effet voté fin octobre une loi sur la création d'une régie municipale chargée de produire et de commercialiser des énergies propres. Reste à déterminer les contours de la nouvelle structure. Fort de son résultat serré au référendum, le mouvement Energietisch souhaite maintenant exercer une pression pour mieux doter cette « mini-régie », dont il juge le budget annuel insuffisant (1,5 million d'euros).

Energietisch exige également de la ville-Land qu'elle soigne la candidature de l'entreprise du Land Berlin Energie dans le cadre de l'appel d'offres en cours pour le rachat du réseau. Berlin va-t-elle débrancher Vattenfall ? La décision, attendue en 2014, reviendra au département des Finances du Sénat, auquel le Parlement berlinois devra donner le feu vert.

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