Jean-Pierre Raffarin, un missi dominici en Chine

Quel est votre rôle dans la coopération entre la France et la Chine ?

Je suis un missi dominici. Je suis à la disposition de la diplomatie française pour des missions officielles, aussi bien en période de bonne entente qu'en période de tension. Mon rôle politique au niveau national s'exerce grâce à des missions que peut me confier l'Etat mais aussi au travers de ma fondation Prospective et Innovation ou encore, en tant que président du forum du comité France-Chine.

Mon premier séjour en Chine remonte à mes années d'étudiant. J'y ai développé des relations très anciennes avec les milieux universitaires, provinciaux et entrepreneuriaux. Le déclic date de 2003, la Chine avait alors été touchée par une pandémie de Sras virulente. Tous les chefs d'Etat occidentaux avaient annulé leur visite, j'y suis allé. Et les Chinois ont été sensibles à ce geste, c'est pourquoi je rencontre tous les ans les plus hautes autorités chinoises.

Quels sont les objectifs à mettre en avant pour combler le retard de la présence française en Chine ?

On ne peut pas dire que les Italiens ou les Allemands soient mieux implantés que les Français en Chine, l'implantation y est seulement différente. A Wuhan, par exemple, ville de 12 millions d'habitants, 80 entreprises françaises y sont installées dont deux usines Citroën. Notre premier objectif économique est d'approfondir la présence en Chine de nos entreprises phares telles que Edf, Alstom, Veolia, Airbus, les entreprises des secteurs tels que le nucléaire, les transports, la protection de l'environnement..... Ensuite, il faut aider au développement des PME françaises, sur ce sujet les Allemands sont devant nous. Ubifrance reste très mobilisé sur cette question.

Le troisième but est de renforcer la coopération scientifique, médicale et technologique. A Wuhan et à Shanghai, il y a des filières médicales francophones ; des écoles de commerce et des écoles d'ingénieurs dont l'école Centrale sont aussi implantées en Chine. La visite de François Fillon les 21 et 22 décembre affirmera ces priorités économiques par la visite des sites de construction de deux EPR à Taishan dans la province de Guangdong.

Ne créons-nous pas la concurrence de demain avec le transfert des savoirs technologiques à la Chine ? D'autre part, la Chine investit les marchés africains, quelle doit être la stratégie nationale ?

La Chine comme l'Inde ont très bien saisi que l'enjeu du XXI siècle se situe dans la compétition de l'intelligence. Il faut que nous soyons très attentifs à partager des technologies avec d'autres pays, nous ne devons pas rester isolé ou frileux. Sur le terrain de l'innovation, le match ne se joue pas forcément à domicile. Il n'est pas irréaliste d'imaginer qu'un jour les équipements nucléaires sino-français vendus en Asie le seront à partir d'une coopération technologique et industrielle entre nos deux pays. Dans la bataille de l'intelligence, il faut être ouvert à toutes les conditions de réussite tout en protégeant certains domaines clés relevant de la Défense Nationale par exemple.

La Chine recherche des matières premières pour soutenir sa croissance, ce géant asiatique est le moteur économique du monde, d'où son action dynamique en Afrique. Il s'agit seulement pour tous de respecter les règles de transparence et de juste équilibre et, pour nous de mener à bien des projets communs et des coopérations. Dans le projet d'Union méditerranéenne par exemple, les fonds souverains chinois pourraient être très importants.

En matière de coopération économique, l'Europe doit-elle être l'unique voix ?

Nous en avons discuté lors du récent séminaire de préparation au prochain sommet Chine-Europe. Il doit y avoir une logique européenne mais le statut singulier de la France depuis la reconnaissance de De Gaulle doit être maintenu.

Nous devons être européens tout en préservant notre indépendance. Quant à la désignation de Catherine Ashton en tant que ministre européenne des Affaires étrangères, le Premier Ministre Wen Jiabao m'a dit qu'il trouvait cette action politique positive. L'Europe va gagner en lisibilité.

Après les tensions qui ont suivi la rencontre de Nicolas Sarkozy avec le Dalai Lama, les relations sino-françaises ont-elles gardé des traces de cette période ?

L'année 2008 a été particulièrement crispée. Les entretiens de Nicolas Sarkozy à Londres et à Pittsburgh avec le président Hu Jintao ont apaisé la situation, le dialogue est à nouveau sur les rails. Et pour preuve, la France a gagné la présidence du G20 en 2011 avec le soutien de la Chine et la mission économique qui avait été annulée fin 2008, aura bien lieu. Vendredi 27 novembre, Christine Lagarde recevra une délégation de 250 entrepreneurs chinois venus acheter des prestations et mener à bien des coopérations.

Une douzaine de contrats devraient être signés, c'est bien le signe d'un retour à la normale. La France respecte l'unité de la Chine et les ambigüités ont été levées.

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