Reach pousse les entreprises à mettre en place un nouvel arsenal juridique

Les premiers enregistrements définitifs des substances soumises au règlement Reach interviendront en 2010. Dès à présent, les entreprises soumises organisent des négociations avec leurs concurrents et tâchent de se prémunir contre des fournisseurs qui ne seraient pas en conformité avec le texte européen.

Le règlement européen Reach (Règlement sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques) donne lieu à des développements insoupçonnés. Alors qu'un volet très technique s'engage, avec le montage des dossiers d'enregistrement et des études relatives à la dangerosité des substances, Reach devient, pour de nombreuses entreprises, un motif de préoccupation juridique. Car si 4.400 entreprises françaises se sont acquittées de la phase de pré-enregistrement des substances avant le 1er décembre (lire EurActiv.fr, 3/12/2008), elles cherchent aujourd'hui à se prémunir contre des fournisseurs indélicats.

Le règlement implique en effet que toute la chaîne de production, des premiers fournisseurs aux derniers clients, soient en conformité avec le règlement européen, dont le but est de mettre en place un système européen d'enregistrement des substances chimiques pour assurer une meilleure protection de l'environnement et de la santé humaine (lire le dossier d'EurActiv.fr). "La première fois que j'ai vu le règlement Reach, je me suis dit que ça n'allait pas beaucoup nous occuper, et que ce texte ne concernait que les techniciens", explique Frédéric Puel, avocat au cabinet Fidal, et désormais l'un des spécialistes français du règlement européen. "Mais en se penchant dessus, nous avons vu que ce texte pouvait être une source de grandes difficultés sur un plan juridique", poursuit-il.

Des aspects juridiques omniprésents à différents niveaux. Les entreprises cherchent tout d'abord à se protéger d'éventuels fournisseurs qui ne seraient pas en conformité avec le règlement européen, comme ceux qui n'auraient pas pré-enregistrés les produits concernés. Une substance non pré-enregistrée avant le 1er décembre engage en effet une interdiction de produire et de commercialiser le produit qui en découle. "Cela suppose d'adapter les clauses de conditions générales d'achat (CGA) et de vente (CGV) pour prendre le maximum de précautions", explique Frédéric Puel.

Les entreprises ayant pré-enregistré le même produit sont également contraintes par le règlement de se regrouper en forums d'échange et d'informations sur les substances (en anglais: Sief). Ces espaces de discussion informels peuvent déboucher, si les participants le souhaitent, sur un "consortium", qui a pour but d'échanger les informations et de répartir les coûts des différentes études à mener sur une même substance dans le cadre de son enregistrement définitif.

Chacun de ces consortium est libre de définir son propre fonctionnement, y compris les règles juridiques qui le régissent, notamment en matière de confidentialité ou de répartition des coûts. De très nombreuses questions se posent alors et doivent être résolues juridiquement: Dans quelles conditions une entreprise peut-elle partager avec les autres membres du groupe une étude de toxicologie sur une substance ? Qui participe au budget du consortium ? A quelle hauteur ? ...

Ce cadrage juridique n'a pas été perçu tout de suite par les groupes concernés par le règlement européen. "Ce retard relatif vient du fait que, dans les entreprises, les personnes responsables de Reach et les reponsables juridiques ne s'étaient jamais parlé", constate l'avocat de Fidal. "Certains responsables de Reach ont considéré que les forums d'échange seraient l'équivalent d'un club de copains, poursuit-il. Or, ce n'est pas le cas. Il s'agit d'abord d'une réunion de concurrents, avec des intérêts commerciaux qui divergent."

"Ce règlement a une implication réelle dans les relations entre fournisseurs et clients", confirme de son côté Claudie Mathieu, de la Fédération des industries des peintures, encres, couleurs, colles et adhésifs (Fipec). Selon elle, certains clients menacent de supprimer les produits des fournisseurs qui ne seraient pas en conformité avec le règlement. Pour cela, une des solutions consiste, pour les entreprises, à garder une trace des demandes adressées à leurs fournisseurs pour s'assurer du respect du règlement européen. "Les gens essayent de se prémunir au niveau juridique", poursuit-elle, en évoquant le montant très lourd des amendes (lire ci-dessous).

Les PME, qui constituent une large part des entreprises ayant pré-enregistré des substances, ne sont pas les seules à vouloir revoir leur arsenal juridique pour s'adapter à Reach. Chez Fidal, on assure être "en contact quotidien" avec le département juridique d'un "très grand groupe français". "Nous sommes un peu comme un service juridique externalisé, uniquement chargé du règlement Reach", commente Frédéric Puel. Fidal dit voir arriver de très nombreuses demandes de ce type depuis le 1er septembre. Une tendance qui devrait se confirmer dans les mois à venir, en attendant les premiers envois de dossiers d'enregistrement à l'Agence européenne des produits chimiques (Echa) au plus tard le 30 novembre 2010.

 

Prochaines étapes

? 30 novembre 2010 : enregistrement des substances dont les entreprises produisent plus de 1.000 tonnes/an.
? 31 mai 2013 : enregistrement des substances dont les entreprises produisent entre 100 et 1.000 tonnes/an.
? 31 mai 2018 : enregistrement des substances dont les entreprises produisent entre 1 et 100 tonnes/an.

 

Jusqu'à 75.000 euros d'amende et deux ans de prison
Le 1er décembre, la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, a averti que les contrevenants au règlement européen encourraient jusqu'à 75.000 euros d'amende et deux ans de prison. Les contrôles devraient débuter au début de l'année 2010 chez les fabricants et les distributeurs. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire), les douanes et les inspecteurs du travail seront chargés des inspections.

 

 

Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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En utilisant les méthodes substitutives retenues dans les cadre de reach moins coûteuses, plus fiables et sans martyrs inutiles d'animaux, les entreprises auraient eu une charges financière inférieure pour effectuer les tests.

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