L'Europe du populisme (2/3) : les pays du "Nord" ne sont pas épargnés

Par Romaric Godin  |   |  839  mots
L'AfD, parti anti-euro allemand, a failli entrer au Bundestag aux dernière s élections
Les élections européennes de 2014 seront sans doute marquées par un rejet des partis traditionnels. Deuxième volet de notre tour d'un Vieux continent gagné par les formations extrêmistes: la situation dans les pays du "nord" qui connaissent des fortunes diverses.

L'Europe fait-elle face à la montée des « populismes » ? Délicat de répondre brutalement à une telle question, tant le terme de « populisme » lui-même est sujet à débats. Si l'on prend comme critère de ce mouvement la remise en cause des élites et des partis traditionnellement dominants, sans préjuger par ailleurs des solutions proposées, on doit reconnaître qu'il existe un véritable mouvement de fond sur le Vieux Continent. Un mouvement qui, souvent, s'appuie sur le rejet de l'euro, conçu comme un instrument imposé par l'establishment. Mais on doit aussi constater que la nature et les causes de ces « populismes » sont aussi diverses que l'Europe elle-même.

Pays-Bas : un basculement politique

Les Pays-Bas connaissent une poussée du populisme depuis un peu plus d'une dizaine d'années. A droite, le Parti pour la Liberté (PVV) de Geert Wilders s'appuie sur un rejet de l'islam et de l'immigration. Mais ce rejet est teinté d'une défense du modèle néerlandais. C'est parce que l'islam radical et l'immigration remet en cause le modèle de tolérance et de welfare state qu'ils sont rejetés. A gauche, la remise en cause de ce même Etat providence a provoqué un durcissement de la position de certains qui ont quitté le vote travailliste (social-démocrate) pour rejoindre le Parti socialiste (SP).

Le SP comme le PVV portent, pour des raisons différentes (le refus de payer pour les « pays pauvres » d'un côté, le refus de l'austérité de l'autre), un discours très critique de l'euro. La crise économique qui frappe le pays depuis l'an passé et les mesures d'austérité du gouvernement de coalition entre Libéraux et Travaillistes de Mark Rutte ont conduit à une accélération du rejet des partis traditionnels.

Déjà, les Chrétiens-démocrates, jadis force essentielle du paysage politique néerlandais, ont fortement reculé de 28,5 % à 8,5 % entre 2003 et 2012. Et le même sort menace les deux partis actuels du gouvernement. Dans les sondages actuels, le PVV obtiendrait 33 sièges contre 15 en 2012 à la Deuxième Chambre, tandis que le SP serait à 25 sièges contre 15. Ensemble, ils obtiendraient dix sièges de plus que les trois partis « traditionnels » réunis.

Allemagne : un euroscepticisme policé

Pays prospère au cœur d'une zone euro en crise, marqué par son passé, l'Allemagne ne connaît guère de poussée « populiste. » La dernière élection a même renforcé les partis traditionnels CDU et SPD qui, ensemble, ont progressé de 11 points. Les néo-communistes de Die Linke, seul parti d'opposition au système libéral allemand, a reculé de près de trois points.

Néanmoins, la crise de l'euro a également marqué les esprits outre-Rhin. Le « sauvetage » de l'euro par la BCE et les aides européennes a développé un rejet de la monnaie unique. Loin d'être majoritaire, ce sentiment s'appuie sur un mélange de sentiment d'injustice, de dépenses inutiles et de danger inflationniste par de la création monétaire. Le parti Alternative für Deutschland (AfD) a su fédérer ce sentiment.

Mêlant à la fois une élite très attachée aux cadre du libéralisme allemand hérité de Ludwig Erhard et une base populaire qui a le sentiment que l'argent donné à la Grèce ôte des moyens de lutter contre les inégalités, AfD a ratissé large dans les bastions libéraux comme dans l'ex-RDA. Il a été très proche d'entrer au Bundestag avec 4,7 % des voix et est désormais une force politique avec laquelle il va falloir compter.

Autriche : le populisme, déjà une vieille histoire

L'Autriche est travaillée par le populisme de droite depuis le milieu des années 1990. Malgré une économie prospère, la république alpine a du mal à intégrer ses immigrés. Après un recul au milieu des années 2000 suite à sa participation au gouvernement, le FPÖ a repris son envol et a obtenu 21,4 % le 29 septembre lors des législatives, soit 4 points de plus qu'en 2008. La crise de la zone euro et la longue période de « grande coalition » ont encore renforcé ses positions. Mais un mouvement inverse se fait jour : pour la première fois, un parti libéral pro-européen, Neos, a obtenu des députés.

Finlande : l'anti-européanisme gagne du terrain

Longtemps épargnée par le populisme, la république nordique a connu en 2010 une forte poussée des « Vrais Finlandais », menés par Timo Soini. Se présentant comme un parti « anti-establishment » fortement opposé à la solidarité au sein de la zone euro, il a raflé 19,1 % des voix, devenant le troisième parti du pays. Son discours a influencé le reste de la politique finlandaise, notamment le parti du centre, qui a durci son discours anti-européen, au point que l'actuel premier ministre Jyrki Katainen a dû constituer une très grande coalition allant des ex-Communistes aux conservateurs. En 2012, le parti a cependant subi quelques défaites électorales, ne gagnant ainsi que 12 % aux municipales et 9,4 % aux présidentielles.