Manuel Valls a-t-il vraiment fait baisser l'euro ?

Par Romaric Godin  |   |  602  mots
Manuel Valls est-il le bourreau de l'euro ?
Le Premier ministre s'est attribuée la baisse de la monnaie unique. Une sortie audacieuse, mais peu crédible.

Ainsi donc, la baisse de l'euro, c'est Manuel Valls ! Dans son discours de politique générale, le Premier ministre français s'est lui-même tressé des lauriers sur le recul de la parité de la monnaie unique européenne avec le billet vert. Ce serait parce que la France a demandé une baisse de l'euro que l'euro a baissé. Magie du verbe et... de la communication politique. Car, dans les faits, le gouvernement français n'a pas grand-chose à voir avec cette situation.

Pas d'effet Valls en avril sur l'euro

Manuel Valls est entré à Matignon le 2 avril 2014. Ce jour-là, l'euro s'échange sur les marchés à 1,37659 dollar. Le 8, le nouveau chef du gouvernement promet qu'il va peser sur le cours de la pièce bicolore. Ce jour-là, un euro vaut 1,3795 dollar. Un mois plus tard, le 6 mai, il vaut encore 1,3925 dollar. C'est dire si les marchés n'ont bien peu prêté attention aux rodomontades de Manuel Valls.

Pourquoi l'euro a baissé

Durant le mois de mai cependant, la dégradation du taux d'inflation de la zone euro qui passe en un mois de 0,7 % à 0,5 % en un mois et les tensions sur les anticipations d'inflation qui en découlent rendent évident une prochaine action de la BCE sur les marchés. Logiquement, on commence à vendre de l'euro. La monnaie unique baisse. Le 5 juin et le 4 septembre, la BCE décide de frapper fort pour contenir le risque de déflation et annonce une vaste entreprise de rachats d'actifs et de prêts à long terme. A cela s'est ajouté la réaction à la politique de la Fed qui a annoncé un prochain resserrement monétaire en juillet, ce qui a dopé le dollar. L'euro recule alors au début de ce mois jusqu'à moins de 1,30 dollar. Ce mardi, il s'échangeait à 1,2939 dollar. Il est évident que le marché des changes n'a pas réagi aux paroles de Manuel Valls, mais bien aux actes de la BCE.

Valls dans le train de Draghi, pas l'inverse

Mais les menaces de Matignon n'ont-elles pas pu impressionner Mario Draghi au point de le décider à agir ? Non, évidemment, et pour deux raisons. D'abord, le président de la BCE avait déjà annoncé avant l'arrivée de l'ancien maire d'Evry au pouvoir que le taux de change était un des éléments clés de sa politique monétaire. Il déclare dès le 13 mars dans un discours à Vienne que l'euro est trop fort et il l'a confirmé lors de sa conférence de presse du 3 avril en promettant d'en faire un des axes de sa politique monétaire. A l'époque, il menace afin de faire baisser l'euro. C'est en juin, lorsque cette politique se sera prouvée inefficace qu'il va agir. Manuel Valls est donc monté dans le train de Mario Draghi et non l'inverse.

Une action possible peu décisive

Deuxième point : Manuel Valls ne disposait en réalité d'aucun moyen de contraindre Mario Draghi à peser sur l'euro. La procédure prévue à l'article 219 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui permet de fixer des orientations de change n'est pas convaincante et ne peut contraindre la BCE à agir. Du reste, elle est impossible en cas d'opposition allemande. Bref, les envolées de Manuel Valls ne sont que des rodomontades matinées de mensonges. La France n'est absolument pour rien dans l'action de Mario Draghi. A moins que l'on estime que c'est la faiblesse de l'économie hexagonale qui a déterminé l'Italien à agir. Mais, dans ce cas, cette faiblesse ne saurait être placée au bénéfice du gouvernement !