La défiance des investisseurs pour la pharmacie atteint Aventis

Aventis n'a pas la santé. En tout cas, pas au niveau boursier. Le groupe pharmaceutique franco-allemand, issu de la fusion entre Rhône-Poulenc et Hoechst, a réalisé la plus mauvaise performance du CAC 40 depuis un mois, tombant à 55 euros mercredi en cours de séance, contre un plus haut de 67 euros début décembre. Certes, l'action Rhône-Poulenc avait fortement grimpé en octobre et novembre, et il convient donc de relativiser la chute. Mais une baisse de plus de 15% en un mois alors que l'indice de référence a gagné 5% sur la même période conduit tout de même à s'interroger. Un bémol toutefois. A y regarder de plus près, Aventis n'est pas la seule valeur du secteur visée par les investisseurs puisque la deuxième plus forte baisse du CAC 40 sur le mois de décembre est Sanofi-Synthélabo, dont le titre a abandonné 12% environ ces quatre dernières semaines. Et les performances des entreprises étrangères ne sont pas meilleures. En Europe, l'action AstraZeneca a perdu 11% depuis le début du mois de décembre et le Dow Jones Euro Stoxx Pharma, 14% environ. Aux Etats-Unis, malgré la guerre que se livrent Pfizer et AHP pour le contrôle de Warner Lambert, les titres des laboratoires pharmaceutiques ont aussi fortement chuté. L'action Merck a perdu 18%, AHP, 20% et Pfizer, 11%. Deux raisons sont avancées pour expliquer ce repli. Tout d'abord, le début de la campagne pour les présidentielles américaines joue un rôle non négligeable. " Même s'ils sont en faveur d'une refonte du Medicare - le système de santé américain -, explique un analyste, les candidats ne sont pas prêts à augmenter les dépenses de santé. Ils vont donc s'en prendre aux laboratoires pharmaceutiques et leur demander de rogner sur leurs marges. " Autre raison, la crainte des produits génériques, ces médicaments qui vont être " copiés " car tombés dans le domaine public. Pour cet analyste, " plus de la moitié des dix premières compagnies du secteur vont perdre les brevets de leurs médicaments les plus populaires au cours des prochaines années. " Résultat, les investisseurs craignent que la croissance des bénéfices des laboratoires pharmaceutiques s'en ressente. Les entreprises du secteur vont " devoir trouver des nouveaux relais de croissance ", selon l'un d'eux, " pour assurer leur niveau de valorisation ". Aujourd'hui, Aventis se paie près de 35 fois ses bénéfices estimés pour 2000. De plus, " le contexte boursier actuel ne leur est pas franchement favorable ", relève ce même expert. Les analystes tablent sur une croissance des bénéfices des sociétés qui composent le CAC 40 de l'ordre de 18% en moyenne sur les trois prochaines années alors que les résultats de la pharmacie devrait progresser de 7 à 10% sur la même période. Dans cette situation, certains s'interrogent : " la question est de savoir si l'industrie pharmaceutique n'est pas en train de changer de statut boursier ", se demande un analyste d'une société de bourse parisienne. " Les valeurs de la pharmacie ne sont plus des valeurs de croissance ", affirme-t-il, même si les dépenses de santé vont continuer à augmenter dans les pays développés et si les fondamentaux du secteur restent bons. En ce qui concerne Aventis, l'action qui a surperformé le CAC 40 au cours de l'automne a aussi subi des dégagements purement " techniques " qui ont aggravé la chute. Si les gérants " indiciels " ont acheté des titres de la nouvelle entité en porévision de son entrée dans les indices européens, certains investisseurs ont les revendu peu après et ont ainsi profité de la hausse de la demande à un moment précis. D'autre part, une spécialiste précise que le profil d'Aventis reste très axé sur " l'agrochimie ", qui n'a pas la cote en Bourse aujourd'hui,après les déboires de l'Américain Monsanto dans les Organismes génétiquement modifiés (OGM). Pourtant, malgré toutes les incertitudes liées à la rentabilité future du secteur, les analystes restent largement favorables à l'action Aventis. Tout simplement parce qu'à un moment où il devient de plus en plus coûteux de développer une molécule commercialisable au niveau mondial -il en coûterait en moyenne de 500 à 600 millions de dollars -, Rhône-Poulenc et Hoechst ont fait le bon choix en se rapprochant. Que ce soit dans la pharmacie (75% du chiffre d'affaires pro-forma 1998, soit 13,080 milliards d'euros) ou dans l'agrochimie, selon Crédit Suisse First Boston, Aventis occupe le leadership mondial. Et, si la banque d'affaires prévoit que le chiffre d'affaires de la seule activité pharmacie n'augmentera que de 6 à 7% par an au cours des 3 prochaines années, les synergies espérées, évaluées à 750 millions d'euros, devraient permettre au laboratoire franco-allemand d'atteindre une marge opérationnelle de 20,5% d'ici 2003. Bref, " le marché n'attend plus que la concrétisation de ces synergies ", selon un analyste parisien. " Ce qui devrait être fait au cours du premier semestre 2000 ", ajoute-t-il.
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