La Turquie, en vouloir ou pas ?

L'envie, pourtant, n'est pas contestable. Elle s'affiche même cette semaine dans les pages qu'a achetées Ankara dans trente-sept journaux européens pour la clamer haut et fort. " Nous sommes un pays politiquement stable, jeune, dynamique et culturellement riche, prêt à apporter une vraie contribution à la paix et à la prospérité de l'Europe, " annonce la belle publicité.La Turquie aurait également pu vanter sa constance : n'est-elle pas officiellement candidate depuis 1963 et un accord d'association censé lui ouvrir les portes de... l'Europe des Six d'alors? Il n'empêche, a répliqué Valéry Giscard d'Estaing, mettant ainsi le feu aux poudres : elle a " 95% de sa population hors d'Europe ", " sa capitale n'est pas en Europe ". Elle n'a donc rien à faire dans l'Union Européenne.L'avis est loin de faire l'unanimité, bien sûr. Du commissaire européen Chris Patten au Premier ministre danois Rasmussen, nombreux sont ceux pour qui "on ne peut pas dire non à la Turquie". Le président Chirac se veut encourageant mais pas catégorique : "la Turquie a toute sa place dans l'Europe, dans la mesure où elle adhère aux mêmes valeurs que l'Europe et respecte les critères de Copenhague", estime-t-il.Ces fameux critères (avoir une économie de marché, avoir les caractéristiques d'une démocratie, présenter un acquis communautaire) ne sont pourtant pas l'essentiel. La religion turque ou le dynamisme de sa démographie ne le sont pas davantage.Car, au fond, toute la polémique relative à l'intégration de la Turquie revient à une question simple à énoncer, mais à laquelle il demeure aujourd'hui encore extrêmement difficile de répondre : que veut-on faire de l'Europe ? Veut-on bâtir un vaste espace de libre échange, garantir la paix d'un continent, voire jeter les bases d'une défense commune liée à l'OTAN ? Dans ce cas, l'intégration de la Turquie ne devrait pas poser de problème. S'agit-il plutôt de construire une véritable fédération, partageant une politique économique, étrangère, dotée d'institutions communes et d'une constitution en bonne et due forme ? La réponse est alors moins évidente, et mérite assurément débat.En débattant de l'intégration de la Turquie, l'Europe ne peut laisser passer la chance de redéfinir, une fois pour toutes, l'identité qu'elle entend se donner.
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