Jean-Marie Messier, ennemi du spéculateur

La lecture de la lettre adressée hier par Jean-Marie Messier aux quelque 290.000 salariés de son groupe a quelque chose de fascinant. "Les spéculateurs cherchent des cibles, les unes après les autres," s'insurge-t-il dans ce courrier pédagogique en forme de questions-réponses. "Le cours actuel de notre action n'a aucun rapport avec notre performance et est victime de 'rumeurs et manipulations'."Pourquoi ? "Parce que les marchés sont désorientés." Mais pourquoi Vivendi ? "Nous sommes une proie facile pour plusieurs raisons. Notre action est liquide. Nous sommes Européens, donc moins bien connus des investisseurs américains. Nous sommes complexes. Le passage aux normes comptables (américaines) peut être présenté comme un facteur d'incertitude si les gens veulent agir avec mauvaise foi." Spéculation, ignorance ou rejet de la complexité du numéro deux mondial de la communication, le résultat est là. Hier soir, à la clôture, l'action Vivendi Universal affichait un cours de 45,15 euros, soit une baisse de 26,6% depuis le début de l'année. Qui dit mieux ? Pas grand monde dans le secteur des médias, semble-t-il. L'indice DJ Stoxx affiche un repli de 14,5% depuis le 1er janvier. Viacom, malgré les méchantes rumeurs (encore elles !) de disputes incessantes entre ses deux patrons, n'a perdu que 16,5%. Mais AOL Time Warner affiche il est vrai le même score à la décimale près : moins 26,6%.Et pourtant, Jean-Marie Messier tient ses objectifs de résultats, comme il le rappelle dans sa lettre. Il n'a fait aucun "profit warning". Sa dette est sous contrôle. Sa comptabilité ne recèle aucun secret douteux, y compris hors bilan. Il dit ne pas avoir de grand projet d'acquisition et assure qu' "il ne manque aucune pièce à (notre puzzle)." Mieux : ses actionnaires de référence (Bronfman, Philips, Liberty Media) n'ont aucune intention de céder leurs titres cette année.A ce stade, il convient de résumer quelques épisodes précédents.Jean-Marie Messier s'est installé à New York en septembre dernier pour, explique-t-il alors, se rapprocher de la communauté financière des Etats-Unis et renforcer son actionnariat américain. Quelque mois plus tard, il enterre à grands fracas "l'exception culturelle franco-française". Puis il célèbre la mondialisation et la "diversité culturelle" (la "diversité" succédant à l' "exception" pour ceux qui n'ont pas tout suivi) en offrant un magnifique concert aux hôtes du "Davos new-yorkais".Avant de dénoncer six jours plus tard les vilains spéculateurs, les investisseurs américains qui vendent l'action de son groupe avant même d'avoir appris à le connaître - bref, avant de condamner soudain la Bourse et ses travers?...Non, non, tout de même pas.A la question, presque existentielle : "Que devons-nous faire ?" JMM répond à la fin de sa lettre: "Il nous faut comprendre que, bien que le marché ait toujours raison, il n'a pas raison tous les jours."Comme ça, on comprend mieux.
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