"Il est difficile d'avoir un budget cohérent quand on n'a pas d'argent"

latribune.fr - Le gouvernement a basé la construction de son projet de budget pour 2004 sur une hypothèse de croissance de 1,7%, cela vous semble-t-il crédible ?Philippe Chalmin - Ce n'est pas ridicule comme prévision. Echaudé par l'expérience du projet de loi de finances 2003 (ndlr, le gouvernement avait bâti son budget sur une hypothèse de croissance de 2,5% et a été contraint de revoir à la baisse cette projection à de nombreuses reprises), le gouvernement se couvre en choisissant un chiffre correspondant à la moyenne des prévisions des économistes. A titre personnel, j'estime cette projection un peu élevée et je parie plutôt sur une croissance de seulement 1% l'an prochain. A mon sens, les ingrédients de la reprise ne seront pas au rendez-vous, notamment l'investissement. Le scénario du gouvernement prévoit une contribution de l'investissement des entreprises de 1,9 point à la croissance l'an prochain, or les patrons n'ont pas envie d'investir. Ils restent circonspects quant à l'avenir et, par ailleurs, un certain nombre d'ajustements ne sont pas encore terminés.Dans ce contexte, quel regard portez-vous sur le projet de loi de finances (PLF) 2004 ?Pour l'élaboration de ce budget, le gouvernement ne disposait d'aucune marge de manoeuvre. Sur le volet dépenses, à partir du moment où certains ministères (Intérieur, Défense) correspondant aux tâches régaliennes de l'Etat ne devaient pas être touchés, alors il ne restait pas grand chose pour les autres dans un contexte de maîtrise des dépenses. En fait, il n'y a pas eu sur ce plan d'inventivité extraordinaire mais nous n'avons pas les moyens de faire de la relance keynésienne comme aux Etats-Unis. Quant aux recettes, réduites par la moindre croissance, on peut effectivement s'interroger sur la pertinence du choix consistant à baisser l'impôt sur le revenu. Même si les Français ont du mal à s'en convaincre, cet impôt est le plus juste et il me semble que l'on aurait pu arbitrer autrement, à savoir supprimer un impôt plus injuste et stupide à mon sens, à savoir la redevance télévisuelle. Néanmoins, avec la baisse de l'impôt sur le revenu, le gouvernement a fait le choix de tenir des engagements pris durant la campagne électorale.Baisse de l'impôt sur le revenu d'un côté, hausse du gazole de l'autre... Certains élus, y compris dans la majorité, dénoncent le manque de cohérence de ce budget. Partagez-vous ce point de vue ?Il est difficile d'avoir une cohérence quand on n'a pas d'argent. Cette critique revient à reprocher à un pauvre de mal gérer son budget. Jean-Pierre Raffarin est dans la même situation et, à travers ce PLF, il se borne à envoyer des messages en maniant les symboles: réduction du nombre de fonctionnaires, augmentation de la prime pour l'emploi, contrats jeunes, baisse de l'impôt sur le revenu...En 2004, la France affichera une nouvelle fois un déficit public supérieur à la limite de 3% fixée par le Pacte de stabilité, ne pouvait-on faire mieux ?Il ne faut pas tirer sur les ambulances mais on peut faire feu sur celles qui se sont déjà garées. Autrement dit, il est moins aberrant d'accuser 4% de déficit public avec une croissance à peine supérieure à 0% que de s'être satisfait en 2000 d'un déficit public de 1,3% pour une croissance de 3,8% du produit intérieur brut. Si votre crainte d'une croissance limitée à 1% l'an prochain se réalise, le gouvernement risque de se retrouver en septembre 2004 enfermé dans les mêmes contraintes. Que peut-il faire ?Il faudrait accélérer le train des réformes lourdes: engager une profonde réforme fiscale et prendre en main le dossier explosif de la santé. Ce n'est évidemment pas facile dans un contexte économique morose mais il faut s'y attaquer. Et là encore, la responsabilité de la précédente équipe est importante.
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