Le non d'EDF-GDF, coup dur pour la réforme des retraites

En rejetant jeudi le projet de réforme de leur régime de retraite, les salariés d'EDF-GDF ont porté un rude coup à la grande ambition du gouvernement de moderniser le système français de retraite dans le courant de cette année. Même si le Premier ministre a réaffirmé, vendredi, que sa détermination en la matière était intacte, un certain désarroi était sensible dans le camp des réformateurs. Le responsable de la branche énergie de la CGT, favorable au projet et qui a donc été désavoué par la base, a ainsi décidé de se soumettre à un vote de confiance...Selon les chiffres définitifs publiés par la CGT, le non a remporté 53,42% des suffrages et le oui 46,57%. Le rejet est d'autant plus clair que le taux de participation a été élevé, frôlant les 64% des près de 290.000 inscrits (150.000 salariés actifs, 99.000 retraités, 39.000 ayants droits).Du coup, la CGT a dû retirer son appui à la réforme. En proie à de fortes dissensions internes, le syndicat avait annoncé, tout en en soutenant le principe, qu'il ne signerait l'accord que s'il était accepté par le personnel. Au vu des résultats, le secrétaire général de la fédération CGT de l'Energie, Denis Cohen, a fort logiquement annoncé que son organisation ne signerait pas, et cela alors même qu'il était lui-même partisan affiché du oui. Le même Denis Cohen a également demandé, vendredi soir, au conseil général de la fédération, de procéder à un vote de confiance sur son mandat.IncertitudeLa plus grande incertitude pèse désormais sur le sort de cet accord. Ramenés au nombre de trois - CFDT, CFE-CGC et CFTC - les syndicats signataires ont certes affirmé que ce scrutin ne remet pas en cause leur approbation. Pour ces organisations syndicales, ce n'est pas tant le principe d'une réforme de leur régime de retraite que les salariés d'EDF-GDF ont rejeté, que les perspectives d'évolution du statut de leurs entreprises. La CGC a par exemple expliqué que "la peur des privatisations d'EDF et GDF et de la réforme Fillon avait joué dans la consultation des personnels", tandis que la CFDT déplorait pour sa part "l'amalgame fait entre ouverture du capital et retraites". A l'inverse, bien sûr, les adversaires de la réforme, comme FO ou Sud, se sont félicités du résultat du vote. Le syndicat de Marc Blondel voit là un signe "encourageant pour continuer la lutte contre les volontés gouvernementales de remettre en cause les régimes particuliers et le régime général" des retraites. Les partisans de la réforme essayent malgré tout de faire contre mauvaise fortune bon coeur. Pour le président de l'Union française de l'électricité (UFE, patronat) Bernard Brun, ce résultat est certes une "déception incontestable". Mais la direction d'EDF affirme que ce résultat ne compromet pas la méthode de négociation et de concertation, estimant que "l'accord existe, il est déjà signé par trois grandes organisations syndicales représentatives". Priorité gouvernementaleLes partisans de la réforme peuvent-ils donc faire comme si de rien n'était, ce qui est juridiquement possible? Un comité paritaire, programmé vendredi après-midi au siège de Gaz de France, devait leur permettre d'envisager les différentes hypothèses. De même, le ministre de l'Economie et des Finances, Francis Mer, et la ministre déléguée à l'Industrie, Nicole Fontaine, devaient recevoir vendredi soir les signataires de l'accord - les syndicats CFDT, CGC, CFTC et, pour le patronat, l'UFE (Union française de l'Electricité) et l'UNEMIG (Union nationale des employeurs des industries électriques et gazières).Mais il est clair que la légitimité de cette réforme clé est durement atteinte par le rejet manifesté par le personnel.Les conséquences de ce vote vont du coup bien au delà des seuls EDF et GDF. Pour le gouvernement Raffarin, la réforme des régimes de retraite est la priorité numéro un de 2003. Un projet complet doit être mis au point d'ici la fin du premier semestre, concernant le régime général. Mais la réforme des régimes spéciaux est également sur la table et le projet EDF-GDF - pourtant fort modéré dans ses conséquences pour les retraités - faisait à cet égard figure de pionnier en la matière. Le vote de jeudi sonne donc comme un sérieux avertissement pour l'équipe de Jean-Pierre Raffarin : la réforme des retraites sera certainement encore bien plus difficile à faire accepter qu'elle ne le croyait jusqu'ici. C'est ce qu'a affirmé le secrétaire général de FO, Marc Blondel, dans un communiqué où il souligne que la victoire du "non" dans le référendum sur les retraites EDF-GDF va peser "sur l'ensemble du dossier retraite", dossier dans lequel "les pouvoirs publics seraient bien inspirés de ne pas miser sur l'ambiguïté". Le Premier ministre lui a répondu rapidement, affirmant lors de la présentation de ses voeux à la presse que le vote des salariés d'EDF-GDF "n'entame en rien la détermination" du gouvernement sur la réforme des retraites. Mais ce scrutin montre également que la réforme des statuts des deux entreprises publiques suscitera de très vives oppositions au sein des personnels. Ce qui n'est pas une meilleure nouvelle pour le gouvernement.latribune.frLes principaux points de l'accordUne caisse de retraites unique pour la branche doit être créée, garantie par l'Etat. Des accords seront mis en place avec les "régimes de solidarité interprofessionnelle" (régime général assurance vieillesse CNAV et régimes généraux complémentaires Agirc et Arrco) pour "libérer les entreprises de l'obligation comptable de porter ces engagements dans leurs comptes". Le statut et le régime spécial de la branche sont maintenus et garantis. Les prestations sont maintenues pour l'ensemble des bénéficiaires actifs et inactifs, présents et à venir. Cependant, ces prestations "évolueront dans le cadre de la négociation de branche, à l'initiative des partenaires sociaux ou des pouvoirs publics au regard des évolutions des régimes de retraites" généraux. Les cotisations salariales et patronales seront harmonisées avec celles du privé, les cotisations salariales passant de 7,85% à 11,90%. L'Etat garantit les "droits spécifiques constitués à la date de la réforme", les entreprises les "droits spécifiques constitués après la réforme". (avec AFP)
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