L'Europe lance un "avertissement" à la France sur son déficit

Les ministres européens des Finances ont formellement lancé mardi à Bruxelles un "avertissement" à la France pour le dérapage de ses déficits publics, malgré l'opposition formulée par le ministre français Francis Mer sur les recommandations adressées à son pays. Ils ont également entériné une procédure disciplinaire pour "déficit excessif" contre l'Allemagne, une mesure approuvée par consensus par l'ensemble des ministres des Finances. Ces deux décisions étaient attendues après la réunion, lundi soir, des ministres des Finances de la zone euro, qui avait permis de dégager un "accord politique" sur le vote, aujourd'hui, des résolutions contre la France et l'Allemagne. C'est donc sans surprise que la réunion d'aujourd'hui a débouché sur l'adoption d'une recommandation critiquant le dérapage déjà constaté du déficit public allemand au delà de la sacro-sainte barrière des 3% du PIB et d'une alerte préventive mettant la France en garde contre l'imminence d'un dérapage similaire de ses propres finances publiques. Ce sont, autrement dit, les deux pays qui multiplient ces jours-ci les initiatives pour relancer la construction européenne qui sont montrés du doigt pour leur non respect des règles communautaires...La réunion préparatoire de lundi a montré, une nouvelle fois, à quel point la France est isolée sur la question des déficits. Au nom du gouvernement français, Francis Mer a en effet refusé encore une fois les propositions formulées par la Commission européenne pour traiter le problème de ses déficits publics. Alors que le déficit français approche dangereusement de la limite des 3% fixée dans le Pacte de stabilité - le gouvernement prévoit 2,6% en 2003, mais la Commission table plutôt sur 2,9% -, Bruxelles demande avec insistance à la France de s'engager à réduire de 0,5% dès 2003 le déficit structurel (c'est à dire en dehors des effets de la conjoncture) et à revenir à l'équilibre budgétaire en 2006 "au plus tard". Mais le gouvernement français ne veut rien entendre. Considérant que, dans une période de conjoncture déprimée, des mesures d'austérité budgétaire contribueraient à détériorer encore l'activité économique, Paris ne parle d'un retour à l'équilibre qu'en 2007 et ne prévoit cette année qu'une baisse de 0,2% de son déficit structurel. Francis Mer, "ardent partisan" du Pacte de stabilitéCette position, exprimée lundi soir par Francis Mer, n'a pas suscité l'enthousiasme de ses interlocuteurs, qui ont tendance à considérer que la France est toujours la première à donner des leçons aux autres, mais se défile quand il lui faut prendre des mesures difficiles. La position française "n'a pas bénéficié de soutien" mais la discussion a eu lieu "brièvement et sans drame", a-t-on assuré pudiquement de source française...Intervenant devant la presse mardi après-midi, Francis Mer s'est efforcé de dédramatiser la situation. Affirmant qu'il demeure un "ardent partisan" du Pacte de stabilité, le ministre a soutenu que la France "est en ligne" avec celui-ci. Selon le ministre des Finances, en fait, la France va bien faire ce que l'on attend d'elle, mais à son rythme, un peu plus lent que ne le voudraient ses partenaires. Or, souligne-t-il, "ce qui compte, c'est la direction"... Ce type d'arguments n'avait pas convaincu les partenaires de la France lundi soir et ne les a pas convaincus davantage mardi. Ainsi, le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires Pedro Solbes a rappelé à Bruxelles que la France "ne peut pas ignorer les obligations" liées au Pacte de stabilité des économies de la zone euro. Il lui faut donc "apporter sa contribution à renforcer la confiance dans notre monnaie et à renforcer le cadre de l'Union monétaire", a estimé le commissaire. Les partenaires de la France ont pu également relever la différence d'attitude entre celle-ci et l'Allemagne: cette dernière, qui fait donc l'objet d'une réprimande pour ses dérapages constatés - un déficit de 3,7% en 2002 - , accepte sans discuter les recommandations de Bruxelles. Purement formelle, puisque n'impliquant pas de sanction concrète, l'adoption des avertissements, aujourd'hui, n'en risque pas moins d'avoir un effet psychologique des plus négatifs. D'une part parce que tout le monde sait que la France ne va pas en tenir compte le moins du monde, ce qui n'arrangera pas la crédibilité du Pacte de stabilité. Et d'autre part parce que, au moment où la France et l'Allemagne multiplient les initiatives spectaculaires pour restaurer leur leadership européen, ces "condamnations" tombent on ne peut plus mal.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.