A Davos, l'Amérique prêche, l'Europe s'abstient

Puisqu'il était de bon ton, cette année, de bouder le "club des riches" de Davos et de célébrer Porto Alegre, pas une figure politique européenne de premier plan n'a fait le voyage de la petite station suisse des Grisons. Dans les chancelleries du vieux continent, on ne s'est manifestement pas posé la question de savoir pourquoi Colin Powell a choisi, lui, de faire le déplacement, à un moment où le secrétaire d'Etat américain a quelques autres chats à fouetter, et non des moindres.Il aurait pu tout aussi aisément se dérober : les Etats-Unis ont été la cible de critiques nombreuses et virulentes à Davos. Mais il a choisi de venir s'expliquer longuement, tout comme l'un de ses principaux collaborateurs Richard Haas, tout comme l' "Attorney General" John Ashcroft ou le ministre du Commerce Don Evans. Richard Haas a reconnu que les Etats-Unis n'avaient pas encore su convaincre sur l'Irak. Colin Powell a fait comprendre que Washington n'avait pas pour autant l'intention de faiblir, bien au contraire. John Ashcroft s'est efforcé tant bien que mal de convaincre des vertus de la lutte contre le terrorisme. Et sur le terrain de l'économie, Don Evans a assuré que "le président est très attaché à poursuivre des politiques de soutien de la croissance." "Les fondamentaux sont en place," a-t-il assuré.Ce volontarisme n'a pas produit de miracle. Mais il ne manque pas de panache et son effet n'a pas été nul. "J'étais très sceptique vis à vis de notre politique en Irak," avouait un PDG américain après une longue discussion avec Richard Haas. "J'ai eu les réponses à certaines de mes questions, et je comprends mieux la logique d'une intervention, aujourd'hui." Et pendant ce temps-là, où étaient l'Europe et ses ministres ? A quelques rares exceptions près (dont le ministre français de l'Economie Francis Mer), certainement pas à Davos, ce temple de la mondialisation libérale, en train de mener la grande vie avec des patrons de multinationales.La réalité, c'est que l'ambiance de Davos était, cette année en tous cas, plutôt frugale et franchement studieuse. C'est aussi et surtout que l'Europe était attendue. Pour parler de l'Irak, bien sûr, mais pas seulement. Pour donner une vision de son avenir à 25, par exemple. On n'a parlé que d'elle, cette Union Europénne, à l'occasion d'un dîner réunissant plusieurs chefs d'Etats et ministres des Balkans où... pas un seul représentant de l'UE n'avait jugé utile de faire le déplacement.On objectera que les diplomates français, allemands ou bruxellois n'ont pas besoin de Davos pour rencontrer leurs homologues américains ou faire progresser l'intégration européenne. Certes. Jouer aux abonnés absents devant 2000 représentants de l'élite mondiale des affaires est peut-être aussi une bonne façon de brosser l'opinion publique dans le sens du poil. Mais cela peut également apparaître comme une belle occasion manquée de démontrer que l'Europe existe, et qu'elle a quelque chose à dire devant une audience qui détient, pour une bonne part, les clés du dynamisme de son économie.
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