Réquisitoire de Trichet sur les dérapages budgétaires

A la tête de la Banque centrale européenne depuis le 1er novembre, Jean-Claude Trichet a présidé aujourd'hui son premier conseil des gouverneurs. Comme anticipé par les marchés, la BCE est restée l'arme au pied: le loyer de l'argent demeure inchangé, avec le taux principal de refinancement bancaire de l'institut d'émission qui reste au niveau auquel il avait été fixé le 5 juin, soit 2%.A la suite de l'annonce de ce statu quo, Jean-Claude Trichet a dû sacrifier à l'exercice imposé du commentaire. Des propos du nouveau locataire de l'Eurotower, on peut seulement déduire que la Banque centrale européenne n'entend pas se précipiter pour modifier sa politique monétaire, et ce malgré le mouvement de hausse des taux initié aujourd'hui en Grande-Bretagne (lire ci-contre). Pour le successeur de Wim Duisenberg, le niveau des taux d'intérêt dans la zone euro est "pour le moment approprié". Avec cette terminologie, la BCE envoie un message clair aux marchés: pas question de modifier à court terme les taux d'intérêt et ce même si l'institut d'émission perçoit des signes encourageants dans la conjoncture. "En zone euro, les indicateurs pointent de plus en plus en direction d'une certaine amélioration de l'activité au deuxième semestre de cette année", la reprise devant ensuite aller "en se renforçant dans le courant de 2004", a ainsi commenté Jean-Claude Trichet. Redémarrage dans l'industrie, accélération dans les services... l'activité paraît effectivement sur la bonne voie mais ce mouvement ne semble pas pour l'instant suffisant pour relancer l'emploi et donc la demande intérieure. Un autre élément devrait également contrecarrer toute velléité d'assouplir la politique monétaire: le niveau des prix. L'inflation dans la zone euro, qui s'est établie à 2,1% en octobre, pourrait "continuer à évoluer autour de ce niveau pour encore plusieurs mois et donc ne pas ralentir aussi rapidement et fortement que ce qui avait été escompté jusqu'à l'été", a souligné le patron de la BCE.Ces commentaires sur la situation conjoncturelle et le niveau des taux effectués, Jean-Claude Trichet a haussé le ton au moment d'évoquer la question des déficits publics. Dramatisant volontairement le sujet, le président de la BCE a estimé que "les évolutions budgétaires et le Pacte de stabilité et de croissance sont désormais à un stade critique, où la crédibilité des fondements institutionnels de l'Union monétaire européenne doit être préservée". Dans la foulée, Jean-Claude Trichet a, pour la première fois, critiqué la décision de la Commission européenne d'accorder un délai jusqu'en 2005 à la France, visée par une procédure pour déficit excessif, pour ramener son déficit public dans la limite fixée par le Pacte de stabilité européen (3% du PIB). En 2003, le déficit français devrait avoisiner les 4% et le gouvernement a prévu de le ramener à 3,6% l'an prochain. La France et l'Allemagne, les deux premières économies de la zone euro, sont actuellement dans le collimateur de Bruxelles et risquent des sanctions pour le creusement de leurs déficits au delà de la limite des 3% du PIB. En début de semaine, l'Eurogroupe a choisi d'accorder un délai à Paris en échange d'efforts budgétaires supplémentaires pour 2004. Cette décision s'était heurtée à l'hostilité de certains pays, comme l'Autriche et les Pays-Bas, partisans d'une application rigoureuse des règles du Pacte de stabilité. Jean-Claude Trichet semble d'emblée se ranger à leurs côtés, estimant qu' "au vu de l'évolution récente de la procédure de déficit excessif, il est de l'avis du conseil des gouverneurs que les propositions de la Commission poussent à ses limites l'interprétation des règles et procédures" prévues par le Pacte.
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