Microsoft (peut-être) face à un os

Le géant planétaire des logiciels mettra-t-il un genou à terre en Europe ? Les anti-Microsoft l'espèrent depuis un an, après le jugement qui avait permis à l'entreprise de Bill Gates de sortir quasi indemne du procès antitrust intenté par la justice américaine. Ceux qui avaient cru voir Microsoft scindé en deux, affaibli et vulnérable avaient dû déchanter. L'arrivée du très pro-business George Bush à la Maison Blanche n'avait d'ailleurs pas peu pesé dans la recherche d'une solution amiable, forcément favorable au fleuron de l'industrie informatique américaine. Cette semaine, les yeux se sont donc tournés vers Bruxelles, où se déroulaient trois jours d'audition à huis clos devant les services de Mario Monti, le commissaire européen à la Concurrence. Un échange à trois en fait, puisque les concurrents de Microsoft - parmi lesquels Sun Microsystems et l'européen Nokia - étaient invités à présenter leurs "griefs" à l'égard de la firme de Redmond. Des griefs qui abondent très logiquement dans le sens des observations qui fondent l'enquête de la Commission européenne. Très classiquement, de ce côté-ci de l'Atlantique, Microsoft est aussi accusé d'abus de position dominante et de pratiques anticoncurrentielles en intégrant à l'archi-dominant système d'exploitation Windows son lecteur de fichiers multimédias "Media Player". Par ailleurs, il empêcherait les autres fabricants de logiciels d'accéder aux codes sources indispensables pour intégrer des logiciels non Microsoft à Windows. Accusation déjà maintes fois portées mais qui, cette fois, sont examinées non par la justice, mais par une instance administrative. Qui plus est redoutable. C'est d'ailleurs ce qui peut finir par inquiéter Microsoft. Le groupe, qui ne risque pas des bouleversements colossaux, en rajoute beaucoup pour apparaître dans une "démarche constructive". Mais il n'oublie pas pour autant de manier la menace en affirmant, en coulisse, que de trop grandes modifications dans Windows le conduiraient à proposer sur le marché européen une "sous-version" du système d'exploitation. Appuyé sur un dossier visiblement solide, Mario Monti, dont l'action au sein de la Commission est aussi essentielle en théorie que controversée en pratique, ne devrait toutefois pas se laisser intimider. Il y va de sa capacité à faire prévaloir le respect des règles européennes de concurrence dans ce cas plutôt singulier : l'entreprise visée est un leader mondial, d'origine américaine, elle a peu d'adversaires européens, hormis peut-être Nokia, et elle ne vient pas valider une fusion ou un plan de restructuration. Armé de solutions qui se veulent pragmatiques et réalistes, s'il venait à faire plier Microsoft, Mario Monti n'apparaîtrait plus seulement comme un traqueur d'aides publiques et un empêcheur de fusionner en rond.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.