L'OL prêt à faire son entrée sur le terrain de la Bourse

Cette fois-ci c'est parti. Jean-Michel Aulas, le président de l'Olympique lyonnais, a déposé en début de semaine le dossier d'introduction en Bourse de son groupe auprès de la COB. Même si, en France, le sport reste un instrument de citoyenneté promoteur de valeurs inaliénables. Cette vision a toujours rendu suspects les liens entre sport et finances. La loi Buffet prohibant la cotation des clubs l'a réaffirmé. Mais Jean-Michel Aulas ne s'y résigne pas. Dès la réélection de Jacques Chirac, en 2002, il a repris son lobbying débridé. Le nouveau ministre des Sports, Jean-François Lamour, reste toutefois fidèle à la vision romantique du sport. Et au printemps, la nouvelle loi sur le sport ne lève pas l'interdit.Solidité financière. Malgré cet échec, Jean-Michel Aulas annonce, début octobre, qu'il envisage la cotation d'une holding regroupant non seulement l'OL, mais aussi ses activités annexes. Cette entreprise, appelée la Société de participation des clubs sportifs (SPCS), est détenue à 52 % par Jean-Michel Aulas et comprend notamment une télévision, un magasin de 300 m2, le marchandising du club et même un salon de coiffure. Cette fois, le gouvernement s'incline. Le ministre dit ne pas pouvoir s'opposer à cette cotation. Face aux critiques de volte-face, il répond, sans convaincre : Canal + et M6 sont cotés et propriétaires de clubs. Sauf que, dans ces cas, les clubs ne sont pas les actifs principaux.Le gouvernement a donc accepté le coup de force de Jean-Michel Aulas et Lyon sera le cobaye du football français en Bourse. Il est vrai que, selon Hervé Varillon, président de Bourse Finances Sport (BFS), une société de conseil spécialisée, ce club est le plus apte à se frotter aux marchés. D'abord, la diversification de la SPCS - 11 % de son chiffre d'affaires est réalisé hors OL - et la volonté de Jean-Michel Aulas d'aller encore plus loin minimisent les aléas sportifs. De plus, la holding a montré une vraie solidité financière. Certes, l'exercice 2002-2003 clos au 30 juin, s'est soldé par une perte nette de 6,4 millions d'euros, mais les huit derniers avaient été positifs et un retour aux bénéfices est prévu dès l'exercice en cours. Cette résistance, alliée - fait rare dans le football français - à un endettement faible, fait de la SPCS un candidat sérieux pour le marché. Jean-Michel Aulas a indiqué qu'il entendait lever environ 30 millions. Contacté par La Tribune, il a refusé d'en dire plus, le dossier étant transmis à la COB. Mais en partant sur ces bases, Hervé Varillon considère qu'il s'agit d'un objectif ambitieux pour le Second Marché. D'autant que les investisseurs sont échaudés par les déboires du secteur en Europe et par l'absence d'élément concret de comparaison à la Bourse de Paris. Les gérants contactés se montrent d'ailleurs, au stade actuel, assez peu enthousiastes. "J'hésiterais à acheter des actions de la SPCS", affirme George Ducel, conseiller en investissement du fonds Olympe de Tocqueville Finances. Jean-Michel Aulas ne peut pas compter davantage sur les supporters du club, qui restent bien moins nombreux que ceux des clubs britanniques ou d'Europe du Sud. Certes, Georges Ducel estime qu'on peut compter sur des achats "émotifs" d'amateurs de football. Mais l'introduction de Lyon visera surtout des institutionnels. "La décision du président de l'OL est courageuse, mais je crains qu'elle ne soit pas couronnée de succès", résume Hervé Varillon. A moins que l'introduction ne vise une autre ambition, celle de renforcer la structure capitalistique autour de deux ou trois gros actionnaires. Pour ces derniers, l'avantage de la cotation est, rappelle Georges Ducel, "de pouvoir sortir plus aisément et de bénéficier d'une gestion transparente". Un luxe dans le football français, où les bilans sont souvent obscurs et rarement rendus publics. Le président du club de Lens, Gervais Martel, indique que l'avantage de la cotation est d'abord de "rassurer les investisseurs".Dérapages. Comment néanmoins juger de la réussite de l'introduction de Lyon ? "Le premier élément sera celui de la valorisation", avance Georges Ducel. Après les dérapages des précédentes introductions européennes, il considère que l'action pourrait être attractive avec un multiple cours sur bénéfice escompté compris entre 10 et 15. Mais il faudra que le management fasse la preuve d'une gestion rigoureuse et soucieuse de l'intérêt des actionnaires. "S'il n'y a pas, comme souvent, une politique kamikaze d'achats de joueurs avec l'argent levé, la société pourrait devenir intéressante", affirme-t-il. Pour Hervé Varillon, l'élément déterminant sera la décorrélation entre les résultats sportifs et le cours de Bourse. "Si Lyon connaît une grosse contre-performance au printemps et que le titre ne s'effondre pas, le pari sera gagné", souligne-t-il. Autrement, Lyon rejoindra l'un des trente-quatre clubs qui végètent au fond des cotes européennes. N'est pas Manchester United qui veut !Lyon, un exemple difficile à suivre.Le contournement de la loi Buffet initié par Jean-Michel Aulas fera-t-il des émules ? Gervais Martel, le président de Lens, avoue qu'il suit de près le dossier lyonnais. "Voilà deux ans qu'on cherche des capitaux en vain. Si la cotation de la holding est une solution, pourquoi pas ?" s'interroge-t-il, avant de préciser cependant que chaque club devra évoluer en fonction de son identité. "Dans le cas de Lens, je prévois d'abord une ouverture du capital aux supporters avant la cotation", explique-t-il. De son côté, Hervé Varillon rappelle que seuls deux ou trois clubs français (Auxerre, Lens et Marseille) ont la structure et les résultats financiers pour être cotés. Il n'y aura donc pas de ruée vers la Bourse : Lyon risque d'être durablement isolé dans le paysage footballistique français.
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