La France, l'intelligence économique et les déboires de Phil Condit

"Il n'y a pas aujourd'hui de politique française d'intelligence économique," a reconnu hier avec franchise le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy. "Son principe même est mal compris". Le constat est sévère, mais lucide.Qu'est-ce, au juste, que l'intelligence économique ? En 1994, le Commissariat au plan en a donné la belle définition suivante (1) : "l'intelligence économique peut être définie comme l'ensemble des actions de recherche, de traitement et de diffusion (en vue de son exploitation), de l'information utile aux acteurs économiques. Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine de l'entreprise, dans les meilleures conditions de qualité, de délais et de coûts." Traduction de Nicolas Sarkozy, hier : ou bien on s'en est tenu "à force de vouloir être consensuel à des niveaux de réflexion qui sont voués à ne pas avoir de portée pratique", ou bien on a ramené l'intelligence économique "à l'espionnage industriel, et réveillé ainsi les vieilles images des barbouzes".Parlons clair : l'intelligence économique, c'est une mobilisation de tous les instants, de toutes les informations disponibles pour ne pas perdre (et si possible gagner) des contrats, des marchés, des brevets ou autres secrets de fabrication, voire le contrôle d'entreprises dites sensibles ou stratégiques. On sait l'Allemagne pas particulièrement fière d'avoir laissé partir entre les mains de fonds d'investissements américains son fabricant de sous-marins HdW puis son motoriste aéronautique MTU.Qui détient ces informations ? "L'Etat est très riche d'informations", a rappelé hier le ministre de l'Intérieur. "Dans certains domaines (diplomatie, défense), il en a même l'exclusivité ou la quasi-exclusivité". Le défi consiste donc à faire circuler l'information, à la partager avec le monde de l'entreprise, tout en lui conservant sa valeur, c'est à dire, le plus souvent, sa confidentialité.On sait que ce type d'échanges fonctionne remarquablement bien aux Etats-Unis. Trop bien, parfois : Phil Condit, le PDG de Boeing, a été contraint hier à une surprenante démission après qu'aient été révélées les indiscrétions d'une salariée recrutée au Pentagone. On soupçonne Darleen Druyun d'avoir communiqué à Boeing le montant proposé par Airbus dans un appel d'offres... puis d'avoir accepté un emploi chez l'avionneur américain.C'est un exemple d'intelligence économique poussée trop loin qui a valu à ses auteurs une juste sanction, diront les optimistes. C'est l'un des rares cas où de telles pratiques ont dû être sanctionnées parce qu'elles ont été découvertes, diront les autres.Dans un cas comme dans l'autre, l'histoire en dit long sur l'intérêt qu'ont la France et l'Europe à se mobiliser. Vite.(1) www.intelligence-economique.f
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