Accord dans l'affaire Executive Life

C'est un vrai coup de théâtre: un accord a finalement été conclu la nuit dernière entre les différentes parties françaises concernées par l'affaire Executive Life et la justice américaine. Arraché in extremis, cet arrangement à l'amiable permettra d'éviter l'ouverture d'un procès pénal potentiellement extrêmement coûteux.On croyait les négociations définitivement dans l'impasse: il n'en était rien. Un accord a bien été conclu dans la nuit de mercredi à jeudi. Celui-ci reprendra les grandes lignes du compromis qui avait été envisagé début décembre et que l'Etat français avait rejeté, tout comme François Pinault. Dans le cadre de cet accord, les différentes entités françaises concernées auront à payer au total une somme d'environ 760 millions de dollars, ce qui constituera la plus lourde amende jamais infligée aux Etats-Unis.La formalisation de l'accord doit encore être mise au point. Le projet inclurait une reconnaissance de culpabilité partielle de certaines parties en cause, mais pas de François Pinault, en échange d'une immunité envers de nouvelles poursuites pénales. En milieu de journée, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a confirmé, à Matignon, qu'un accord avec la justice américaine sur Executive Life était "en bonne voie". "Les autorités américaines aujourd'hui proposent un accord qui est ouvert à l'ensemble des personnes morales parties prenantes au dossier, qui est ouvert également aux personnes physiques", a-t-il précisé. Cet accord "ne coûtera pas un euro supplémentaire à l'Etat et aux finances publiques de la France", a-t-il ajouté, et "dans ces conditions, je suis ouvert à la finalisation de cet accord, qui aura mon consentement". Le Premier ministre avait revendiqué la paternité de la décision de rejet de la semaine dernière.Le ministre des Finances Francis Mer a pour sa part précisé que l'accord doit "être finalisé d'ici à lundi", avec la "réactualisation de 200 pages de textes". Selon lui, toutefois, "le cas de certaines personnes physiques" dont l'ancien président du Crédit Lyonnais Jean Peyrelevade, est encore "en cours de discussion". Ce nouvel accord devrait mettre enfin un terme au volet pénal du scandale Executive Life. L'affaire résulte du rachat, au début des années 1990, de la compagnie d'assurance californienne Executive Life organisé par le Crédit Lyonnais. La prise de contrôle d'un assureur américain par une banque étrangère étant interdite à l'époque, des montages sophistiqués avaient été mis en place, faisant intervenir notamment l'assureur français Maaf, avant que l'ensemble ne soit racheté par Artémis, la holding de François Pinault. C'est ce dernier qui a finalement tiré le maximum de profit de l'opération, quand le portefeuille de junk bonds détenu par Executive Life s'est révélé détenir de nombreuses pépites.La justice américaine entend donc faire payer les différents intervenants français pour avoir réalisé cette opération dans des conditions qu'elle estime frauduleuses. Sont en cause Artémis, la Maaf, le Crédit Lyonnais, mais aussi le CDR, structure publique mise en place pour prendre en charge les mauvais risques du Lyonnais lors de son sauvetage, et donc l'Etat français lui-même.Selon le projet d'accord élaboré ces dernières semaines, et qui serait finalement à peu près respecté, l'Etat français devrait payer une amende de 475 millions de dollars (dont 375 millions au titre de caution pour la procédure civile à venir), tandis que 100 millions seraient dus par le Lyonnais et 10 millions par la Maaf. En ce qui concerne François Pinault, dont l'opposition au projet avait fait échouer la tentative d'accord amiable de la semaine dernière, il s'agirait de payer 185 millions de dollars, en plus du blocage de ses parts dans la compagnie d'assurance Aurora, nouveau nom d'Executive Life, estimées à 250 millions de dollars. La semaine dernière, l'homme d'affaires avait refusé d'aller au delà de 130 millions de dollars.Un tel accord permettra d'éviter le déclenchement de la procédure pénale, qui aurait pu avoir des conséquences redoutables: mise en accusation publique de particuliers et d'entités français, procès à grand spectacle devant un jury populaire américain, risque élevé pour le Crédit Lyonnais, qui appartient désormais au Crédit Agricole, de perdre sa licence d'exploitation aux Etats-Unis...Il n'en demeure pas moins que, même s'il se confirme que le volet pénal de l'affaire est réglé, les poursuites civiles, dans lesquelles un médiateur vient d'être nommé, doivent encore suivre leur cours.Dans l'immédiat, la perspective d'un règlement du volet pénal est en tout cas bien accueillie par les investisseurs. Jeudi en fin d'après-midi, l'action du groupe Pinault-Printemps-Redoute, principal actif de François Pinault, enregistre une forte hausse à Paris, gagnant 3,46% à 79,30 euros. Le titre Crédit Agricole réagit aussi positivement, avec une progression de 2,27%, à 18,46 euros.
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