Sur les marchés émergents, bientôt une nouvelle crise ?

"Je connais sur les marchés beaucoup de gens éclairés qui font des swaps sur des défauts de crédit" - autrement dit, des spéculateurs qui anticipent que tel ou tel pays ne remboursera plus sa dette. Celui qui s'exprime ainsi n'est pas un amateur. Robert Rubin, président du comité exécutif de Citigroup, a été de 1995 à 1999 le secrétaire au Trésor de Bill Clinton. Du sauvetage financier du Mexique dès sa prise de fonction en 1995 à la gestion de la crise asiatique de 1997-98 en passant par la crise de la Russie, il fut davantage qu'un grand témoin des dangers financiers de la décennie écoulée : l'un de ceux qui contribua à en gérer les conséquences et éviter que le système financier international n'explose."Je suis frappé de voir à quel point les marchés financiers ont la mémoire courte," dit-il aujourd'hui en assistant à l'engouement des investisseurs pour le risque émergent. Le Brésil est toujours assis sur une pile de 61 milliards de dollars d'obligations en devises étrangères et consacre 20% des recettes fiscales au seul paiement des intérêts de sa dette. L'Argentine a quant à elle une dette de 88 milliards de dollars. Elle vient de conclure une négociation houleuse avec le FMI. Elle s'apprête à imposer de lourds sacrifices à ses créanciers privés... avant de proposer aux marchés financiers de nouvelles obligations indexées sur la future croissance de son PIB.Car, profitant de primes de risques historiquement basses (mesurées par l'écart de rémunération entre les obligations d'un émetteur et les bons du Trésor américain, le "spread" dans le jargon des marchés), les grands argentiers et les entreprises des pays émergents recommencent pour certains, continuent allègrement pour les autres, à emprunter.Il y a trois bonnes raisons d'espérer que les crises du type de celles du milieu des années 1990 ne se reproduisent pas : les systèmes de taux de change fixes ou les "pegs" (arrimage au dollar dans une fourchette très limitée) ont disparu ; la transparence financière (notamment sur les réserves de change et l'état du système financier) s'est considérablement améliorée ; la situation macro-économique est beaucoup plus saine. La croissance est là (4% au Brésil, 7% en Argentine), les comptes courants sont excédentaires, tout comme les soldes budgétaires.Mais le poids de la dette demeure colossal. Et les marchés financiers extrêmement nerveux. On le constate à chaque mauvais chiffre (comme le dernier indice d'inflation au Mexique), à chaque soubresaut politique (du Venezuela à Taïwan). En outre, quand les taux américains finiront par remonter - ce qui arrivera inévitablement - l'attrait comparatif des marchés émergents sera entamé d'autant. Mieux vaudrait par conséquent anticiper le reflux et s'appliquer à contenir la dépendance aux capitaux étrangers avant qu'il ne soit trop tard.
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