"La dépendance des Dragons vis-à-vis de la Chine est de plus en plus marquée"

latribune.fr - Secouées par l'épidémie de pneumonie atypique l'an dernier, les économies d'Asie semblent avoir renoué avec des rythmes de croissance plus que décents. Quel est le moteur de ce redressement?Philippe Waechter - Lorsque l'on observe la situation en Asie, on ne peut qu'être frappé par la croissance des exportations. Cela traduit un cycle bien synchronisé entre les pays de la région. En conséquence, le commerce intra-zone se développe très rapidement et a tendance à s'auto-entretenir. L'impulsion et le dynamisme de ces échanges proviennent de la croissance chinoise.Ces débouchés en forte progression incitent à un développement rapide des dépenses d'investissement. Les entreprises, si elles souhaitent répondre à la demande, doivent accroître leurs capacités. Cependant, malgré un marché du travail qui a tendance à s'améliorer, la consommation reste un peu moins dynamique dans certains pays. Cela traduit une moindre réactivité des ménages par rapport aux entreprises après le choc négatif qu'a représenté le SRAS l'an dernier. En outre, en Corée, le développement du crédit aux ménages avait été si important que les banques ont du durcir les conditions de crédit. Cela a pesé clairement sur la consommation coréenne. En février, la contrainte bancaire s'est un peu desserrée en Corée montrant que cet épisode plus restrictif est en partie passé. D'une manière générale, la consommation devrait s'améliorer en 2004 et apporter une contribution plus forte à la croissance. Cela s'observe déjà à Taiwan et en Thaïlande.Quels sont les risques qui pèsent sur ces économies ?Pour l'instant, ces économies sont dans une situation très favorable. La reprise globale de la croissance traduit un cycle de l'économie mondiale bien synchronisé. Les grandes puissances n'ont pas une expansion à contretemps les unes par rapport aux autres, même si les rythmes de croissance sont différents. En outre, les politiques économiques sont plutôt accommodantes.Ces deux facteurs sont très favorables à la croissance en général mais l'Asie, compte tenu de son dynamisme intrinsèque, en profite encore davantage. Le schéma global sera modifié lorsque les politiques économiques, monétaires notamment, seront plus restrictives car cela entraînera nécessairement des ajustements dont les rythmes sont différents d'un pays à l'autre et d'une zone géographique à une autre. Il y aura alors nécessairement une inflexion de l'activité.Que pensez-vous de cette intégration croissance des économies de la zone Asie avec comme puissance tutélaire, la Chine ?La Chine joue un rôle bien particulier. Lorsque l'on analyse les exportations coréennes ou taiwanaises on remarque son poids de plus en plus important. Dans ces deux pays, les exportations vers la Chine ont désormais un poids plus important que celles vers les Etats-Unis. Cette situation s'est trouvée renforcée par l'adhésion de la Chine à l'OMC. Il y a là une sorte de dépendance de plus en plus marquée.L'autre dépendance assez forte est le système monétaire qui prévaut. Les monnaies sont peu ou prou attachées au dollar. Il y a des mouvements sur les parités mais qui ne traduisent pas la force potentielle des monnaies locales. Par contre le yuan chinois est parfaitement arrimé au dollar américain. Les monnaies des pays de la zone sont donc contraintes par ce système et par le fait également que la majeure partie des transactions s'opère en dollar. Compte tenu du rôle grandissant de la Chine dans les échanges asiatiques, il y a là une limitation à l'appréciation des monnaies.En conséquence, tant que le yuan n'aura pas été réévalué par rapport au billet vert, ces monnaies resteront sous pression et ne s'apprécieront pas de façon importante... Cependant les Chinois n'ont pas encore cédé aux pressions américaines et contrairement aux japonais dans les années 70 et 80, ils ne se pressent pas pour réévaluer leur monnaie. Cela leur permet d'être très compétitifs sur le marché américain. Les exportations chinoises gagnent des parts de marché aux Etats-Unis. Cela s'observe par la part grandissante des importations en provenance de Chine dans les importations américaines. En conclusion, les Dragons d'Asie méritent-ils toujours leur surnom ?Au vu des taux de croissance anticipés, à savoir 5 à 6% par an, on peut répondre par l'affirmative. Ceci dit, le dragon n'attaque plus les économies occidentales directement. Il le fait maintenant via la Chine.
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