"Le resserrement de la politique monétaire va freiner la consommation en Grande-Bretagne"

latribune.fr - Lors de la présentation du budget pour l'exercice 2004-2005, le Chancelier de l'Echiquier a formulé une prévision de croissance comprise entre 3 et 3,5%. Qu'en pensez-vous ?Omar-Gabriel Habache - Cela me paraît un peu élevé. Au Crédit Agricole, nous tablons plutôt sur un rythme de 2,8% pour l'année civile qui débute en avril. Nous sommes encore plus prudents pour ce qui est de 2005 puisque nous anticipons une croissance de 2,5% contre une estimation comprise entre 3% à 3,5% pour le gouvernement britannique. Nos anticipations reflètent le fait que les relais de croissance sont limités. Face à une consommation des ménages qui devrait ralentir, la hausse de la consommation publique est contrainte par la nécessité de réduire le déficit public. De son côté, l'investissement revient sur une tendance haussière mais relativement modéré, en liaison avec une hausse des exportations forcément affectée par la faiblesse de la zone euro ainsi que par la force de la livre sterling.Quel est, selon vous, le profil de cette croissance britannique à court terme ?Dans notre scénario, la consommation des ménages va être freinée par la remontée des taux d'intérêt induite par le resserrement de la politique monétaire de la Banque d'Angleterre (BoE). Les Britanniques sont endettés à taux variable et le relèvement des taux alourdit mécaniquement leur dette et réduit ainsi la part du revenu qu'ils peuvent consacrer à la consommation. Ceci étant, nous ne craignons pas un coup de frein brutal, à moins que la BoE n'ait décidé d'assumer le fait de provoquer une récession en pratiquant un resserrement monétaire agressif. En effet, ceci aurait pour conséquence de faire basculer un nombre significatif des ménages - les plus fragiles financièrement - dans une situation de manque de liquidités, voire d'insolvabilité pour les plus vulnérables. Ceux-ci seront alors obligés de revendre leur bien immobilier trop chèrement acquis et vraisemblablement à un prix moindre qu'au prix de marché. Cela pourrait déclencher une spirale baissière sur les prix résidentiels et forte serait alors la probabilité d'entrer dans un enchaînement cauchemardesque : un nombre croissant de ménages se retrouvant dans une situation d'actifs nets négatifs (la valeur de l'encours de la dette est supérieure à la valeur du bien immobilier), il y aurait alors vraisemblablement un mouvement de panique à la revente, un crack immobilier, débouchant sur une montée en flèche des créances irrécouvrables dans les bilans des institutions de crédit qui, en réaction, pratiqueraient un rationnement non discriminé du crédit et, in fine, l'économie toute entière plongerait dans la récession. Les autorités monétaires n'ont d'autre choix que de relever le taux directeur de façon graduelle, par petites doses de 25 points de base. La prochaine étape devrait avoir lieu en mai prochain et la suivante au quatrième trimestre. Dans cette optique, nous considérons que la hausse des prix immobiliers devrait progressivement ralentir, et, d'ici un an, nous devrions observer une stabilisation.En présentant son budget, Gordon Brown a annoncé que le déficit public serait ramené à 2,6% pour le prochain exercice contre 3,2% pour celui qui s'achève. Cette hypothèse vous paraît-elle crédible ? Avec une prévision de croissance du PIB de 3-3,5%, Gordon Brown table visiblement sur des rentrées fiscales. Ceci étant, si celles-ci ne sont pas aussi fortes qu'attendu, il y a bien évidemment un risque de dérapage du déficit budgétaire. Compte tenu de nos propres prévisions de croissance, le chiffre de 2,6% nous semble donc bien optimiste. Mais c'est de bonne guerre dans un contexte préélectoral. De surcroît, rappelons que sur les deux derniers exercices fiscaux, le déficit public est à chaque fois ressorti supérieur à ce qui était inscrit dans le budget. Cependant, faire une annonce différente serait interprété comme un signal négatif à la fois par les partenaires européens, et, plus grave, par les marchés financiers. Par ailleurs, le plan de refonte de la fonction publique annoncé semble assez ambitieux. D'abord par son ampleur - plus de 40.000 postes supprimés d'ici à 2008 -, ensuite par sa faisabilité. Les employés des services publics constituent un élément non négligeable de l'électorat du Labour (ndlr, le parti de Tony Blair).Avec un taux de chômage de seulement 2,9%, la Grande-Bretagne fait rêver ses voisins européens. Une nouvelle baisse du chômage peut-elle être encore envisageable ?Selon moi, le défi à relever serait de stabiliser le taux de chômage à son niveau actuel. Il paraît effectivement difficile de descendre plus bas. D'autant que certaines tendances perdurent au sein de l'économie britannique et notamment les destructions d'emplois dans l'industrie. Dans ce secteur, le taux d'utilisation des capacités de production reste en dessous de sa moyenne de long terme, ce qui ne permet pas d'anticiper une reprise des embauches dans l'industrie, d'autant que cela va à l'encontre du mouvement structurel de désindustrialisation. Par ailleurs, si la consommation ralentit comme nous le prévoyons, il y aura un impact sur la dynamique des créations d'emplois dans les services. Enfin, après avoir beaucoup recruté ces dernières années, les services publics s'apprêtent à entrer dans une logique de rationalisation des effectifs. Tout ceci ne plaide donc pas en faveur d'une poursuite de la décrue du chômage.
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